Ces dernières années, comme beaucoup d’entreprises, le réseau Meta (Facebook, Instagram et WhatsApp) avait adopté une politique dite « inclusive » conçue pour soi-disant favoriser la diversité, c’est à dire les minorités ethniques et sexuelles, au détriment des critères de compétence et de qualité, notamment en matière de recrutement, de formation, de sélection des fournisseurs. Meta avait également institué une politique de « fact-checking » consistant à confier à des tiers – plus de 80 organisations chargées depuis 2016 de vérifier les informations dans plus de 60 langues – un contrôle des contenus publiés sur les réseaux. D’une manière générale ce contrôle était très influencé idéologiquement par l’anti-culture ambiante. Il avait abouti à bannir du réseau le président Trump qui s’est bientôt chargé de créer un réseau concurrent, Truth Social.
L’ abandon du fact-checking
Après la victoire de Trump, Mark Zuckerberg, le patron de Meta, a changé de camp. Il a remis en cause sa politique de « diversité, égalité et inclusion » (DEI) et son programme de fact-checking. « Nous allons nous débarrasser des fact-checkers […] en commençant par les États-Unis », a-t-il déclaré. Il s’est dit particulièrement choqué par les propos du président Joe Biden considérant que les réseaux sociaux « tuaient des gens ».
Aussitôt, bien sûr, se sont élevés les maîtres du pouvoir que leur hubris conduit à accaparer le contrôle de la pensée et la parole. Michael O’Flaherty, commissaire aux droits de l’homme au Conseil de l’Europe, a dénoncé des risques de « conséquences négatives pour les droits humains » de l’abandon du fact-checking. Thierry Breton a espéré que la réglementation européenne DSA qu’il a mise en place permettrait de s’opposer aux dispositifs de Facebook et X. Les présidents Lula et Macron, seuls jugent sans doute du vrai et du faux, auraient convenu ensemble que « la liberté d’expression n’est pas synonyme de liberté de propager des mensonges ».
Accusés de biais politiques par Meta, les fact-checkers, dont notamment l’Agence France Presse (AFP), éplorés comme un cœur de vierges woke violentées, ont dénoncé une décision inique et dangereuse pour le journalisme. En fait les fact-checkers pleurent surtout la source de revenus significative que Meta leur procurait en payant leur service de fact-checking. Le service consacré à cette activité de l’AFP, AFP Factuel, emploie près de 150 journalistes dont une dizaine aux États-Unis. Selon les informations du Figaro, pour sa participation au programme de fact-checking de Meta, Libération aurait touché 100.000 dollars en 2017 et 245.000 dollars l’année suivante pour 249 articles entrés dans la base de Facebook.
Mark Zuckerberg remplacera le fact-checking par le système de community notes adopté par Elon Musk sur X. Il s’agit de permettre à une communauté de lecteurs autorisés d’intervenir pour recontextualiser, préciser ou corriger les informations délivrées sur le réseau, y compris la publicité. En dessous de tout post considéré comme imprécis ou fallacieux, seront publiées leurs observations qui auront recueilli une adhésion consensuelle.
A dire vrai, cette idée qu’un consensus ferait la vérité est elle-même une erreur car chacun sait que l’opinion est moutonnière jusque, et peut-être surtout, dans l’erreur, la haine ou la violence.
L’Etat n’est pas garant de la vérité
On ne tue pas l’erreur en la censurant mais en la combattant par la raison et par la réalité. Quant à la vérité, elle est loin d’être toujours certaine. Certes, il y a des vérités scientifiques, mais il a fallu parfois des Copernic et des Galilée pour les faire aboutir en brisant les consensus du moment. Au XXème siècle, l’abbé Georges Lemaître proposa la théorie du Big Bang contre le consensus scientifique, mais parvint à le faire admettre, notamment à Einstein, par l’argumentation et le débat.
Pas plus que n’importe quelle entreprise ou autre communauté humaine, l’Etat ne peut être le garant de la vérité. Mais il doit lutter contre la manifestation du mal avéré et veiller à établir des lois qui permettent de punir ceux qui propagent la violence, qui calomnient, qui insultent, diffament… Et il doit permettre à chacun de faire prévaloir efficacement ses droits contre ceux-ci. A l’image de toutes les antiques sagesses, le décalogue énonce des interdictions sauf à honorer son père et sa mère et à se reposer le septième jour. L’Etat est appelé à dire, non sans précaution, ce qu’il ne faut pas faire, pas ce qu’il faut faire ; il garantit la liberté de chacun de vivre à sa manière dans le respect des autres à faire de même. Le propre des Etats totalitaires est précisément que ce qui n’y est pas autorisé est interdit, tandis que la pratique des Etats libres est à l’inverse que ce qui n’y est pas interdit est autorisé.
