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Bruno Retailleau et la mauvaise polémique sur « l’État de droit » 

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Les ministres de l’Intérieur sont adeptes des polémiques. Celle qu’a soulevée Bruno Retailleau fin septembre au sujet de l’État de droit mérite une mise au point, tant historique que juridique et politique.

La polémique sur « l’État de droit »

Bruno Retailleau a soulevé une tempête médiatique le 28 septembre en déclarant : « L’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré » (Journal du Dimanche, entretien). Peut-être s’était-il trop exprimé dans les médias et était-il fatigué, peut-être ces propos polémiques ont-ils été tenus à dessein pour « meubler » dans l’attente du discours de politique générale du Premier ministre. Quoi qu’il en soit, la sortie du nouveau ministre de l’Intérieur s’inscrit dans un contexte (traditionnel) d’opposition, au moins officielle, entre l’occupant de l’hôtel de Beauvau et le garde des Sceaux, dont les propos lénifiants (« Le laxisme de la justice n’existe pas ») ont été eux aussi beaucoup commentés.

Michel Barnier a recadré son ministre le 1er octobre en marquant (mais allait-il dire autre chose ?) son attachement non seulement à « la fermeté de la politique pénale », objet des propos de Bruno Retailleau, mais également à l’«  l’État de droit ».

Le lendemain, le ministre de l’Intérieur s’est attaché à désamorcer la polémique en assurant qu’on n’avait pas saisi la subtilité de ses propos. Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, il a précisé : « J’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’État de droit, comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid ». Il n’est pas sûr que de tels propos aient pu rassurer, tant les libertés ont été mises à mal lors de ces diverses crises…

Ce même 2 octobre dans un entretien au Figaro, Bruno Retailleau est revenu sur ses termes litigieux en donnant les indications suivantes : « La démocratie libérale, c’est à la fois l’État de droit et la souveraineté du peuple ». Il a appelé à ne pas confondre État de droit et « état du droit ».

Des réactions négatives mais insatisfaisantes à gauche

Comme on peut aisément l’imaginer, la gauche et la gauche de la gauche n’ont pas manqué d’éreinter les propos du ministre. La motion de censure déposée le 4 octobre par 192 députés du Nouveau Front Populaire vise d’ailleurs « l’État de droit », « principe intangible ». Nous nous limiterons à deux réactions intéressantes, émises le 30 septembre sur Franceinfo, hors de la sphère strictement politique (apparemment du moins…).

La présidente du Syndicat (très à gauche) de la magistrature, Kim Reuflet, a déclaré notamment ceci : critiquer l’État de droit, « c’est accepter que l’État ne soit pas soumis au droit, c’est le règne de l’arbitraire », avant de caractériser ainsi l’expression : « C’est le contrat social, le droit à la liberté, le droit à la vie, les droits sociaux (sic) ». Quant au président de la Ligue des droits de l’homme (qui porte de plus en plus mal son nom tant elle est « progressiste »), Patrick Beaudouin, il a ainsi défini l’État de droit : « C’est ce qui caractérise les régimes de démocratie, par opposition à des régimes autoritaires dits désormais ultra-libéraux (sic) ».

Ces critiques ont encore plus obscurci le débat.

Les origines de l’État de droit

Bruno Retailleau a ouvert de manière maladroite une polémique que ses propos ultérieurs tout aussi confus n’ont pas éteinte. L’idée qu’il a initialement émise selon laquelle « la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », démontre qu’il n’entend pas grand-chose au sujet.

Il va de soi que nous sommes contraints de limiter notre mise au point à l’essentiel dans le cadre de cette brève chronique. Sur les plans historique et généalogique, rappelons tout d’abord que l’expression « État de droit » a une origine allemande. Portée par des juristes de droit public essentiellement conservateurs, elle remonte au milieu du XIXe siècle et elle s’oppose alors à la notion d’« État de police », mais elle n’a pas pour autant une signification libérale. Elle veut certes dire que l’État ne doit pas être arbitraire et qu’il doit donc agir sur le fondement de règles posées, mais elle ne veut pas dire pour autant que ces règles sont libérales.

Ce n’est qu’à la suite d’un long processus que, sur le continent, le terme a été rapproché de la vieille idée de Rule of law britannique (expression délicate à traduire, « règne du droit » s’en rapprochant peut-être le mieux), sans se confondre pour autant avec elle. En ce sens, l’État de droit renvoie aux notions, d’ailleurs employées par Bruno Retailleau dans son entretien du 28 septembre, « d’ensemble de règles, de hiérarchie des normes, de contrôle juridictionnel, de séparation des pouvoirs ». Tout cela est cependant insuffisant.

La conception libérale de l’Etat de droit

Pour les libéraux, la « source » de l’État de droit, pour reprendre le mot du ministre, n’est certainement pas la démocratie, pas plus que la souveraineté du peuple, une conception que l’on peut qualifier de souverainiste de l’État de droit. Une conception dangereuse aussi puisqu’elle pose en réalité la démocratie et la souveraineté populaire au-dessus de l’État de droit.

Bruno Retailleau (comme ceux qui l’ont défendu. Voir l’appel des 170 parlementaires en son soutien, Le Figaro, 3 octobre 2024) a complètement évincé les droits naturels de l’homme au profit d’une conception positiviste de l’État de droit. A la base de ce dernier se trouve l’individu souverain, doté naturellement de droits, à commencer par la propriété de son corps. L’État, lui, n’a rien de naturel. Il s’agit d’une création, par définition artificielle, dont l’objet est de protéger les individus des atteintes illégitimes, non seulement de la part des autres individus, non seulement de la part des autres États, mais encore (et ceci est la difficulté majeure) de la part de l’État lui-même. Autrement dit, l’État de droit participe d’une limitation de l’État lui-même, bref de la notion d’Etat limité (que refusent les anarcho-capitalistes qui estiment qu’elle n’a aucun sens).

