Le dernier magazine de la Région Ile-de-France pour l’automne 2022 a pour titre phare : « La Région s’engage pour les jeunes ! Toutes les aides pour les 15-25 ans ». Quant aux petits encarts de la page de garde, ils portent notamment sur le « pouvoir d’achat. La Région vous aide à réduire vos factures » et « la belle histoire. Quand une start-up fait rimer innovation et inclusion ». Si l’on ne souvenait que la Région était dirigée par Valérie Pecresse, on se douterait que le parti socialiste préside à ses destinées.
La Région aide les jeunes franciliens !
Foin de doctrine, il faut « rapprocher la Région » des préoccupations quotidiennes de ses administrés, dixit l’ex-brillante candidate à l’élection présidentielle qui y a recueilli le fruit de sa popularité.
S’ensuivent quatre pages dithyrambiques sur les réalisations de la Région : « que vous soyez lycéen, étudiant, en recherche d’emploi, apprenti…, la Région Ile-de-France agit pour votre réussite. En équipant et en modernisant vos lycées, en gelant les coûts de la restauration scolaire et des transports, en offrant des formations rémunérées aux métiers qui recrutent, en finançant votre permis de conduire ou votre logement étudiant ». Il est notamment indiqué que « tous les élèves des établissements publics franciliens bénéficient dès leur en entrée en seconde d’un ordinateur portable dont ils resteront propriétaires à la fin des études secondaires », équipement intégralement pris en charge par la Région « tout comme les manuels scolaires en version numérique ou papier ». Recyclant une idée de gauche et d’extrême-gauche, « afin de lutter contre la précarité menstruelle, la Région a équipé 100 % des lycées publics de distributeurs de protections périodiques gratuites ». Question : à quand des distributeurs gratuits de pâte à dentifrice ?
Il est également indiqué que « la Région poursuit son programme de financement du logement étudiant qui a permis en six ans de construire plus de 12 000 logements » que, grâce au financement de la Région, le nombre des bénéficiaires de l’aide au logement pourra être doublé » et ce, jusqu’à 800 €, qu’« une aide de 300 à 600 € versée par l’université pour couvrir les dépenses des étudiants se trouvant en grande difficulté » est également apportée par la Région, qu’« avec son aide au mérite, la Région récompense de 1.000 € les jeunes boursiers ayant obtenu une mention très bien au bac », que « la Région accorde une prime allant jusqu’à 375 € aux jeunes entrant en apprentissage ».
Il est encore indiqué que, avec l’aide à la mobilité étudiante, la Région finance « jusqu’à 4.500 € les séjours d’études à l’étranger », que « les Trophées des étudiants-ambassadeurs permettent aux lauréats de recevoir jusqu’à 3.000 € pour faire la promotion de leur région », que « ceux qui ont quitté le système scolaire ont une seconde chance d’accéder à l’enseignement supérieur avec 1.000 € pour financer leur diplôme d’accès à l’enseignement universitaire ».
Il est encore indiqué que « la Région propose de nombreuses offres de formation gratuites et rémunérées » avec diverses primes de 1.000 €, majorées dans certains cas et doublées dans d’autres.
La Région aide tout le monde !
Par ailleurs, la Région s’occupe non seulement des jeunes mais de l’ensemble de ses administrés sur deux pages : « Pouvoir d’achat : la Région vous aide à réduire vos factures » et ce, sous quatre intitulés : alléger le coût des transports, vie scolaire, emploi et « une Région solidaire ». Il est mentionné que la Région accorde une aide exceptionnelle de 500 € « pour l’achat et l’installation d’un boitier convertissant une voiture à essence au bio-éthanol », qu’elle « incite particuliers et entreprises à acquérir un véhicule propre avec des aides allant jusqu’à 9.000 € », qu’elle propose « une aide de 500 € pour un vélo à assistance électrique », que « grâce au forfait Imagine R Junior, les jeunes franciliens de moins de 11 ans ne payent que 24 € par an pour voyager dans toute l’Ile-de-France », etc..
Au titre de la solidarité, il est également mentionné qu’un fond d’aide d’urgence « anti-précarité » a été abondé à hauteur d’un million d’euros, qu’« elle accorde jusqu’à 1.300 € pour passer le permis de conduire aux jeunes en insertion et aux demandeurs d’emploi des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones rurales », etc.. Enfin, il est mentionné que la Région a « augmenté son aide à six associations engagées dans la solidarité », dont le Secours populaire français, une association très versée dans le libéralisme comme tout le monde le sait. Toujours sous l’intitulé d’une « Région solidaire », il est mentionné que l’Ile-de-France « a doublé les aides au départ en vacances » pour une somme de 800.000 € destinée aux « Franciliens les plus précaires », sans doute épuisés par le tombereau d’aides accordées.
