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Le discours de politique générale inquiétant de Michel Barnier

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Les discours de politique générale des Premiers ministres, dans lesquels ils exposent les grandes orientations de leur gouvernement et leur programme, sont le plus souvent dotés d’un intérêt réduit pour la simple et bonne raison que c’est le chef de l’Etat qui, selon la pratique institutionnelle, détient à peu près tous les pouvoirs. Il en est autrement lorsque le Président de la République ne peut pas compter sur une majorité absolue ou même sur une majorité relative stable à l’Assemblée nationale.

C’est pourquoi le discours de politique générale de Michel Barnier prononcé le 1er octobre était attendu. Nous n’analyserons que les aspects économiques et sociaux en délaissant les aspects sécuritaires (immigration et sécurité) et institutionnels (État de droit, Nouvelle-Calédonie, représentation proportionnelle) notamment.

Un discours en apparence terne et sans relief

Michel Barnier a été fidèle à son image : pas d’envolées lyriques, des paroles de technocrate blanchi sous le harnais. Il est vrai que le chemin était étroit pour celui qui appartient à une famille politique en perte de vitesse et de moins en moins représentée à l’Assemblée nationale, pour celui qui se trouve enserré entre les membres macronistes de sa coalition gouvernementale et de virulents opposants aux aguets.

Michel Barnier s’en est tenu à des banalités et de vagues déclarations pour l’essentiel. Et lorsqu’il a énoncé quelques mesures précises, elles se seront traduites par leur aspect anodin ou leur caractère contestable. Ainsi en a-t-il été de la revalorisation anticipée de deux mois du smic à hauteur de 2 %, soit un gain mensuel de moins de 30 euros… Or, il a été prouvé à maintes reprises que la fixation d’un salaire minimum est néfaste et l’Iref s’en est fait l’écho. Plus fondamentalement, il n’appartient pas à l’État de fixer le prix du travail.

Le nouveau Premier ministre a aussi pu démontrer la réalité du gaullisme social dont il se prévaut (il a d’ailleurs cité en liminaire le général de Gaulle) en concédant des correctifs à la dernière loi sur les retraites tant controversée. Mais, a-t-il ajouté à l’attention des opposants à la réformette de 2023, l’objectif reste de « préserver l’équilibre durable de notre système de retraites par répartition ». Certes, là encore, il ne pouvait au regard de la composition de l’Assemblée, faire œuvre révolutionnaire, mais en tout état de cause son incapacité à saisir les ressorts véritables d’une réforme des retraites a sauté aux yeux (pas un mot bien entendu sur la retraite par capitalisation).

De même,« l’accès à des services publics de qualité » a été placée au rang des objectifs prioritaires, ce qui signifie que le périmètre de l’État restera inchangé (si bien que l’on ne voit pas trop comment la dette, dont nous allons parler, va pouvoir être sérieusement réduite…). Quant à sa vague référence à une « dette écologique » aussi importante que la dette financière, elle n’aura servi qu’à lancer quelques pistes tout aussi floues (travaux d’élaboration d’une « stratégie française énergie-climat », « plan national d’adaptation au changement climatique », « programmation pluriannuelle de l’énergie »). La « grande conférence nationale » consacrée aux « enjeux stratégiques liés à l’eau » dont il a parlé a dû faire plaisir à Emmanuel Macron, adepte de ces « machins » à l’utilité évanescente…

Quelques piques bien senties

Le compte rendu du discours sur Franceinfo le 2 octobre au matin a été assez réjouissant puisqu’une journaliste n’a pas hésité à dire que les bancs de l’assemblée avaient été plutôt calmes (sans doute endormis à la fin d’un discours d’une heure et demie…). Il s’agit d’une douce plaisanterie. En effet, il faut saluer la patience de Michel Barnier face à des travées hautes éructant avant même sa prise de parole et l’invectivant sans cesse (« Ce discours sera plus long que son mandat », lancera un député insoumis…). Le Premier ministre a profité de son temps de parole après les réactions des intervenants des groupes représentés pour s’étonner ingénument de l’agressivité de Mathilde Panot qui, avec sa modération légendaire, a parlé du « pire des réactionnaires » et d’un gouvernement « rampant devant l’extrême droite ».

