On voit de plus en plus émerger chez les tenants de l’écologie politique et/ou intégrale, partisans d’une agriculture biologique voire biodynamique, une certaine nostalgie pour « l’agriculture de nos grands-parents » avec des parcelles plus petites, et des chevaux ou des bœufs à la place des tracteurs. Une agriculture familiale et très peu mécanisée, qui nécessitait plus de main d’œuvre. Ces nostalgiques, qui ne rencontrent des agriculteurs qu’au salon de l’agriculture, ont une vision fantasmée du monde rural et ignorent tout des conditions difficiles dans lesquelles travaillaient nos paysans de la fin XIXe et du début du XXème siècle.
En effet, quelle joie dans mon exploitation familiale quand les premiers tracteurs sont arrivés, quand les sécateurs électriques sont apparus, ou lors de la mécanisation des vendanges ! Moins de douleurs, un travail grandement facilité, des solutions plus efficaces pour lutter contre les maladies de la vigne.
Et le progrès continue. Le XXIème siècle sera aussi un siècle d’innovations, pour des raisons à la fois environnementales et de confort. D’une certaine manière, le combat des écologistes pourra rendre service à l’agriculture, en la forçant à se moderniser davantage plutôt qu’en revenant aux temps anciens dont seuls rêvent les bobos. Ce qui pourra aussi peut-être avoir un prix que les consommateurs devront accepter de payer.
Pour l’instant, les agriculteurs passent 15 % de leur temps à des tâches administratives, ils subissent une inflation normative, légale, et réglementaire exponentielle, et surtout ils doivent pallier l’interdiction de produits phytosanitaires performants. Ces interdictions, comme celles du glyphosate dont la dangerosité n’a pas été prouvée (n’en déplaise à Elise Lucet !), risquent d’entraîner une baisse de 40 % des rendements agricoles français, sans aucun substitut[[M. De Greef-Madelin, F.Paya, Normes, réglementations…. Mais laissez-nous vivre, « Chapitre 5 : L’agriculture entre contraintes et contrôles ». Plon, 2020.]]. Et la crise du COVID nous a bien montré que l’agriculture conventionnelle est la plus à même de répondre à une forte demande.
Face à ces défis, les entreprises agricoles innovent pour lancer sur le marché de nouveaux outils et produits, presque aussi performants, devançant les futures interdictions et facilitant toujours plus le métier d’agriculteur.
Voici un bref panorama des innovations les plus intéressantes dans la viticulture française, en retard par rapport aux autres pays producteurs. Car elles seraient sans doute plus performantes si elles n’étaient pas aussi contraintes par des procédures administratives.
Une agriculture encore plus mécanisée
En ce qui concerne les produits phytosanitaires, la pression de l’opinion accentuée par les médias et les écologistes tend à les réduire significativement, voire à les supprimer. Certains ont été signalés comme dangereux, néfastes pour les cultures et les agriculteurs. Il faut donc trouver des solutions.
Pour le désherbage, des machines et de nouvelles techniques commencent à apparaître. Contrairement au rêve imbécile de Yannick Jadot, l’arrêt des pesticides n’entraînera pas une explosion de la demande de main d’œuvre, mais une mécanisation encore plus poussée.
Par exemple, l’entreprise charentaise Forge Boisnier a lancé un porte-outils « interceps » à deux rangs. Tracté, il permet de désherber avec des lames entre les pieds de vignes. Il est possible d’y atteler un autre outil. Ainsi, le viticulteur peut désherber mécaniquement deux rangs tout en broyant l’herbe ou en labourant derrière lui : un gain de temps énorme. Les débits de chantier sont d’ailleurs impressionnants : 4,5 ha/h. Le suisse Zasso lance, lui, une version intercep du modèle X-power, outil innovant de désherbage électrique. Les mauvaises herbes sont éliminées par électrocution.
Source : reussir.fr
Autre option, non ménanique, celle des entreprises Oeliatec (bretonne) et MM Spray (italienne), qui proposent un désherbage à la vapeur.
Sources : terre-net.fr – reussir.fr
L’américain Agrofrost a présenté, lui, lors du SITEVI 2019, le grand salon de la viticulture, une nouvelle technique qui utilise de l’air chaud afin de venir à bout des adventices.
Ce ne sont donc pas les innovations qui manquent pour remplacer le méchant glyphosate.
Renforcer les défenses de la vigne
Des solutions technologiques sont aussi envisagées afin de limiter la pulvérisation de produits chimiques contre les maladies de la vigne. Certaines encore à l’essai, d’autres déjà commercialisées.
