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L’Agence de conseil interne de l’État : une officine politique ?

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Ce que l’on a appelé « l’affaire McKinsey » n’en finit pas d’avoir des répercussions. Il y a quelques jours, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, une proposition de loi sur l’influence des cabinets de conseil dans les politiques publiques. Proposition de loi née en 2022 des préconisations de la commission d’enquête qui portait sur le même sujet. Le Gouvernement a également pris des dispositions, notamment en créant l’Agence de conseil interne de l’État. Mais est-ce une administration ou une officine politique ?

Remémorons-nous rapidement « l’affaire McKinsey » qui éclate en janvier 2021. Le « scandale » ne résidait pas dans le fait que l’État fasse appel à des cabinets de conseil extérieurs, mais que l’un d’entre eux, McKinsey, ait participé à la campagne d’Emmanuel Macron et qu’il ait, ensuite, obtenu des marchés publics importants. Par ailleurs, il s’est avéré que des consultants de McKinsey ont été nommés à des postes clés, à l’instar d’Éric Labaye devenu président de l’École polytechnique. Une polémique est également née du fait que McKinsey n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020.

A la suite de ces différentes révélations, le Sénat a nommé une commission d’enquête. Sa rapporteure (sic), la sénatrice communiste Éliane Assassi, conclut que le recours gouvernemental aux cabinets de conseil est « un phénomène tentaculaire ». Le rapport sénatorial débouchera sur une proposition de loi qui a donc été adoptée en deuxième lecture il y a quelques jours.

Les commandes de prestation de conseil ont été divisées par 3 entre 2021 et 2023

De son côté, le Gouvernement n’est pas resté sans agir. Une de ses premières actions a été l’obstruction au texte sénatorial. En effet, il s’est écoulé 15 mois entre la première lecture du texte au Sénat et celle à l’Assemblée nationale, le Gouvernement ne jugeant pas utile de demander l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour, ni d’engager la procédure accélérée.

Sans doute le Gouvernement cherchait-il à gagner du temps pour avancer ses propres pions. Il a, en effet, commencé par élaborer un plan d’achat visant à générer un milliard d’euros d’économie. Ensuite, le Premier ministre a publié, le 19 janvier 2022, une circulaire qui redéfinit les principes de recours aux prestations intellectuelles en confiant aux secrétaires généraux des ministères la responsabilité de renforcer le contrôle interne sur les prestations intellectuelles et de mieux piloter ces dépenses. Désormais, dans chaque ministère, il est procédé à une vérification de la justification du recours à un prestataire externe, de la qualité de la transcription des besoins dans le bon de commande, de l’adéquation entre le prix et la prestation demandée, et du respect des règles des marchés interministériels ou ministériels.

Enfin, comme le prévoit la circulaire de janvier 2022, un nouvel accord-cadre, relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, a été publié en juillet 2022. Ses principaux objectifs, pour la période 2023-2027, sont de maîtriser le montant des dépenses de conseil, de renforcer les règles de déontologie, de transparence et de mise en concurrence, d’évaluer systématiquement la qualité des prestations et de s’en servir pour enrichir les compétences internes de l’État.

Parallèlement, un pôle interministériel d’achat de prestations de conseil a été créé au sein de la Délégation interministérielle de la Transformation publique (DITP) afin de conseiller les administrations dans le recours aux consultants externes, mettre en place des marchés interministériels de conseil et donner un avis sur les commandes de prestations de conseil supérieures à 500 000 € TTC.

Cette série de mesure a, selon le Gouvernement, permis de réduire massivement les commandes de prestations de conseil : elles sont passées de 271 millions d’euros (M€) en 2021 à 137 M€ en 2022, puis 80 M€ en 2023.

La création de l’Agence de conseil interne de l’État : un tour de passe-passe ?

Le dernier étage de la fusée est la création de l’Agence de conseil interne de l’État. Le ministre de la Fonction et de la Transformation publiques, Stanislas Guerini, l’a installée le 26 mars 2024 dans ses locaux de l’avenue de Ségur à Paris.