La liberté d’expression est l’une des premières garanties due par l’Etat à ses citoyens parce qu’elle répond au besoin humain naturel, fondamental, métaphysique de recherche de la vérité, et parce que c’est elle qui permet le mieux de révéler la vérité dans le processus de tâtonnement, d’essais et erreurs, et de libre contradiction d’où est né le progrès humain. La liberté de pensée et de parole est créatrice. L’humanité s’éteint quand elle perd son esprit critique et c’est d’ailleurs pourquoi les despotismes finissent toujours par s’étioler avant de s’effondrer. Pour prospérer, la démocratie a moins besoin d’un Etat qui dicte leur conduite et leurs propos aux individus que d’un Etat qui assure à tous la possibilité de s’exprimer et se conduire librement dans le respect de règles communes et communément adoptées. A cet égard l’Europe participerait mieux à la consolidation de nos démocraties en favorisant la création de nouveaux réseaux sociaux et la concurrence des idées au travers de celle de leurs supports d’expression plutôt qu’en érigeant, façon Thierry Breton, des règles si rigides qu’elles laissent les Américains et les Chinois seuls maîtres de ce marché.
L’abandon du fact-checking est une bonne nouvelle pour la liberté, mais il faut souhaiter que l’institution d’un nouveau contrôle par « consensus » fasse elle-même long feu. Car le meilleur moyen de combattre le mensonge, c’est de le contester avec la force de l’intelligence et la vérité des faits. A cet égard, il faut favoriser la libre expression des opinions et la contradiction sur les réseaux plutôt que vouloir les brider. En cas d’excès, le meilleur moyen de s’opposer à la violence physique ou verbale, sous toutes ses formes et y compris sur les réseaux sociaux, c’est de disposer d’un dispositif légal adapté et d’une justice efficiente.
20 commentaires
c’était donc bien de laisser D Raoult raconter des mensonges ce qui a fait perdre des mois à la recherche et diminuer les chances de certains malades
JL Rey médecin
Les escroqueries de Raoult (sur lesquels nous avons écrit) vont beaucoup plus loin que la simple liberté d’expression…
Jean-Loup REY, bonjour.
Et bien entendu, le citoyen est un demeuré qui ne peut pas se faire son propre avis.
J’ai lu le CV de ce Monsieur Raoult, magistral tout ce que cet homme a accompli.
Entre autres : Prix et récompenses
La bactérie Raoultella porte son nom.
2002 : prix d’excellence de la Société européenne de microbiologie clinique et maladies infectieuses.
2002 : prix des Sciences Médicales d’Outre Mer (Académie Royale de Belgique)
2003 : prix Jean Valade, Fondation de France.
2008 : prix Sackler Lecturer, université de Tel Aviv (Israël)
2009 : prix Éloi Collery, Académie nationale de médecine
2010 : grand prix Inserm.
2015 : prix de la fondation Louis D., Institut de France sur le thème Étude du monde microbien : nouveaux concepts, nouvelles approches (450 000 euros).
2021 : grand prix départemental des Bouches-du-Rhône pour la Recherche en Provence
Bonne année 2025
Il y a eu des prix Nobel d’économie qui ont affirmé que l’URSS allait être le pays le plus riche au monde…
Bonjour Nicolas Lecaussin.
Ne pas oublier, Friedrich Hayek, Milton Friedman, Kenneth Arrow, John Hicks, Henry Schultz, qui eux aussi ont obtenu un prix Nobel.
🙂
A++
huereusement…
Il y a même eu un prix Nobel de médecine, découvreur du SIDA, qui a affirmé que la mémoire de l’eau existait, que l’ADN pouvait se téléporter, et tout un lot de bétise dont certaine sur le COVID juste avant de mourir. En effet, l’argument d’autorité n’est pas valide.
Vous avez oublié dans ses faits de gloire, interdiction de publication de 2006 à 2007 par l’American Society for Microbiology, pour suspicion de fraude. Et surtout, l’épidémiologie n’était pas et n’est pas son domaine.
Il me semble que Raoult est un spécialiste reconnu !
En escroquerie dernièrement…
La gauche n’a jamais aimé la liberté.
