La réforme du mode de scrutin aux élections législatives souhaitée par François Bayrou semble mal partie.
Nous avons consacré de nombreux papiers à la réforme du mode de scrutin aux élections législatives voulue par François Bayrou. On ne pourra pas l’accuser de pusillanimité en la matière puisqu’il défend la représentation proportionnelle (RP) depuis des décennies. L’embêtant avec le Premier ministre, c’est que le plus souvent, en extrémiste du centre qui se respecte, il n’a aucune idée et que, quand il en a une, elle est mauvaise…
En effet, nous avons martelé que si aucun mode de scrutin n’était parfait, la RP cumulait des défauts irrémédiables : déconnection entre les députés et les électeurs au profit d’apparatchiks indétrônables, et absence d’alternance au profit de coalitions formées dans le dos des électeurs une fois les élections passées (l’exemple allemand lors des dernières élections se passe de commentaires). Ajoutons un défaut souvent passé sous silence, car le mettre en exergue est le fait des seuls libéraux : la RP favorise le « marché politique » avec « l’achat » de voix pour former des majorités de rencontre lors du vote des textes.
Eu égard à son positionnement politique, François Bayrou souhaite ardemment la RP. En effet, avec pareil mode de scrutin, les centristes se retrouvent dans la position privilégiée des faiseurs de roi, comme sous la IVe République. Un jeu de bascule leur permet d’orienter le gouvernement du centre droit au centre gauche. Il semble cependant que le Premier ministre ait sur le sujet de moins en moins de partisans, alors même qu’on entendait bruyamment, constitutionnalistes de gauche en tête, les thuriféraires de la RP depuis des mois.
On a pu relever que, pour aboutir à une réforme, François Bayrou comptait sur une majorité contre-nature : les centristes du Modem bien évidemment, mais aussi les Ecologistes, La France Insoumise, le Parti socialiste et surtout le Rassemblement National (Le Journal du dimanche, 25 mai 2025). Or, il n’est plus sûr qu’il puisse recueillir les votes favorables de l’ensemble de ces partis.
En effet, le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, est un partisan du scrutin majoritaire, même si de nombreux socialistes sont adeptes de la RP. Mais c’est surtout au RN que la réforme suggérée fait grincer des dents. Certes, le Front National était traditionnellement favorable à la proportionnelle. Mais, les excellents résultats obtenus et les intentions de vote réitérées font espérer aux cadres du RN une majorité absolue grâce au scrutin majoritaire. Si bien que la position de Marine Le Pen, favorable à la RP avec prime majoritaire, mais qui pourrait s’accommoder d’une RP sans prime, est de plus en plus contestée en interne. Le Parisien (9 mai 2025) avait d’ailleurs testé quatre modalités de RP suivant les résultats des élections législatives de 2024. Certes, le RN serait systématiquement arrivé en tête avec 206 à 271 députés, mais il n’aurait jamais obtenu la majorité absolue.
Au sein des macronistes, la RP est également loin de faire l’unanimité. Si la Présidente de l’assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet a réitéré son attachement à la proportionnelle en alléguant que le compromis n’était pas « une faiblesse, mais une noblesse » (La Tribune dimanche, 4 mai 2025), Gabriel Attal n’est pas sur la même ligne et il se dit que le ministre des Armées non plus.
Enfin, les Républicains sont en première ligne contre la RP. Son bureau politique a marqué son rejet à l’unanimité (Libération, 2 juin 2025). Bruno Retailleau avait témoigné de son exécration de ce mode de scrutin à plusieurs reprises, notamment dans un entretien avant l’élection à la présidence du parti (Le Journal du dimanche, 11 mai 2025). Sous la pression de Laurent Wauquiez, il vient de déclarer le 2 juin qu’il ne porterait pas le projet éventuel de réforme en sa qualité de ministre de l’Intérieur. Quant au député Alexandre Portier, nous avons appris par sa tribune parue dans Le Figaro (3 juin 2025) qu’il avait déposé une proposition de loi (n° 1477, 28 mai 2025) pour graver dans le marbre constitutionnel le mode de scrutin majoritaire à deux tours, le mode de scrutin ne relevant actuellement que de la loi ordinaire.
4 commentaires
Tout le monde n’est pas contre la proportionnelle Elle existe aux municipales, avec avantage au gagnant et aux Européennes, et n’est pas remise en question. Il faut aussi se rappeler le temps de Jean Marie Le Pen quand son parti avait entre 25 et 30 % de votes qui se terminaient avec.. 3 députés sur 560, quelle sorte de démocratie était cela (que l’on soit d’accord ou non avec Le Pen) où 30 % des Français n’étaient pas représentés. Les élections majoritaires actuelles ont aussi leur défaut, il apparait brillamment aujourd’hui avec une assemblée ingouvernable et sans colonne vertébrale, de plus elles favorisent le charcutage électoral des corconscriptions, condition de son succès. Alors laissons sa chance à la proportionnelle.
Moi, ce qui me gène, c’est que les critiques envers la proportionnelle s’appliquent aussi au scrutin à deux tours! Il faut donc aussi bannir le scrutin à deux tours… mais cela ne semble déranger personne.
Mais l’incohérence n’est pas une nouveauté chez nos politiques, la plus énorme étant d’être contre la peine de mort des criminels et pour celle des innocents (IVG).
La démocratie ce n’est pas les “intérêts” des uns et des autres et ce qu’en pensent les partis politiques. Elle “marche” partout en Europe et des compromis sont nécessaires. c’est la démocratie en action!
En France, on pratique les “petits arrangements” et on craint la représentation proportionnelle et c’est un soi-disant libéral qui parle ainsi! vous ne faites que défendre ces “petits arrangements” et quand vous dénoncez les doctrinaires et autres illibéraux, vous ne voyez pas que vous faites partie du lot!
En fait et niant la représentation proportionnelle des électeurs au parlement, vous êtes aussi libéral que Trump!
Dommage car je suis un partisan acharné du libéralisme, mais pas des conceptions que vous portez!…
Avec des partis politiques fonctionnarisés qui ne sont pas financés par leurs membres (PS : 40 000 adhérents, par exemple), la proportionnelle reviendrait à donner un pouvoir disproportionné – c’est le cas de le dire – à ces minuscules et médiocres politiciens.
Considérant la médiocrité totale du personnel gouvernemental, on pourrait dire qu’on ne peut pas avoir pire mais en fait, on pourrait effectivement avoir bien pire avec l’application de la proportionnelle.
La peur panique d’un referendum est un témoignage d’une certaine lucidité chez notre abruti en chef qui semble certain de se prendre une baffe monumentale en cas de recours à une telle démarche.
Sincères salutations.
Grand MERCI à tous les rédacteurs de l’IREF qui nous aèrent les méninges !