Objet du second encart de la page de garde, le magazine conte la « belle histoire » : « Quand une start-up (sic) fait rimer innovation et inclusion ». Où l’on apprend qu’une entreprise a été doublement « aidée » par la Région pour la création de la société et le financement d’un programme.
Dernier encart de la page de garde : « bien vivre en Ile-de-France » avec les allées du bois Saint-Martin, « ancien site privé » (horresco referens !) de 300 hectares « acquis spécialement par la Région pour son agence des espaces verts ». Nous nageons en pleine « ultralibéralisme ».
La Région providence
Comment expliquer cette « corne d’abondance » pour paraphraser Hayek, qui se déverse sur divers publics plus ou moins captifs de la Région Ile-de-France ? Il existe des raisons générales qui renvoient à la doxa de nos hommes politiques qui, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, vont à la pêche aux voix et aux clientèles électorales moyennant un carnet de chèque bien garni. Le « marché politique » règne en maître dans notre pays (et donc évidemment dans toutes les régions et pas seulement en Ile-de-France). Les chiffres sont parlants (dépenses et endettement publics, déficit budgétaire, poids de prélèvement obligatoire ») et ils devraient être bien connus.
Mais s’ajoute à cette explication le fait que la France soit un Etat faussement décentralisé[1]. Traditionnellement centralisée depuis l’Ancien Régime, une centralisation accusée par la Révolution Française et plus encore par le régime napoléonien, elle a entrepris à partir des années 1960 une décentralisation progressive pilotée par l’Etat central. Le point d’orgue en a été les lois de décentralisation de 1982-1983 orchestrées par les socialo-communistes, ce qui devrait être à lui seul un fait de nature à penser qu’il ne s’agissait pas de donner plus d’autonomie aux collectivités locales. L’objectif, accusé sous la présidence de Jacques Chirac, a été de faire de la « péréquation » (traduction : lutter contre les horribles inégalités entre les collectivités locales, bref faire du socialisme) et d’empêcher toute concurrence entre les communes, les départements et les régions. Les satrapes locaux ont pu prospérer, sur fond parfois de corruption et de despotisme, toujours de l’interventionnisme croissant. Les différences entre les partis ou mouvements politiques, de moins en moins liés officiellement aux partis politiques nationaux afin d’en éviter le discrédit, ont eu tendance à se faire cosmétiques.
Notre pays n’a jamais compris le caractère fondamental de la subsidiarité. Un terme qui n’est utilisé par quasiment aucun homme politique à l’exception du maire de Cannes et nouveau président de l’Association des maires de France, David Lisnard. Pourtant, la subsidiarité constitue l’une des notions fondamentales de nature à juguler l’interventionnisme étatique au sens le plus large : au niveau de l’Union européenne et de l’Etat central français, mais aussi au niveau des collectivités infra-étatiques.
[1] Voir notre ouvrage Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron, Odile Jacob, 2020.
4 commentaires
« la doxa de nos hommes politiques qui, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, vont à la pêche aux voix et aux clientèles électorales moyennant un carnet de chèque bien garni. » Cela s’appelle du détournement de fonds publics, donc de la corruption, et signe leur appartenance à la mafia. Cela ferait sourire si leurs basses manÅ“uvres, systématisées, n’étaient en train de couler la France.
La France est un pays socialo communiste mais c’est ce que veulent les Français.
Je crains fort que GUILHON et DANIEL 1945 aient tout à fait raison. J’ajoute … France noyée dans l’UERSS pour ne pas dire empêtrée.
Et à toutes ces aides, il faut ajouter celle de la ville de Paris, pour les parisiens, celle de l’Etat pour tous les français, qui y ont droit…et tout cela se cumule plus ou moins et en subit aucun contrôle. Sérieusement, pourquoi s’emmerder à bosser puisque tout cumuler, la rentabilité est exceptionnel, restons étudiant….A quand, à l’image d’une sécurité sociale universelle, un organisme unique chargé de verser les aides auxquels à droit chaque individu en s’assurant que le cumul de toutes ces aides ne lui permettent de vivre plus tranquille que le « couillon  » qui va bosser, paie son plein d’essence, et son crédit pour une voiture aux normes « parisiennes  » (c’est à dire qui aura encore le droit de rouler dans paris dans 2 ans), et surtout en plafonnant la somme de toutes ces aides