Au Grand Jury RTL du 29 juin, François Bayrou a prétendu qu’il existerait une majorité en faveur de la représentation proportionnelle (RP) à l’Assemblée nationale. Or, rien n’est moins sûr. A preuve : L’Opinion (30 juin 2025) a relayé l’idée selon laquelle le Premier ministre tenterait « le deal budget contre proportionnelle ». Ne pouvant compter sur sa majorité relative unie, il se trouverait dans l’obligation d’amadouer une bonne partie de l’opposition, Rassemblement national en tête, pour arriver à ses fins. Il a fixé le calendrier « après le budget 2026 », c’est-à-dire à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Comme il se dit que le Béarnais ne passera pas victorieusement l’étape des comptes publics, on peut en inférer que la réforme du mode de scrutin chère à ses yeux a plus que du plomb dans l’aile…
Au-delà de ces contingences, il est intéressant de disséquer les arguments retenus depuis le mois de mai par François Bayrou au soutien de la RP.
- Avec elle, « chaque courant du pays (sera) justement représenté, à la mesure de ce qu’il pèse » (Le Journal du dimanche, 4 mai 2025). Cet argument est spécieux, sauf à considérer, ce qui n’est pas dans les tuyaux, que la proportionnelle intégrale serait retenue. Rappelons que le mode de scrutin actuel a déjà permis la constitution de onze groupes différents à l’Assemblée. Certes, le Premier ministre n’est pas favorable à une prime majoritaire, qui semble avoir aujourd’hui les préférences du RN (lequel s’est rendu compte que, en définitive, il pourrait très bien l’emporter avec le mode de scrutin majoritaire actuel…). Sauf à recourir à une proportionnelle intégrale, solution écartée par toutes les personnes sensées, une RP ne permettrait pas de représenter tous les grands courants du pays « à la mesure de ce qu’ils pèsent ».
- La situation actuelle est, selon le Premier ministre, « effrayante de violence, d’injures, d’accusations, de mises en cause » (Grand Jury RTL, 29 juin 2025). François Bayrou a parfaitement raison de dénoncer la teneur des débats à l’Assemblée et entre les lignes, mais tout le monde l’aura compris, le comportement inadmissible des Insoumis. Mais croit-il vraiment que la RP, avec une chambre imparablement balkanisée, serait la solution ? Bruno Retailleau a immédiatement répliqué sur BFM TV : « Aujourd’hui, c’est le bazar à l’Assemblée. La proportionnelle rendrait structurel et permanent ce bazar ».
- La RP permettrait un apaisement de la vie politique en France, d’autant plus indispensable que la situation du pays est grave : « Pour gouverner la France dans les difficultés où elle est, il conviendra de constituer un vaste courant de responsables qui va du Parti socialiste en passant par le centre jusqu’aux gaullistes ». Voilà le rêve nourri par le Premier ministre depuis des décennies : l’extrémisme du centre gravé dans le marbre. Nous y verrons pour notre part un retour aux poisons et délices de la IVe République et les gaullistes n’en veulent évidemment pas.
- « La proportionnelle est une digue. Elle protège contre les vagues de colère ou de peur qui, dans un scrutin majoritaire, peuvent donner le pouvoir total à une force extrémiste ». D’aucuns nous accuseront de naïveté, mais nous goûtons peu ce type d’argument politicien. Un mode de scrutin n’est pas destiné à empêcher un parti de prospérer, ou du moins ne devrait pas l’être. De plus, la majorité à l’Assemblée ne donne pas un pouvoir « total », car il existe d’autres autorités ou contre-pouvoirs (chef de l’État, Sénat, Conseil constitutionnel, instances communautaires, presse et/ou opinion publique entre autres).
4 commentaires
“…il conviendra de constituer un vaste courant de responsables qui va du Parti socialiste en passant par le centre jusqu’aux gaullistes »
L’UMPS en somme avec les gaullistes renégats….
La France est mal partie, avec la proportionnelle, il n’y aura plus de problème, elle sera morte. Autorité, simplification, gestion de l’immigration, fermeté, responsabilisation, suppression de tout ce qui ne sert à rien… Les propos sont légion, les actes inexistants d’un gouvernement contraint à l’inaction par une législatif délabré par des élus indignes d’occuper une fonction de député. Avec la proportionnelle ce sera l’hallali pour une France déjà meutrie.
J’approuve à 100%. Moi-même un temps séduit par une dose de proportionnelle (sous l’effet de la propagande médiatique intensive…), j’ai repris mes esprits en 2017, constatant qu’un parti nouvellement créé par le président alors élu, réussissait à obtenir une très belle majorité. Ne dézinguons pas un peu plus la Vème République et sa malléabilité extraordinaire même quand un président, menacé et en disgrâce, organise un front républicain pour le second tour d’élections législatives suivant une dissolution stupide et l’abandonne aussitôt après les résultats, créant ainsi un chaos en termes de cohérence des partis représentés… Et pourtant, la Vème résiste à cette perfidie !!!
Hélas, le scrutin majoritaire n’est pas plus démocratique, quand Attal fait voter LFI au 2éme tour ou que Philippe fait voter PCF. Si proportionnelle, il y avait, ce sont les réflexes de la 5éme République qui doivent également disparaître. C’est là, le hiatus.