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Le compromis sur le plafond de la dette ne change rien au surendettement des États-Unis

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Annuler le plafond de la dette publique pour deux ans, comme le prévoit le compromis tout juste voté par le Congrès, ne résout en rien le problème chronique de surendettement des États-Unis. Des limites portant sur une minorité de dépenses publiques et pour une durée de seulement deux ans, ont certes  été arrachées, en échange, à l’administration Biden par les républicains. C’est mieux que rien, mais hélas, ces maigres concessions ralentissent à peine la folle course à l’endettement de l’oncle Sam.

De 108% du PIB des États-Unis au premier trimestre 2020, la dette atteint plus de 124% aujourd’hui

Joe Biden, au plus bas dans les sondages, a beau afficher sa fierté d’avoir évité la catastrophe d’un défaut technique de paiement du Trésor américain, il n’y a pas de quoi pavoiser. La dette publique des États-Unis, aujourd’hui de plus de 31.400 milliards de dollars, va dépasser 50.000 milliards de dollars d’ici dix ans. De 108% du PIB au premier trimestre 2020, elle atteint plus de 124% aujourd’hui. En cas de récession, scénario qui est jugé probable, la dérive va s’aggraver.

La faiblesse fondamentale du compromis est qu’il ne couvre en gros qu’un quart des dépenses publiques fédérales. En effet, ce que l’État américain dépense est divisé en deux catégories : les dépenses discrétionnaires d’une part, sur lesquelles le Congrès doit se prononcer, et les dépenses automatiques d’autre part, qui grimpent sans intervention du législateur. Or ces dernières représentent désormais près de trois quart des dépenses totales !

Il s’agit essentiellement des dépenses couvrant le régime général des retraites (Social Security), le régime d’assurance maladie des retraités (Medicare) et les intérêts de la dette. Pire, le rythme d’augmentation de ces dépenses « obligatoires » est lui-même élevé, pour des raisons démographiques, mais aussi à cause de la forte hausse des taux d’intérêt rendue nécessaire par l’inflation que l’administration Biden et la Banque centrale américaine ont initialement refusé de prendre au sérieux.

En 2022 le service de la dette a coûté 476 milliards de dollars. En 2023, selon la projection très raisonnable et non-partisane du Bureau du budget du Congrès (Congressional Budget Office, CBO), il faudra verser 663 milliards de dollars aux créanciers de l’oncle Sam. La totalité des impôts payés par les entreprises américaines ne couvre même plus cette somme énorme.

Il faudrait mettre toutes les dépenses incontrôlées sur la table

Les limites que les républicains ont imposées dans les dépenses courantes des ministères et agences fédérales sont estimées sur dix ans par le CBO à 1500 milliards de dollars… un montant bien faible en proportion de la montagne de plus de 31.400 milliards de dollars de dettes. Il est en fait à peu près équivalent à une seule année de déficit budgétaire…

Le seul moyen de vraiment ralentir l’endettement effréné de l’État fédéral serait de mettre toutes les dépenses incontrôlées sur la table. Y compris les dépenses militaires qui représentent en gros la moitié des dépenses discrétionnaires. Pour négocier un tel compromis crédible et le rendre politiquement acceptable aux démocrates, il faudra peut-être un jour qu’un président libéral concède quelques  hausses d’impôts, au minimum sous la forme d’une élimination d’avantages fiscaux inutiles mais chers à certains lobbies très puissants. Tout cela relève de la politique fiction. Aucun candidat républicain n’ose le proposer aujourd’hui.

Rien de tout cela n’a d’ailleurs été discuté entre Joe Biden et Kevin McCarthy. En se concentrant sur le minimum, la négociation n’a pu produire qu’un mini résultat. La situation aurait pu être pire. C’était du reste le pari initial de Joe Biden qui souhaitait relever le plafond de la dette sans aucune limite de dépenses en retour. Le Président n’a d’abord  pas cru que Kevin McCarthy, leader de la très courte majorité républicaine à la Chambre des représentants, pourrait rassembler ses troupes sur un projet de loi dictant des réductions de dépenses discrétionnaires. Ouvertement méprisant de la frange populiste du GOP, Joe Biden a même défié pendant des mois les républicains d’oser adopter leur propre texte.

Le 26 avril, les républicains menés par Kevin McCarthy l’ont pris au mot et adopté, à 217 voix contre 215, une proposition de loi qui pratiquement gelait pour dix ans certaines dépenses discrétionnaires à leur niveau de 2022. Le texte, s’il avait été adopté aussi par le Sénat, aurait de facto démantelé les programmes si coûteux et si importants pour Joe Biden, entérinés au cours des deux premières années de son mandat. Les incitations fiscales massives pour décarboner l’industrie américaine, qui alarment tant les Européens, auraient ainsi été mises à mal.

Devant l’unité nouvelle affichée par les républicains, Joe Biden a donc été obligé de négocier en mai sous la menace d’un inimaginable défaut de paiement du Trésor. Dès que l’on a connu la date à laquelle le Trésor se retrouverait incapable de payer toutes ses factures, à moins de pouvoir émettre de nouvelles obligations sur le marché, la négociation forcée a pu commencer.

Il faut reconnaître qu’en dépit de l’épée de Damoclès du défaut de paiement, Joe Biden, en vieux politicien rompu aux marchandages washingtoniens, a su bien manoeuvrer pour limiter les réductions de dépenses que Kevin McCarthy souhaitait imposer. Ce dernier, sous-estimé par tant de détracteurs, est néanmoins parvenu à faire accepter à plus de la moitié de ses troupes un  « deal » qui laisse tant à désirer. Que pouvait-il obtenir de plus dans un pays coupé en deux qui ne comprend pas l’urgence de réduire son train de vie ?

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