Jean-Paul Delevoye et Agnès Buzyn avaient quitté le navire. Le premier, contraint et forcé après les révélations sur ses différentes fonctions et missions qu’il avait tenues cachées ; la seconde après avoir été désignée en catastrophe candidate à la mairie de Paris. Les 40 000 amendements déposés à l’Assemblée ont contribué à la cacophonie ambiante, empêchant un vrai débat sur cette réforme. Finalement, le Premier ministre va utiliser l’article 49.3 pour faire passer le texte. Ce n’est pas une surprise (il y a eu 88 précédents sous la Ve République) mais on aurait préféré qu’il serve pour une vraie réforme, qui aurait changé radicalement le système français tout en le sauvant de la faillite. Or, ce que fait le gouvernement n’améliorera nullement la situation. Les derniers changements et autres promesses ajoutent encore à l’opacité d’un texte qui était déjà bâclé.
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En ce qui aurait dû être une trêve et qui se trouve être une grève, le temps est venu de dresser un premier état des lieux d’une réforme qui, accédant à la lumière après un long cheminement souterrain, est parvenue en quelque mois à fédérer contre elle nombre d’oppositions, et des plus diverses, jusqu’à perturber le déroulement de la période des fêtes de fin d’année si chère au cœur des Français. Il a été dit et annoncé tant de choses et leurs contraires en si peu de temps qu’il est difficile de dresser un constat apaisé de la situation actuelle, qui ressemble plutôt encore à un chantier en cours d’approvisionnement qu’à un bâtiment dont la construction progresse normalement sur des fondations fermement établies. Et il faut bien reconnaître que les axes qu’emprunte la réforme sont tellement évolutifs, les désordres et contre-ordres tellement généraux, qu’on a quelque peine à s’y retrouver entre ce qu’on pourrait appeler l’assise des axes fondateurs et le pilotage de la réforme elle-même.
La réforme des retraites s’est transformée en mirage. Plus on avance, plus elle recule. Pour apaiser les grévistes et autres manifestants, Edouard Philippe a proposé divers amendements au projet de réforme Delevoye. Désormais, il dit que la bascule dans le nouveau système ne se fera que pour les générations nées à partir de 1975, voire dans les régimes spéciaux pour ceux nés à partir de 1980 ou 1985 s’ils prennent leur retraite à 50 ou 55 ans. La date d’application est donc reportée à 2037 pour ces personnes.
L’une des annonces-phares du Premier ministre dans son discours du 11 décembre dernier au CESE a été incontestablement le report de la première application de la réforme des retraites de la génération 1963, telle que prévue par le rapport Delevoye en juillet dernier, à la génération 1975. Soit un décalage dans le temps de 12 ans, qui n’équivaut certes pas à la clause du grand-père un instant évoquée, mais qui, compte tenu du maintien de l’âge légal à 62 ans, repousse néanmoins à 2037 la première cohorte de retraités issus de la réforme.
Au temps où la France était encore un grand pays, le Général de Gaulle avait clairement mis en garde le monde financier en l’assurant que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » de la Bourse. Aujourd’hui où du fait de plusieurs décennies de politiques erratiques, notre pays a perdu beaucoup de sa superbe, on a l’impression que ce Gouvernement ne retient plus du pouvoir que la paille de la communication, en laissant filer le grain de l’autorité qui est l’essence même de sa responsabilité politique. Désormais en effet et on le voit bien pour la réforme des retraites, ce qui compte, ce n’est plus la volonté du Président de la République, pas plus d’ailleurs que celle du Parlement, pas davantage bien entendu l’intérêt général, non ce qui compte, ce qui pèse, ce qui détermine, c’est le pouvoir de nuisance dont disposent certains acteurs essentiellement publics (SNCF, RATP, Énergie, une partie de la fonction publique etc) et accessoirement, mais avec une force moindre, quelques rares entreprises privées (notamment transporteurs mais pas seulement).