L’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, en a également pris pour son grade. Il semble que la passation de pouvoir ne lui ait pas servi de leçon puisqu’il a usé du même ton sentencieux pour donner quelques conseils à son successeur presque deux fois plus âgé que lui…  Or, Michel Barnier n’a pu que faire le constat, à l’encontre de la gauche et de la gauche de la gauche, de « l’épée de Damoclès » que constituait « notre dette financière colossale », une dette largement accrue par les macronistes qui font portant partie du gouvernement actuel qu’il dirige…

Le tabou fiscal est (de nouveau) tombé

Nous l’avons dit par ailleurs sur ce site, il faut savoir gré à Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Economie, d’avoir empêché, en tout cas officiellement, la hausse des impôts réclamée à cors et à cris par l’ensemble de l’échiquier politique, droite sociale incluse. Lors de la campagne des élections législatives, le Nouveau Front Populaire, entraîné par LFI, a programmé une véritable purge fiscale au sein de ce qui est déjà le premier enfer en termes d’impôts au monde. La gauche de la gauche en rêvait, Michel Barnier va donc le faire : hausser la fiscalité. Certes, de manière bien moindre, certes de manière prétendument exceptionnelle, mais il l’a annoncé.

Nous renvoyons pour les mesures, là encore floues, à la pendule de Jean-Philippe Delsol, mais reprenons le discours. A l’encontre de la gauche et de la gauche de la gauche qui crient à l’austérité, Michel Barnier a partagé le gâteau en deux mais de manière inégale : deux tiers de l’effort de redressement par « la réduction des dépenses », mais « en 2025 » a-t-il précisé de manière énigmatique (et après ?) ; un tiers par »une participation au redressement collectif » qui pèsera sur les « grandes entreprises qui réalisent des profits importants » (mesure depuis validée par le Président de la République dans un entretien télévisé à l’étranger) et sur les « Français les plus fortunés » et ce, au nom de la « justice fiscale ».

Nous avons déjà dit dans une pendule ce que nous pensions de cette notion de « justice fiscale », qui n’est autre que l’application néfaste de la notion de « justice sociale » au domaine des impôts. Sur ce point, Michel Barnier verse dans la démagogie. Comme de coutume, les « riches » et les « gros » (particuliers comme entreprises) sont voués aux gémonies, et comme, par définition, ils sont peu nombreux, ils ne coûtent pas cher électoralement. Bien au contraire. Les opposants à ces mesures ont déjà excipé des effets pervers qui allaient s’en suivre (exil fiscal notamment), mais ils oublient le principal : les revenus et les patrimoines des individus leur appartiennent, ils n’appartiennent pas à l’État et, si une contribution pour le fonctionnement de ce dernier est fixée, elle doit être proportionnée aux services rendus. Telle était la conception classique de l’impôt, aujourd’hui bien oubliée.

La droite (sociale) la plus bête du monde

Quoi qu’il en soit, au motif de réduire de manière si peu ambitieuse le déficit public à 5 % du PIB l’année prochaine, soit un point de moins environ que le déficit finalement prévu cette année (ce « déficit trouvé en arrivant », a-t-il répondu à Gabriel Attal…), Michel Barnier ouvre la boîte de Pandore de l’augmentation des impôts. Et si un gaulliste social accepte aujourd’hui de faire croître la fiscalité, qu’en sera-t-il demain de ses successeurs peut-être plus sociaux encore que gaullistes ? S’il accepte de hausser la fiscalité à titre exceptionnel, qu’en sera-t-il de ses successeurs portés à l’augmenter de manière naturelle et ordinaire ?

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