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Climat : le harcèlement de TotalEnergies continue

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Le 19 juin, la commission d’enquête du Sénat a présenté ses conclusions sur les obligations de TotalEnergies. Lancée en décembre 2023 par le Groupe parlementaire du Sénat Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST), elle avait pour objectif d’évaluer « les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ». L’entreprise est en effet pointée du doigt parce qu’elle continue d’investir massivement dans le gaz et les énergies fossiles, ce qui est jugé contradictoire avec les trajectoires décrites par le GIEC qui limitent l’élévation de la température mondiale à +1,5°C.

Faut-il cesser d’investir dans les énergies fossiles ?

 Parmi les 33 recommandations de la commission, le Sénat enjoint l’État d’inciter « plus fortement le groupe TotalEnergies à se placer aux avant-postes de la transition énergétique » afin que l’entreprise devienne un leader dans les énergies renouvelables (EnR) et soit davantage alignée avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

Il semblerait que les auditions, devant le Sénat, des représentants de Total n’aient pas servi à grand-chose. Patrick Pouyané, le président de l’entreprise auditionné lui aussi, n’a pas manqué de rappeler que Total est déjà le leader dans l’investissement des EnR en France avec un apport de 400 millions d’euros en 2023. Il a rappelé une autre réalité : à court et moyen termes, les EnR ne sont pas adaptées à la demande croissante d’énergie dans le monde. En 2019, près de 80 % de l’énergie consommée est d’origine fossile. L’intermittence des EnR doit être compensée par des énergies plus disponibles comme le pétrole, ou plus flexibles comme le gaz naturel, même si elles sont fortement émettrices d’émissions de gaz à effet de serre.

Or, l’accord de Paris implique l’abandon progressif des énergies fossiles, et donc l’abandon du système actuel. Pour Patrick Pouyanné, ce n’est pas réaliste : un trop grand nombre de personnes en dépendent aujourd’hui, à commencer par les Chinois, les Indiens ou les Africains. Si Total cessait d’investir dans le système pétrolier, il faudrait s’attendre à un déclin de l’offre et à une envolée des prix. Lors de son audition, il démontre que le scénario « Net Zéro » de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), qui consiste à réduire de plus de 21 % la production de pétrole et plus de 18 % la production de gaz d’ici 2030, présente des erreurs méthodologiques. En effet, ce scénario repose sur une régression linéaire des émissions de CO2 sans tenir compte des réalités économiques, notamment dans les pays en voie de développement, qui ont besoin de croître avant d’investir dans des technologies bas carbone. M. Pouyanné affirme que le déclin de la demande de pétrole n’aura lieu que par le biais du développement d’innovations technologiques, par exemple les véhicules électriques, et on n’en est pas encore là.

L’entrée de l’État au capital de Total : une solution à la chute de l’actionnariat français ?

Ensuite, le Sénat fait une recommandation loin d’être anodine : l’entrée de l’État dans le capital de Total, dont l’actionnariat est majoritairement américain (39,7 % en 2024, une hausse de plus de 13 points depuis 2010, contre 26,7 % d’actionnaires français, une chute de 7 points) dans l’optique de disposer d’un droit de regard sur les décisions stratégiques. Yannick Jadot, rapporteur de la commission, explique que cela permettrait à l’État d’avoir un « un droit de veto sur des questions comme le déplacement d’un siège social ».

Avant de parler de l’entrée de l’État dans le capital de Total, il faudrait se demander pourquoi l’actionnariat français a chuté au profit de l’actionnariat américain. Les raisons sont simples : le climat politique est beaucoup moins hostile aux énergies fossiles aux État-Unis, qui n’imposent pas autant de normes écologistes. Sur notre continent, les gérants de fonds investissent davantage selon des critères environnementaux comme l’ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ou l’ISR (Investissement socialement responsable), alors que les entreprises américaines sont beaucoup moins sensibles au dogme anti-fossile. En France, c’est ce même dogme qui a poussé Bercy, fin 2023, à exclure du label ISR les entreprises dont plus de 5 % de l’activité est liée aux énergies fossiles… dont Total, qui investit pourtant plusieurs milliards dans la transition énergétique. L’entreprise est régulièrement harcelée par des organisations écologistes et dénigrée par les pouvoirs publics, que ce soit au sujet de sa présence en tant que sponsor des JO 2024 ou de la rémunération de son président. On a même entendu des politiques appeler sans vergogne  à la « réquisition des superprofits », voire à l’expropriation.

Réclamer que l’État prenne le contrôle revient donc à s’attaquer aux conséquences plutôt qu’aux racines du problème. Total aurait de bonnes raisons de le faire, mais pour le moment l’entreprise n’a manifesté aucune intention de déplacer sa cotation principale à Wall Street, ni même de quitter la France.

Pour une gouvernance climatique des entreprises ?

Les recommandations de la commission d’enquête s’attaquent aussi à d’autres sociétés sous couvert d’une « gouvernance climatique des entreprises », c’est-à-dire un renforcement des bilans carbone et des plans de transition, la création d’une autorité administrative pour suivre et contrôler un hypothétique « devoir de vigilance », la mise en place de comités climatiques au sein des conseils d’administration ; ou encore le développement du « Say on Climate », une résolution qui obligerait les entreprises cotées à rendre des comptes sur leurs actions en matière de lutte contre le changement climatique lors des assemblées générales.