Posture gaullienne, la main sur le cœur, Emmanuel Macron avait clamé il y a quelques semaines : « Gilets jaunes, je vous ai compris !». Mais ses actes et la déclaration de politique générale de son Premier ministre montrent l’inverse. Il y a deux aspects fondamentaux qui sont ignorés par le pouvoir et qui apparaissaient clairement dans les premières revendications des gilets jaunes : la fiscalité et la dépense publique. Elles ont été confirmées par les résultats du Grand Débat. Plus d’un tiers des participants estime que l’impôt sur le revenu devrait être payé par tous, 28,2% qu’il faut simplifier et réformer la fiscalité ; en qui concerne les dépenses publiques, 75% souhaitent les voir réduites, notamment pour baisser le déficit public. On en est loin.
Cinq mesures à mettre en place immédiatement pour répondre à la crise des gilets jaunes
Les blocages et les affrontements violents avec la police témoignent d’une profonde crise de représentativité. Les gilets jaunes ne parviennent pas à faire entendre pacifiquement leurs inquiétudes vis-à-vis de leur pouvoir d’achat. Le recours à la violence d’une minorité d’entre eux révèle une fracture profonde entre les Français et les élites censées les représenter.
La tourmente actuelle de l’Elysée mérite pleinement ce titre que Jean-Marc Daniel avait dès avant choisi pour décrire plus généralement l’agitation présidentielle qui a cru pouvoir incarner le mouvement En marche sans réussir à tracer sa voie. Jean Marc Daniel a pourtant été un partisan de la première heure de ce qu’il croyait devoir être une synthèse prometteuse. Il n’en a que plus de courage à sonner l’alarme en dénonçant, et avec une telle virulence, les erreurs et les insuffisances d’une politique qui se mesure à son incurie, même s’il admet volontiers, à juste titre, que « des choses positives ont été faites » (p.11). Il le fait bien sûr en adepte déçu de ce qu’il espérait comme, selon ses mots, une nouvelle politique « Feuillant », du nom de ce club révolutionnaire libéral et monarchiste constitutionnel qui fut bientôt balayé par les Montagnards.
Hulot s’en va. On pourrait s’en réjouir si on ne connaissait pas l’histoire de la vieille de Syracuse que raconte Valerius Maximus (historien du 1er siècle après JC), sur Denys, un des tyrans de Syracuse, que tous détestaient. Denys apprit pourtant qu’une vieille femme priait chaque jour pour lui. Surpris, il la fit venir et l’interrogea sur ses motifs. Par quel bienfait avait-il pu mériter ses prières ? “J’ai, dit-elle, une raison bien particulière d’agir ainsi. Quand j’étais jeune, nous avions un tyran redoutable et je désirais en être débarrassée. Il fut tué ; mais un autre plus terrible encore s’empara de la citadelle. Je regardai encore comme un grand bonheur de voir finir sa domination. Tu es devenu notre troisième maître et nous t’avons trouvé plus dur que les deux premiers. C’est pourquoi, dans la crainte que ta mort n’amène à ta place un successeur encore pire, j’offre ma vie aux dieux pour ta conservation.”
En 2007, l’ancien président Nicolas Sarkozy avait lancé, dans une France à l’économie terriblement malade, une série de réformes qui s’apparentaient à la fameuse « perestroïka » choisie par Mikhaïl Gorbatchev en URSS entre 1985 et 1991. Selon cette approche, on reconnaît qu’il faut réformer l’économie mais en essayant de sauver le système. Le problème c’est que le communisme ne peut pas être réformé. Il faut s’en débarrasser. C’est pareil pour l’étatisme français. Le pays ne sortira du marasme économique que grâce aux vrais changements économiques libéraux qui ont d’ailleurs été opérés dans d’autres pays. Sarkozy ne l’a donc pas fait, François Hollande encore moins et Emmanuel Macron, fidèle à l’ « énarchisme », pense que c’est grâce à l’Etat que les réformes peuvent être accomplies.