Il fallait oser, ils l’ont fait : des cafés IA. Depuis le mois de juin, des citoyens peuvent partager leurs angoisses quant à l’IA, sous l’œil attentif d’animateurs mandatés par l’État. Ces ateliers de discussions sont l’une des recommandations de la commission IA dans un rapport remis au gouvernement en mars 2024. L’enveloppe initiale s’élève à 15 millions d’euros.
Le concept ? Se mettre à l’écoute des autres, écrire son ressenti sur des Post-it, débattre de manière informelle… et surtout, aucun expert du sujet : « On fait en sorte qu’il n’y ait pas de sachants qui écrasent les autres ou imposent leurs idées », précise Léa Gislais, codirectrice du programme Société numérique à l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).
Michèle, demandeuse d’emploi, confesse ne pas savoir utiliser l’IA. Catherine, cadre, se sent dépassée malgré une formation dans son entreprise. Armand, avocat, constate que l’IA est déjà capable de rédiger des ébauches de contrats et craint qu’elle soit capable de répondre à des questions à sa place. Dans les municipalités aussi, l’inquiétude grandit. « À la mairie, la peur de tous les agents, c’est que leur job soit remplacé par l’IA », confie une employée municipale. Entre les logiciels de gestion automatisée et les outils capables de traiter les demandes administratives en quelques clics, certains se demandent s’il restera encore une place pour l’humain.
Heureusement, dans certaines villes comme Grenoble, les participants ont droit à des ateliers d’écriture. Ils peuvent alors imaginer des situations dans lesquelles l’IA affecte leur quotidien. Une femme a imaginé un miroir connecté qui lui suggérait des tenues adaptées à la météo… avec un fâcheux penchant pour les jupes courtes. « Cette histoire disait sa crainte face à des algorithmes conçus majoritairement par des hommes », explique François Houste, directeur de création dans une agence digitale.
Le problème n’est pas que les citoyens se posent des questions sur l’IA. Le problème est que l’État s’imagine en animateur de débats existentiels. Si certaines personnes souhaitent comprendre l’IA, il existe de nombreuses solutions accessibles dans un cadre privé : des formations spécialisées, des conférences d’experts, des ressources en ligne, des livres… Il revient à chacun de prendre ses responsabilités, de s’informer, de se former et de faire l’effort de comprendre réellement les enjeux en s’adressant à de véritables experts, et non d’attendre que la puissance publique organise des séances de thérapie collective aux frais de tous.