L’Agrotherm XT de Clemens est présenté comme un outil complémentaire au pulvérisateur classique. Il permet de réduire de manière conséquente le nombre de passages et donc les quantités de fongicides. Il connaît déjà du succès outre-Atlantique, notamment en Californie. Son principe consiste à envoyer de l’air, chauffé à l’aide de bonbonnes de gaz, sur la vigne, avec un double effet. D’une part, cela assèche le microclimat au niveau des vignes. D’autre part, l’air très chaud génère un stress pour la vigne et l’incite à renforcer ses défenses. Elle devient ainsi plus résistante aux attaques fongiques.
Source : clemens-online.com
Des séances d’UV pourraient également limiter l’usage de produits « phyto ». Le système Helios de la société UV Boosting consiste à soumettre les vignes à des ondes ultraviolettes qui incitent les cultures à renforcer leurs défenses internes. Les vignes sont mieux protégées par elles-mêmes. Des essais ont montré que l’on pouvait réduire de 50 % la quantité de produits phytosanitaires en passant l’UV Boosting tous les dix jours.
Source : uvBoosting.com
Une autre technologie, en phase test mais moins sûre, est développée par l’italien MM Spray et l’espagnol Makato. Ce système ferait économiser entre 30 et 70% de produits phytosanitaires. Il prend le dioxygène de l’air, le concentre puis l’électrise pour former de l’ozone qui est ensuite injecté dans le circuit d’eau du pulvérisateur juste avant la pulvérisation. L’ozone est connu pour son pouvoir fongicide et bactéricide mais le cadre d’utilisation de ce gaz instable est très normé et réglementé.
Dans certains pays, on plante des vignes issues de croisements, qui résistent mieux aux maladies chroniques comme le mildiou ou l’oïdium. Les techniques de ce type pour rendre les plants plus résistants progressent, mais se heurtent en France à une certaine… résistance, le domaine des OGM étant ultra-sensible. Pourtant, dans ce cas-là , l’utilisation de produits chimiques serait considérablement réduite.
Arrivent également sur le marché des outils d’aide à la décision pour déclencher les traitements phytosanitaires. Des logiciels reliés aux stations météo des exploitants ou d’un réseau d’exploitants permettraient de diminuer les traitements « phyto » de 25 à 40 %, si on les pulvérisait pile au meilleur moment.
La bataille des phéromones et des bactéries
Il existe aussi ce qu’on appelle des solutions bactériennes pour renforcer les défenses immunitaires de la vigne.
Notamment avec des engrais : il faudrait semer des herbes à l’automne (des légumineuses par exemple) qui fixeraient l’azote de l’air afin que la vigne se développe mieux. Ou avec des bactéries, qui pourraient « rendre disponibles » des éléments minéraux du sol afin qu’ils viennent nourrir les racines de la vigne.
Pour lutter contre les insectes, comme l’eudémis de la vigne (Lobesia botrana) et la cochylis de la vigne ou tordeuses de la grappe (Euporcilia ambiguella), une pratique se répand de plus en plus : la confusion sexuelle. Des phéromones sexuelles sont placées dans les rangs de vigne en période de reproduction des chenilles. Elles provoquent une lutte par confusion sexuelle, empêchant les insectes d’aller sur les vignes et de se reproduire. En Allemagne, cette technique est utilisée sur 65% du vignoble, 60% en Suisse, et seulement 12% en France, en 2019. Selon BASF, la firme qui commerciale le produit, « la lutte insecticide par confusion sexuelle est une voie d’avenir pour la protection des vignobles contre les ravageurs de la grappe. »
Mais toutes ces nouvelles méthodes sont encore assez chères. Pour le désherbage par exemple, le glyphosate reste bien meilleur marché, pour une efficacité égale. Cependant, la multiplication des commandes et la commercialisation devraient faire baisser les coûts dans les prochaines années.
Source : agro.basf.fr
Beaucoup de ces techniques sont encore à l’essai. D’autres les remplaceront peut-être dans un futur proche. Et c’est cela la beauté de l’innovation. La recherche incessante de l’amélioration.
L’innovation, malgré l’opinion des « décroissants » et des rêveurs du retour à la terre, est l’avenir de l’agriculture. Parallèlement, l’agriculture conventionnelle deviendra de plus en plus « bio » et de plus en plus productive, non pas en revenant à l’époque de nos arrière-grands-parents, mais par la mécanisation intensive et par de nouveaux produits. Faisons confiance à la technique et aux professionnels, pas aux malthusiens et jardiniers du dimanche.
