Bartelby poursuivrait il de son ombre l’auteur de ces « instants suspendus » ? Serait-ce  l’ incapacité d’émerveillement de l’anti-héros de Melville devant l’inconnu qui inspire Philippe Delerm à donner vie aux choses les plus banales et faire d’un instant une éternité? Serait-ce aussi le souci légitime d’un maître pour ses élèves ? Il y a du Francis Ponge chez ce poète du quotidien. Mais à la différence de celui-ci il ne déroute pas le lecteur par une observation pointilleuse de l’objet. Philippe Delerm se permet seulement d’écrire ce que ressent tout un chacun  et avec une telle simplicité du cœur qu’il donne bonne conscience au scrupuleux.
La joie de la lumière retrouvée au sortir d’un tunnel, la rondeur des religieuses du boulanger, l’hésitation  entre ombre et canicule au seuil des portes du Midi, la volupté du pot-au-feu , la nostalgie du livre non massicoté, la liste est longue, pleine d’humour et de spontanéité ! Qui plus que le convalescent est attiré par la vie désirable mais interdite au-delà de la porte de sa chambre ? Qui plus que la pêche comble de douceur mais aussi d’agacement? Oui on se régale à lire Philippe Delerm, tout l’art du poète est de faire vivre l’irrécusable ! Joli recueil à offrir !