Car qui dit liberté, dit liberté de démonter toutes les conneries que raconte la gauche.
Et elle en raconte depuis l’antiquité.
Des milliers d’années de conneries, et elle persiste et signe en 2025.
Est-il possible que la pensée de gauche puisse avoir un impact sur l’acide désoxyribonucléique ?
Je ne savais pas que Donald Trump était de gauche:
https://www.ladepeche.fr/article/2018/08/03/2846062-etats-unis-donald-trump-president-des-fake-news.html
C’était donc bien de laisser Agnès Buzyn déclarer que : “les risques de propagation du Covid-19 étaient “très faibles” en France du fait de l’isolement de la ville de Wuhan, en Chine”, ce qui était totalement faux, cette ville abritant des usines de nombreuses entreprises françaises d’une part, de PSA à Renault, en passant par Valeo, et étant reliée à la France par plusieurs vols quotidiens ! Cette affirmation aurait dû être aussitôt démentie, comme d’autres, mais… non. Pas un de nos “journalistes” pour relever ce mensonge, qui a fait arriver le virus sur le sol français en un rien de temps et attenter à la vie de nombreuses personnes fragiles.
Source https://www.bfmtv.com/politique/les-risques-de-propagation-du-covid-19-sont-tres-faibles-il-y-a-un-an-la-declaration-d-agnes-buzyn_AN-202101240001.html
Il y a un fossé entre une erreur de jugement de cette ministre et l’obstination qu’on eut des personnes à défendre des thèses démontrées comme fausses et qui ont tué des gens.
Quand ce sont des gauchistes qui décident de ce qui est exact ou faux on peut s’attendre à des falsifications générales!
Mais, malgré mon commentaire précédent, je suis entièrement d’accord avec vous. Personne n’est garant de la vérité, ainsi que vous le démontrez parfaitement dans votre article, et il n’y a pas plus attentatoire aux libertés que l’affirmation sans contradiction, le dogmatisme sans réponse du réel.
On le voit hélas tous les jours avec la main-mise de la gauche sur le “journalisme” grand public, qui martèle sa bien-pensance au mépris de la réalité et rejette la contradiction. Qui se souvient de Philippe Verdier, éjecté de la présentation de la météo ?
Sans parler de l’excellent travail des “fact-checkeurs” pour faire disparaître tout ce qui concernait le fils de Joe Biden en son temps.
Et je ne parle pas du traitement médiatique de Zemmour, ou de Trump. Ni de Javier Milei, trop drôle de voir qu’ils n’en parlent plus du tout, par opposition à la verve avant son élection.
Oui, la liberté d’expression est on ne peut plus indispensable, mais hélas on ne peut plus absente en France.
L’état, s’il avait l’humilité de reconnaitre la force du “bon sens” devrait garantir la plus grande liberté dans les réseaux sociaux, source d’informations précieuses sur ce que pense le peuple. Mais quand on se moque complètement de ce que le peuple pense et que l’on veut simplement le soumettre à la pensé dominante d’une minorité, alors nous avons ce que nous sommes en train de vivre: une tentative désespérée de sauver les réseaux de propagande.
X, le premier réseau autonettoyant !
Il sera dépollué de tous les totalitaires de la pensée qui s’en vont d’eux même!
C’est pas beau ça?
Défendre la liberté d’expression d’un point de vue utilitariste, c’est très bien, mais c’est aussi insuffisant. La question de la légitimité d’un éventuel obstacle à la liberté d’expression me semble plus essentielle : qui pourrait avoir une légitimité quelconque à contrôler ce que je lis ou ce que j’écris (hormis les cas où les paroles ou les écrits pourraient nuire à quelqu’un)?
Je ne saurais être plus en accord avec vos propos, monsieur Delsol.
Pour ma part, j’ai toujours été contre le fait que les plates-formes publiques sur Internet (pas uniquement les réseaux sociaux) se modèrent elles-mêmes : le seul cadre, identique à toutes, devrait être la loi qui interdit très justement la diffamation, les appels à la violence, etc.. Et le rôle des plates-formes devrait se borner à signaler les propos délictueux à la Justice qui entreprendrait ensuite le travail de déterminer le bien-fondé de l’accusation, en respectant le contradictoire, pour prendre ensuite si nécessaire les mesures appropriées.
Mais toute forme de “modération” privée que pratiquent la quasi-totalité des plates-formes sur Internet est une entrave à la liberté d’expression : seule la loi peut interdire, tout le reste est autorisé.