2 commentaires
Très bon exposé mais halte à l'utilisation déraisonnée des pesticides
Bonjour monsieur Belaud
Merci pour cet exposé très intéressant, nous faisant découvrir toutes ces nouvelles technologies qui vont peut-être faire diminuer l'emploi des produits chimiques.
Comme vous "tapez" sur Elise Lucet, j'avais juste une remarque à rajouter et vous invite à retrouver le petit reportage concernant l'abandon progressif des pesticides. Dans celui-ci, dans un des chapitres, un spécialiste outre atlantique était venu en France tenir une conférence aux agriculteurs voulant s'orienter sur une voie plus propre (plus saine).
Il y avait également des intervenants qui se rendaient sur des exploitations pour conseiller les producteurs. Je vous invite vivement à regarder ce chapitre en particulier où une vigneronne utilisant la chimie entreprend un essai sur une de ses parcelles de ne pas mettre de produit. Le résultat est spectaculaire!
Sur les parcelles traitées à la chimie, les racines des vignes se développent en largeur, les organismes vivants ont disparus rendant la terre dure et non aérée. Au bout le la première année, sur la parcelle non traitée chimiquement le résultat est étonnant, les racines avaient recommencé à sonder les profondeurs et la terre plus aérée avait retrouvé une faune qui l'avait déserté. Vous serez d'accord avec moi que ces ceps de vigne allant chercher leurs richesses en profondeur, fourniront un vin d'une autre qualité avec une variété aromatique bien supérieure.
Le problème n'est pas les pesticides en eux-même mais les abus qui en sont fait par les utilisateurs. Comme ils ne sont pas raisonnables, il faut malheureusement aller jusqu'à interdire leurs utilisations.
Je ne suis pas d'accord d'aller jusqu'à polluer les sous-sols sous prétexte de rentabilité. En Alsace nous avons encore la chance de posséder une des rares nappes phréatiques propre, nous fournissant de l'eau potable de qualité, nécessitant très peu de traitement.
Que les exploitants agricoles bossent proprement et qu'ils soient correctement rémunérés pour leur produits. Halte aux intermédiaires qui s'enrichissent en, ne faisant rien! que donner des ordres à leurs fournisseurs. Le consommateur doit également accepter de payer un peu plus. L'Europe n'est pas une unité en soi mais juste un espace où s'exerce une concurrence déraisonné. C'est là qu'est le fond du problème: combien de suicide dans cette profession en lien direct avec la terre? L'exploitation agricole est un tout, qui doit suivre un processus naturel: des cultures et des animaux pour fournir les engrais, ça fait beaucoup de travail en effet: la mono-culture avec tracteurs GPS demande de gros investissements puis ça roule avec la chimie. Faut re-instaurer les circuits courts, bien plus vertueux. C'est l'Europe qui a encouragé dans les années 80-90 (y compris dans les petites structures familiales) à emmener les vaches à l'abattoir, à coup de subventions. Une belle connerie!
Je suis un peu direct mais en maintenant 50 ans, j'ai une vue un peu plus aguerrie sur ce genre de questions.
PhB
Merci pour votre article intéressant mais un peu orienté vers la mécanisation…et merci à PhB pour ses remarques judicieuses
J'aimerais ajouter que les problèmes de maîtrise de l'enherbement n'est pas le premier souci il se maîtrise assez facilement avec des outils intercep fraises rotatives lames ou rotofils …le plus grand souci ceux sont les maladies mildiou et oïdium
La solution existe depuis belle lurette dans les tiroirs de l'INRA qui avait sélectionné des cépages tout simplement résistants
Le problème c'est l'autorisation de les utiliser pour des raisons commerciales de disparition de l'industrie Phyto peut être.???que de TVA et d'emplois… en moins mais un petit espoir depuis quelques temps, avec des parcelles qui ont eu l'autorisation d'être plantées…
Quant aux insectes parasites vous avez raison de citer les phéromones…
Un souci non évoqué les nouveaux insectes:Suzuki i qui peuvent rendre une récolte bio ou conventionnelle inutilisable pour faire du vin (augmentation de l'acidité volatile avant fermentation…)
Guère de solution
Une des conséquence supplémentaire de la mondialisation
Après le frelon asiatique…la bactérie des oliviers en Italie la sharca etc etc