L’État de droit ne se confond donc ni avec la législation (ce n’est pas un ensemble de normes qui peuvent être modifiées à volonté par les gouvernants), ni avec le droit de l’État (qui, fût-ce au nom de la démocratie ou de la souveraineté populaire, surpasserait les droits naturels de l’homme).

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7 commentaires

gillet 8 octobre 2024 - 8:05 am

Du reste, nécessité fait loi! Va-t’on vers un « état de nécessité »dans l’intérêt supérieur de l’état ?

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laurent guyot 8 octobre 2024 - 1:03 pm

l’intérêt de l’état on s’en contrefiche. c’est l’intérêt des Français et du pays qui est en jeu. et quant on parle d’intérêt on ne se limite pas à un intérêt matériel ou financier, cet intérêt touche aussi le culturel et le moral. L’état de droit représente les lois sensées protégé les individus et en particulier les citoyens français. ces lois doivent pouvoir s’adapter au différents dangers qui peuvent apparaitre et l’immigration incontrôlée en fait partie. De plus les migrants illégaux n’étant pas des citoyens d'(une part et violant eux même le droit ne peuvent en aucun cas prétendre la la même protection que les citoyen français respectant les dites lois.

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Michel GAUTRON 8 octobre 2024 - 12:19 pm

En quoi la justice en France, dans ce soi disant état de droit protège t’elle les citoyens honnêtes, victimes de plus en plus en nombreuses d’ exactions violentes réalisées quasi quotidiennement ? En quoi la justice dans cde soi-disant état de droit donne t’elle quasiment régulièrement sa « préférence » aux bourreaux plutôt qu’aux victimes ? Votre vision intellectualisée de l’état de droit n’a pas de réalité pour le citoyen honnête.

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Lombled 8 octobre 2024 - 2:47 pm

Je ne suis pas un juriste et tout votre charabia juridique ne m’impressionne pas, pour moi l’état n’a de droit que ce que les citoyens lambda veulent bien lui accorder. Donc c’est ce qu’on appelle la constitution, donc les bases sur lesquels l’état fonctionne. Si ces règles ne donnent plus satisfaction on les changes.

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FOSSIER Chantal 8 octobre 2024 - 3:38 pm

Il est souhaitable que Monsieur Michel BARNIER réussisse à redresser la France qui est dans un triste état, dû à l’incompétence de Mr Macron et de son gouvernement démissionnaire: Agressions multiples, assassinats d’innocents, squatteurs protégés, Policiers tués sauvagement, dépenses incontrôlées, retraites versées à des morts… une justice qui punît les innocents et libèrent les coupables…. et un gouvernement obèse donc ingouvernable!

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SYBIL 9 octobre 2024 - 1:20 pm

« Bruno Retailleau a ouvert de manière maladroite une polémique que ses propos ultérieurs tout aussi confus n’ont pas éteinte. L’idée qu’il a initialement émise selon laquelle « la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », démontre qu’il n’entend pas grand-chose au sujet. »
??? C’est ubuesque de lui donner tord, l’auteur se fourvoie et doit revisiter nos fondamentaux.
L’état de Droit comme la « démocratie » sont en décrépitude avancée. Les politiciens godillots sont devenus de flasques représentants, médiocres, usurpateurs de votes, incapables d’appréhender notre roman National et dont l’effroyable carence de notre Histoire nous a fait basculer dans un abîme dont on ne pourra sortir sans l’Autorité espérée d’un être « providentiel ».
Mr RETAILLEAU a raison: notre état de Droit comme notre Constitution ont été inversés, et la caution des « droits de l’homme » n’a plus le sens originel. le poltron en chef achève le processus fécondé dès le traité de Rome, mis en berne tant que le général de GAULLE était là, en stand by avec Pompidou, puis repris allègrement par VGE, accentué par la Mitte et renforcé par les suivants. Louis Pauwells en 1986 parlait de « sida mental » constatant le conditionnement du peuple, aujourd’hui l’hallali de notre France a sonné.
Comment se fait il que ce soient les tribunaux qui créent la Loi? La justice est la bouche des lois comme l’affirmait Montesquieu…). Les juge traduisent toutes les lois selon la politique, créent les jurisprudences convenues par la Cour européenne (CEDH) et s’attribuent des hybridations abracadabrantesques dans l’air du temps politique (CE,CC, etc… L’arbitraire règne et être magistrat ne justifie pas le viol de notre Constitution.
Sans cela un référendum peut y procéder comme le dit Monsieur Retailleau, car, avec l’incurie des parlementaires, l’indigence crasse des écolos gauchistes à l’A.N., nous ne sortirons pas de l’ornière qui étouffe notre Droit
Quel État de droit est plus démocratique que celui qui consulte un peuple sur une mesure réclamée depuis des décennies sans consultation à son sujet ?

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ORILOU 10 octobre 2024 - 5:50 pm

Brun a RETAILLEAU a raison. Les Français ne sentent plus protégés par un état qui s’est davantage préoccupé des minorités (LGBT, ETRANGERS, ETC), des faits de société (mariage pour tous, euthanasie, etc.) que de la majorité silencieuse de nos concitoyens.
Une justice politisée en pleine déliquescence avec pour corolaire un commerce de la drogue violent et… prospère. Disparition progressive de notre industrie victime de l’application dogmatique d’une écologie à la fois coûteuse et hors sol.
Sans compter les normes et règlements régissant de plus en plus de détails de notre quotidien.

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