En résumé, une bureaucratisation inspirée par l’écologisme politique qui va surtout faire perdre du temps et de l’argent aux entreprises, qui ont mieux à faire que de satisfaire les lubies des administrations. Par exemple, se concentrer sur leur principal rôle social : faire du profit, ne serait-ce que pour répondre à la demande… y compris la demande pour une énergie moins polluante.

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8 commentaires

poivre 11 juillet 2024 - 8:21

On ne saurait mieux dire.

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Jean-Aymar de Sékonla 11 juillet 2024 - 9:03

La question qui devrait hanter les esprits est:
Qu’est ce qui fait qu’en France il y ait une telle concentration d’imbéciles instruits (ou pas) en politique !
Il y a surement une explication systémique. Celui qui la trouverait pourrait sauver le pays!

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Albatros 11 juillet 2024 - 9:03

Bonjour.
Quelqu’un est-il encore assez c.. pour donner crédit aux « trajectoires décrites par le GIEC qui limitent l’élévation de la température mondiale à +1,5°C » ?
L’arithmétique est-elle à ce point délaissée devant la panique climatique que personne n’est là pour rappeler à ces imbéciles d’écologistes fussent-ils sénateurs (bon sang que la démocratie dérive pour avoir porté ces abrutis au sénat !) un simple calcul :
Comment se réjouir de 5,8% de baisse des émissions en France (0,7% des émissions mondiales) ?
Pourquoi pas une commission d’enquête sur les faits suivants :
Avec 40 milliards d’euros annuels d’argent public saupoudrés dans les « politiques climatiques », nous avons réussi à réduire de 23,4 MtCO2 les émissions de notre pays.
Bravo ?
23,4 MtCO2 par rapport aux 40 milliards émis mondialement.
Si on est optimiste, on peut penser que ces 40 milliards d’euros ont effectivement servi à cette baisse des émissions et que la tonne de céhodeux évitée par la France a coûté 1880 euros. Les services publics comme la justice, la santé, l’éducation auraient sans doute fait un meilleur usage de cette manne, encore que j’aie un gros doute sur l’éducation vu le niveau des « élites » et de la « représentation nationale ».
Si on est observateur, on constate que l’argent public considéré comprend des milliards aux entreprises en compensation du coût que représente l’acquisition de « crédit carbone » sur le marché ETS du même métal (pourquoi ne pas tout simplement supprimer cette monstruosité bureaucratique ?) et, cerise sur le gâteau, la prime donnée aux acheteurs de Tesla nécessiteux (et aux ménages aisés qui achètent un VE comme second ou troisième véhicule), on s’interroge.
Allez, courage !

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nanard 11 juillet 2024 - 9:19

Bjr, quand on aura compris que les « énergies fossiles » sont le stockage naturel des « énergies dites renouvelables ». Que l’énergie n’est pas une « chose » en soit, mais le « surplus » d’une transformation (réaction exothermique par exemple) d’un système qui évolue d’un niveau haut vers un niveau plus bas ( baisse de l’enthalpie). Que l’apport extérieur d’énergie dans un système peut remonter l’énergie du système (c’est évident). Que la dispersion de l’énergie se mesure via l’entropie. Alors on aura fait un grand pas dans la compréhension de la vie au sens général. Hélas ces règles qui ont été démontrées par des chimistes, physiciens et biologistes et pourtant enseignées ne sont pas intégrées dans les connaissances de nos « élites », voir ignorées par idéologie. Cette « ignorance » profite aux anti capitalistes (parfois révolutionnaires) de tout poil pour argumenter contre ce qu’ils estiment néfaste ou contraire à leurs idées. Pourtant la compréhension de ces mécanismes permettrait d’être plus efficace tant en terme d’énergie que de « pollution ». D’autant que ces groupes pétroliers sont en amont de la filière des médicaments…

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THIERRY C. 11 juillet 2024 - 9:52

Des « obligations climatiques » ?
Entendraient-ils des voix tombées du ciel ?
Ces gens ont-ils reçu une instruction élémentaire ? Ont-ils exercé leur sens critique ? Ont-ils appris à analyser une question sans compliquer les choses simples ?
Savent-ils pourquoi, sur les terres les plus fertiles de France, les maisons les plus modestes sont chaînées ?

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Zygomar 11 juillet 2024 - 10:15

On perçoit quand même assez bien les « subtiles » effluves marxistes-léninistes derrière « l’écologisme » de cette commission sénatoriale pilotée de façon tout à fait « o jective » par J’adore….

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Koerckel 11 juillet 2024 - 4:35

Heureusement que la France est un pays ultra libéral, car s’il était collectiviste on ne sait pas où ça nous mènerait.

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duriiez 14 juillet 2024 - 3:00

Tiens cette entrepris est encore cotée à Paris? continuons et perdons une entreprise de plus qui n’a d’ailleurs plus de français que le nom. Depuis 13 ans on n’est plu à une près.

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