Le Conseil constitutionnel confond la poche de l’actionnaire et celle de sa société et gomme ainsi la personnalité morale et juridique de celle-ci de manière bien improbable.
Le paragraphe I de l’article 7 de la loi de finances pour 2017 a été déféré devant le Conseil constitutionnel. Il complète la liste des revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune ( Article 885 V bis du CGI) et prévoit que sont réintégrés dans ces revenus ceux distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le contribuable si l’existence de cette société et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Les 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel avait jugé que ne pouvaient pas être prises en compte dans le revenu servant à calculer le plafonnement de l’ISF des sommes qui ne correspondaient pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable avait réalisés ou dont il avait disposé au cours de la même année.
Au mépris de sa jurisprudence antérieure et sur la base d’une analyse incertaine, le Conseil constitutionnel a validé l’article concerné au motif que
« Les dispositions contestées ne prévoient la réintégration des revenus distribués à une société que si celle-ci est contrôlée par le redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune. En outre, elles ne s’appliquent que si l’existence de cette société et le choix d’y recourir caractérisent un montage dont le but principal est d’éluder tout ou partie de l’impôt de solidarité sur la fortune en bénéficiant d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du plafonnement. Enfin, seule est réintégrée la part des revenus distribués correspondant à une diminution artificielle des revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement. »
C’est-à -dire que désormais, l’actionnaire qui contrôle une société et qui se fait rembourser son compte courant pourra voir celui-ci assimilé à un revenu pris en compte pour le calcul du plafonnement de l’ISF, et limitera donc d’autant ledit plafonnement.
Certes, le Conseil constitutionnel a assorti sa validation de réserves afin que dans « le respect des capacités contributives des contribuables », ces dispositions , n’aient pas « pour effet d’intégrer dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année d’imposition ». Il demande ainsi que la réintégration dans le calcul du plafonnement des revenus distribués à la société contrôlée par le contribuable ne puisse avoir lieu que « si l’administration démontre que les dépenses ou les revenus de ce dernier sont, au cours de l’année de référence du plafonnement et à hauteur de cette réintégration, assurés, directement ou indirectement, par cette société de manière artificielle ».
Mais que signifie l’idée d’assurer artificiellement les dépenses ou revenus d’un contribuable par sa société ? Se rembourser son compte courant a-t-il quelque chose d’artificiel, quelle que soit l’origine dudit compte courant ? Comment sera-t-il convenu que le contribuable a été animé principalement ou non par la volonté d’éluder l’ISF ? C’est une nouvelle monstruosité juridique que le Conseil constitutionnel a validé en acceptant de confondre la poche de l’actionnaire et celle de sa société et en gommant ainsi la personnalité morale et juridique de celle-ci de manière bien improbable. Le Conseil constitutionnel est pourtant là pour rappeler au législateur qu’il doit être clair et compréhensible, ce qui en l’espèce est loin d’être le cas. Tout dans ce texte lu sous le regard des observations du Conseil constitutionnel est sujet à interprétation.
Le Conseil constitutionnel nous avait habitués, surtout ces derniers temps, à des raisonnements plus rigoureux. Il en a encore fait preuve le 22 décembre en censurant dans le budget de la Sécurité Sociale les clauses de désignation par les branches syndicales des organismes de prévoyance complémentaire, laissant ainsi leur libre choix aux entreprises. Il l’a fait aussi dans sa décision sur la Loi de finances 2017 en considérant qu’étaient contraires à la constitution les dispositions de l’article 78 qui prévoyait la soumission à l’impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés en France par une personne morale établie hors de France à la seule discrétion de l’administration fiscale, ou encore celles de son article 105 qui pénalisait sans limite les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ayant omis de signaler par voie électronique les achats de biens ou de prestations de services réalisés auprès d’un autre assujetti.
Mais l’ISF est marqué peut-être par le sort et il lui est réservé régulièrement un traitement d’infamie, à l’image de celui que lui accorde l’opinion qui n’a pas encore suffisamment compris tout le mal que cet impôt délétère faisait subir à l’économie française. Espérons que la nouvelle majorité tiendra ses promesse, d’ailleurs réitérées, et saura mettre fin à l’ISF vécu par beaucoup comme un supplice de Tantale infligé aux entreprises et à leurs dirigeants.
1 commenter
Ça vous étonne ?
Le CC est composé des gens qui soit ont toujours approuvé l'ISF, soit n'ont jamais eu le courage de le supprimer…