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Philosophie de l’impôt

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Philippe Nemo s’élève à juste titre contre l’irréflexion fiscale et tente d’y remédier avec talent. A la conception socialiste qui considère l’impôt comme un outil de redistribution de la richesse illégitime des riches, il oppose la conception libérale selon laquelle l’impôt est la contrepartie des services publics offerts par l’Etat dans le cadre d’un contrat implicite. Il fait ainsi reposer la fiscalité sur les principes anciens de la justice fiscale commutative, celle d’un échange égal entre parties libres, voire de la justice distributive, plus adaptée aux communautés restreintes d’autrefois, respectueuse d’une répartition proportionnée aux mérites et qualités de chacun.

Ce petit livre aisé à lire expose et dénonce avec méthode les raisons qui ont conduit l’Etat à s’approprier une si grande partie des revenus et du patrimoine des citoyens que le système établi est devenu celui d’une spoliation organisée. Il énonce avec méthode les différentes doctrines et passions à l’origine de l’impôt confiscatoire, du marxisme au solidarisme et au keynésianisme. Toutes, au-delà du raisonnement économique, satisfont sans doute implicitement et peu ou prou les passions d’envie et les profonds ressentiments qui aboutissent, selon le schéma si bien décrit par René Girard, à la désignation de boucs émissaires dont les riches fournissent désormais les gros bataillons de victimes offertes à la vindicte populaire.

Mais le plus grave est encore moins sans doute l’aspect financier de ce vol systématique que les conséquences sociales et presque anthropologique à long terme d’un tel système qui conduit à l’aliénation du contribuable astreints à « une nouvelle forme de servitude. Comme l’être de chacun est plus ou moins lié à son avoir, le fait de prendre aux citoyens la moitié de ce qu’ils ont revient à anéantir la moitié de ce qu’ils sont ».

Quand l’impôt se veut moralisateur, il y a toujours à craindre que ce ne soit qu’un prétexte à l’exercice immodéré de la puissance de l’Etat au service d’intérêts particuliers déguisés en bons sentiments. Et la dérive n’est jamais loin d’une forme plus ou moins édulcorée de totalitarisme social de la part de la puissance publique qui devient la « main qui prend », dans un mouvement de violence parfois consentie que le philosophe allemand Sloterdijk n’hésite pas à rapprocher des sacrifices humains des sociétés archaïques.

Face au « macronisme » ambiant qui repose sur la recherche d’une égalité des chances comme une forme de sésame à la charnière du socialisme et d’un pseudo-libéralisme, l’auteur expose avec justesse que « pour égaliser les chances de tous au départ de la vie, il faut s’assurer qu’aucun n’ait reçu une part plus grande des héritages matériels et culturels de la société. Or égaliser les héritages matériels, c’est bien œuvrer pour l’égalité des conditions. Quant aux héritages culturels, il n’est pas d’autres moyens, pour les égaliser, que d’arracher l’enfant à la famille et de le confier à des organismes publics auxquels on donnera tous les moyens nécessaires pour qu’ils puissent procurer à tous les enfants la même éducation. Ce qui ne peut se faire sans une forte pression fiscale et, d’autre part, sans des pratiques scolaires monopolistiques et potentiellement totalitaires ».

Concrètement, Philippe Nemo décrit l’origine de l’impôt progressif qui est l’outil le plus puissant du socialisme fiscal. Il en souligne l’incertitude que rappelait John Stuart Mill et le danger tenant à l’absence de limites objectives puisqu’elles sont confiées tout entières à l’arbitraire d’un pouvoir entre les mains, en France, d’une majorité de gens qui ont commencé par s’exonérer du paiement de cet impôt pour le faire supporter aux autres. Selon les mots de McCulloch cités par le grand doctrinaire de l’impôt direct à la charnière du XXème siècle commençant, Seligman, « …quand on abandonne la proportion, on est comme un bateau en pleine mer sans gouvernail ni boussole ».

Partant de cette analyse, ce petit ouvrage n’est pas seulement convaincant dans ses dénonciations, il l’est aussi dans ses propositions en faveur d’un impôt par tête pour contribuer à toutes les dépenses en faveur de la sécurité des personnes et proportionnel aux dépenses pour le reste, dans certaines limites, de façon à frapper moins les personnes que les produits et à s’ingérer le moins possible dans la vie personnelle de chacun.

Philippe Nemo s’insurge joliment contre cet arasement social que l’obsession contemporaine de transparence vient amplifier jusqu’à « stériliser la pensée, l’art, les relations humaines, toue la vie sociale, puisque c’est dans ces vies privées et ces zones de secret que se préparent la pensée critique et les créations originales ». Cette descente vers l’ « enfer de l’égal », que favorise une fiscalité omniprésente en même temps qu’elle en est le fruit, sera le chemin d’une régression de civilisation si nous n’y prenons pas garde.

A lire sans retenue pour s’armer contre le Léviathan.

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1 commenter

Astérix 5 décembre 2017 - 10:43 am

Remarquable M. Philippe Nemo !
Merci pour cet article.
M. Philippe Nemo préconise de plafonner les prélèvements obligatoires autour de 35 %. Je défendais 30 %, mais c'est M. Nemo qui devrait être Président de la République ou Ministre de l'économie et des finances.
Cet homme de bon sens ne sera jamais écouté par nos crétins de gouvernants. c'est bien dommage !

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