La loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avait créé le chèque énergie pour remplacer les tarifs sociaux de l’énergie. Ceux-ci consistaient en un tarif modéré de l’électricité ou du gaz accordé aux foyers les plus modestes et remboursé par l’État aux opérateurs du secteur.
Selon le rapport de la Cour des Comptes, ces tarifs étaient accessibles aux titulaires de certaines aides sociales, comme la CMU (couverture maladie universelle), toute la nouveauté du chèque énergie résidant en ce que le critère d’attribution devenait fiscal.
L’idée de base était de répondre au problème soulevé par un concept forgé au début des années 90 au Royaume-Uni : la pauvreté énergétique. Concrètement, pour un ménage, il s’agit d’un cumul entre faibles revenus, logement énergivore et prix élevés de l’énergie.
Juridiquement, c’est la loi Grenelle 2, adoptée en 2010, qui définit la précarité énergétique en France :
Est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat.
Un dispositif très large
Après sa généralisation sur l’ensemble du territoire en 2018, le dispositif touchait 3,6 millions de foyers, un chiffre qui n’a fait que croître depuis pour atteindre 5,8 millions en 2021. Concrètement, un chèque de 48 à 277 € est attribué en fonction de la composition des ménages gagnant moins de 10 800 € par an et par unité de consommation, pour un coût de 755,8 M€ au total.
À cela, il faut ajouter un chèque forfaitaire de 100€ octroyé par l’État à la fin de l’année dernière en réaction à la hausse des prix de l’énergie, pour une dépense estimée de 525,9 M€. Depuis 2018, du fait de l’augmentation de 50 € du chèque et de l’élargissement de la base des ménages éligibles, décidés en réaction à la crise des gilets jaunes, les dépenses hors frais de gestion ont littéralement explosé : 424M€ en 2018, 695 M€ en 2019 et 813,5 M€ attendus pour 2022. En comparaison, les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité étaient bien moins onéreux : 279 M€ en 2014 et 366,6 M€ en 2017.
Les frais de gestion, dont le pilotage est assuré par l’ASP (Agence de services et de paiements) sont, eux, liés pour moitié à l’assistance téléphonique utilisateurs et s’élevaient à 21,6 M€ en 2020, soit 3,2% du budget total.
Les dépenses de fonctionnement de cette politique publique ont d’ailleurs fait l’objet de plusieurs rappels à l’ordre du contrôleur budgétaire et comptable du ministère de la Transition écologique, soit pour incohérences dans la gestion même, soit pour une trop grande lenteur de l’émission des factures par les prestataires externalisés de l’ASP.
Une mesure peu cohérente et mal ciblée
Depuis une dizaine d’année, le prix de l’électricité a doublé en France et très fortement augmenté dans les autres pays européens, ainsi que l’illustre le graphique suivant :
En comparaison, la précarité énergétique des ménages, mesurée par leur taux d’effort énergétique (les dépenses en énergie rapportées aux ressources du ménage) corrigé des variations imputables à la météo, demeure stable. En 2013, ce taux atteignait 13,7 %, contre 12,5 % en 2019, soit 3,5 millions de ménages.
Or, 51 % des ménages bénéficiaires du chèque ne sont pas en situation de précarité énergétique, quand 25 % de ceux qui le sont ne le touchent pas, ce qui, comme le montre le graphique suivant (qui réplique aussi l’analyse sur la dépense liée au dispositif), prouve que le dispositif ne remplit pas correctement ses objectifs :
Notons que les ménages pénalisés par la répartition du chèque énergie sont essentiellement ceux du troisième décile de revenus, c’est-à-dire originaires des classes moyennes : 84 % n’en bénéficient pas, contre 40 % pour ceux issus du deuxième décile.
Globalement, l’impact du chèque est faible : sur l’ensemble de la population, il fait diminuer la précarité énergétique de 11 à 9 % et, tandis que pour les bénéficiaires, ce même taux de précarité énergétique ne baisse que de 43 à 35 %.
Finalement, il s’agit plus d’une mesure sociale généraliste qui manque sa cible et s’insère dans un immense maquis de 49 dispositifs de lutte contre la précarité énergétique, identifiés par l’ONPE (Observatoire national de la précarité énergétique) pendant la période 2010-2020. Entre ceux qui sont portés par l’État et ceux qui le sont par les collectivités, il est impossible d’établir un panorama cohérent de leur efficacité globale, le tout ressemblant à s’y méprendre, comme souvent dans notre pays, à une usine à gaz.
En parallèle, quatre taxes, qui représentent 34 % de la facture d’électricité, pour ne citer que cette source d’énergie, viennent durement matraquer les usagers du réseau. Il s’agit de la TVA, de la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), qui compte pour 5 % de la note et sert à financer les retraites des agents industriels du secteur, de la contribution au service public de l’énergie (CSPE) pour 11 %, et de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour 5 % (la fusion de ces deux dernières est entrée en vigueur au début de l’année). Aussi est-il nécessaire de recommander la suppression du chèque énergie et la baisse des taxes sur l’électricité, qui pourraient également être transformées en taxes flottantes ajustées en fonction de la conjoncture internationale des prix de l’énergie.
3 commentaires
Il est clair que nos fonctionnaires sont incapables de mettre en place des choses simples car leur esprit est tortueux. Il semble que la tête d’un énarque est farcie de formules, paramètres, courbes, etc parfaitement imbittables.
Les factures d’électricité ainsi que vous le mentionnez sont alourdies de taxes et de taxe (tva) sur les taxes. Pour mon cas particulier les taxes et contributions hors tva se sont élevées à 339.84 + la tva sur le tout (énergie+ taxes) à 270.86, soit un total de 610,70€ qui représentent 34.94% du montant ttc, soit 53.71% du montant ht !!
Il est parfaitement anormal d’ajouter la tva sur les taxes, qui plus est l’énergie devrait être considérée comme produit de première nécessité et être taxée à 5.5% et non à 20.
Alors le chèque énergie n’aurait plus de raison d’être et la mise en oeuvre de telles mesures serait à la portée du premier rond de cuir venu. Hélas nous sommes en France, un pays où l’on plante des fonctionnaires et où il pousse des impôts (selon Georges Clémenceau).
Il est tout aussi anormal de faire financer les retraites des électriciens par les clients et pour les inciter à faire des économies, il pourrait être demandé à ces mêmes électriciens d’acquitter un peu plus que 10% de leurs consommations, sans parler de l’exorbitante cotisation à la ccas qui est de 1% sur l’énergie facturée !
Bonjour, l’état c’est comme un poisson, il pourrit par la tête. Cela fait 10 ans que nos gouvernants sont complices de la non action énergétique. Pire, avec l’« ARENH » nous donnons les joyaux de la couronne. Encore une fois, le motif de haute trahison par des dirigeants parodiques devrait invoqué. Les taxes dites « divers », mais dans divers il y a « vert » représentent autant que la TVA. Les pieds-nickelé doivent cesser le naufrage énergétique de la France. Merci. Bien à vous
Bonsoir à tous,
Oui vous avez raison, les taxes comptent pour 34 % du prix de la facture d’électricité et rognent le pouvoir d’achat des Français.
Merci de votre fidélité,