Jean-Paul Delevoye et Agnès Buzyn avaient quitté le navire. Le premier, contraint et forcé après les révélations sur ses différentes fonctions et missions qu’il avait tenues cachées ; la seconde après avoir été désignée en catastrophe candidate à la mairie de Paris. Les 40 000 amendements déposés à l’Assemblée ont contribué à la cacophonie ambiante, empêchant un vrai débat sur cette réforme. Finalement, le Premier ministre va utiliser l’article 49.3 pour faire passer le texte. Ce n’est pas une surprise (il y a eu 88 précédents sous la Ve République) mais on aurait préféré qu’il serve pour une vraie réforme, qui aurait changé radicalement le système français tout en le sauvant de la faillite. Or, ce que fait le gouvernement n’améliorera nullement la situation. Les derniers changements et autres promesses ajoutent encore à l’opacité d’un texte qui était déjà bâclé.
Retraites
Les rapports entre les actifs et les retraités sont actuellement à la fois tendus et malsains. En gros, les actifs reprochent aux retraités d’accaparer une part trop grande du PIB, notamment par rapport à des nations qui ont le plus souvent choisi à la fois des taux et des montants très inférieurs pour leurs cotisations-vieillesse et leurs pensions (ce qui chez nous, ne conviendrait probablement pas à tout le monde !). Inversement, il semble qu’un nombre important d’actifs n’aient pas encore réalisé qu’un jour ou l’autre, ils deviendront retraités et qu’ils risquent alors de payer fort cher tous les coups de canif sociaux et fiscaux qui sont aujourd’hui portés à la solidarité intergénérationnelle. Or il y a un autre fait qui échappe manifestement à la plupart des actifs : eux-mêmes n’ont jamais que l’expérience de leur carrière, alors que les retraités ajoutent à leur longue expérience d’actifs, celle irremplaçable de la retraite et le moins qu’on puisse dire est qu’avec cet “effet de parallaxe”, les perspectives des uns et des autres sont radicalement différentes.
Alors que le Gouvernement est strictement incapable à ce jour de poser l’équilibre financier général de la réforme, qu’il en a d’ailleurs repoussé plusieurs éléments à l’issue d’une conférence incertaine et qu’il n’a guère daigné fournir les autres, comment peut-il donc déjà publier une volée de simulations individuelles qui, bien entendu, soulignent largement les avantages de la réforme, alors que les valeurs définitives et significatives du point de retraite ne sont toujours pas connues ? En effet on n’a pas besoin de s’acharner, à grands renforts de calcul :
Cette grève aurait pu être l’occasion idéale. Non pas pour la réforme des retraites, qui n’en est pas une, mais pour celle de la réforme des syndicats français. Emmanuel Macron aurait pu profiter du blocage des transports, de la lassitude des Français et de l’urgence du changement pour casser le système syndical à la française.
Pour dissimuler le fait que leurs revendications en matière de retraite visaient essentiellement à préserver les privilèges des fonctionnaires et autres régimes spéciaux, les syndicats grévistes ont battu le pavé en conspuant les fonds de pension et les cadres qui allaient profiter de la réforme. Leur raisonnement est que le plafond de cotisation étant abaissé d’environ 320 000€ (8 fois le plafond de SS) à environ 120 000€, les cadres supérieurs seraient dispensés de cotisation sur la partie supérieure de leur salaire et pourraient cotiser auprès de fonds de pension pour s’enrichir aux dépens des autres salariés.
Entretien avec Eric Lemaire, patron, entrepreneur, business angel et membre de La Société Civile. Ses sociétés sont basées en banlieue parisienne et sont particulièrement touchées par les grèves. Voici un patron inquiet pour ses entreprises et les emplois qu’il a créés mais aussi pour la France qu’il trouve bien partie pour la faillite économique, à moins de vraies réformes.
La réforme des retraites est un sujet trop important pour être abandonné aux syndicats!
Nicolas Lecaussin s’inquiète de ce qu’est devenue cette réforme, désormais illisible et incapable de garantir un système équilibré ni réellement universel. Alors, les 64 ans? Les dispositions sur l’âge pivot…
Les conducteurs de train et de métro ne sont pas les seuls à travailler le week-end
La pénibilité est un des thèmes sur lesquels achoppent les négociations sur la réforme des retraites. A ce sujet, on entend régulièrement les représentants syndicaux, ceux des cheminots, par exemple, rappeler combien leur métier est pénible. Et cette pénibilité justifierait à elle seule qu’ils bénéficient d’un régime spécial de retraite, c’est-à-dire d’un régime hyper avantageux aux frais des clients et des contribuables.
(deuxième partie)
Après avoir présenté dans une première partie les fondements fragiles de la réforme des retraites ainsi que les inconséquences de sa gouvernance, voici les risques soulevés par un calendrier flou et les défauts d’un paritarisme typiquement français qui empêche les vraies réformes. La voie de la nationalisation est toute tracée.
En ce qui aurait dû être une trêve et qui se trouve être une grève, le temps est venu de dresser un premier état des lieux d’une réforme qui, accédant à la lumière après un long cheminement souterrain, est parvenue en quelque mois à fédérer contre elle nombre d’oppositions, et des plus diverses, jusqu’à perturber le déroulement de la période des fêtes de fin d’année si chère au cœur des Français. Il a été dit et annoncé tant de choses et leurs contraires en si peu de temps qu’il est difficile de dresser un constat apaisé de la situation actuelle, qui ressemble plutôt encore à un chantier en cours d’approvisionnement qu’à un bâtiment dont la construction progresse normalement sur des fondations fermement établies. Et il faut bien reconnaître que les axes qu’emprunte la réforme sont tellement évolutifs, les désordres et contre-ordres tellement généraux, qu’on a quelque peine à s’y retrouver entre ce qu’on pourrait appeler l’assise des axes fondateurs et le pilotage de la réforme elle-même.