Selon les dires du ministre Guerini, cette agence va permettre de « réarmer concrètement l’État » puisqu’elle est appelée à « réaliser en interne une part croissante des besoins de conseil externe ». Pour cela, elle compte déjà 53 collaborateurs et a prévu de porter son effectif à 75 d’ici la fin de l’année 2024.

L’Agence est dirigée par Clotilde Reullon qui a notamment passé douze ans au sein du cabinet de conseil Capgemini. La plupart des collaborateurs de l’Agence sont d’ailleurs d’anciens consultants qui ont eu à intervenir pour l’État. Il s’agit donc d’internaliser des compétences jusqu’alors externes. Cela suffira-t-il à faire taire les critiques sur le mélange des genres, le renvoi d’ascenseur et la connivence ? Ce n’est pas sûr.

Nous en sommes d’autant moins convaincus que les missions de l’Agence sont ambigües. Deux d’entre elles ne posent pas de problème : « rendre les politiques publiques plus efficaces et aider les administrations à conduire leurs projets de transformation ». En revanche, la première mission mise en avant par l’Agence interroge : « accompagner les services de l’État dans la mise en œuvre des politiques prioritaires du Gouvernement ».

Pour bien comprendre en quoi cela consiste, prenons un exemple donné par l’Agence elle-même : « comment mettre en œuvre la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de créer un service public de la petite enfance » ? Si nous devions résumer les choses, nous dirions qu’Emmanuel Macron, candidat à sa réélection en 2022, a fait une promesse sans avoir réfléchi une minute à la manière de la mettre en œuvre. Peu importe qu’elle soit réalisable ou non, il est demandé à l’Agence de conseil interne de faire en sorte qu’elle devienne effective.

La loi du 18 décembre 2023 qui crée le service public de la petite enfance (SPPE) fait reposer celui-ci sur les communes qui deviennent autorités organisatrices de l’offre d’accueil. L’Agence a donc été missionnée par le ministère des Affaires sociales et de la Santé pour aider (convaincre ?) les maires à mettre en œuvre cette promesse. Pour rendre le SPPE effectif, l’Agence souhaite limiter le plus possible les non-recours (autre promesse électorale d’Emmanuel Macron). Ainsi considère-t-elle que tout doit être mis en œuvre pour que les parents mettent leurs enfants à la crèche, considérée comme un lieu de socialisation indispensable. Ce qui, soit dit en passant, rend suspects les parents n’y ayant pas recours, comme le sont ceux qui préfèrent l’école à la maison.

Nous le voyons, l’Agence a une mission politique auprès du Gouvernement en plus de sa mission « technique » au service des administrations. Le mélange des genres est donc toujours à craindre.

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4 commentaires

Laurent46 14 juin 2024 - 8:52 am

Encore une nouvelle structure, le nombre infernal de politiques et de services publics ne suffisent pas encore !
Quelle misérable bande de voyous de fainéants et d’irresponsables. Aller voter pour qui et surtout pourquoi ?
Au regard des manipulations locales j’ai plutôt envi de vomir que d’aller voter. Mais c’est le lot de toute République des catastrophes, tout sauf de vraies démocraties. Cela ne pourra finir que dans des larmes et du sang.

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Roven 14 juin 2024 - 9:11 am

Quand un dirigeant ne sait pas où il va, il demande à des consultants extérieurs, qui ne connaissent rien à l’activité de l’entreprise, de faire un audit.
L’étude accouche d’un beau rapport très graphique et très cher, mais bourré d’orientations inconséquentes.
C’est la fibre de Macron qui n’a aucune vision et a besoin de conseillers « techniques » qui, ayant facilité sa campagne, demandent un juste retour…

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henriB 14 juin 2024 - 9:43 am

On peu s’étonner que ce texte ne mentionne pas les noms de Fabius et de Fabius .

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AlainD 17 juin 2024 - 9:43 am

Je m’étonne également puisque si j’ai bien retenu ma leçon, Fabius fils (dont le père est président du Conseil Constitutionnel) serait président de Mc Kinsey France. Vous avez dit mélange des genres ?

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