Cette année et demie de pandémie a ravivé le débat sur les limites de la liberté individuelle, surtout lorsque la santé est en jeu. Alors que dans plusieurs pays, les gouvernements semblent raisonnablement prudents à cet égard, l’Italie a adopté des politiques (le fameux « laissez-passer vert ») qui n’ont pas d’égal parmi les démocraties occidentales. Les citoyens italiens ne peuvent pas prendre le train, assister à un cours universitaire ou se rendre au travail sans fournir la preuve, éventuellement via une application spécifique sur leur smartphone, qu’ils sont vaccinés (ou ont été testés négatifs dans les dernières 72 heures). Malgré la perplexité affichée par certains commentateurs, le soutien général à ce laissez-passer est plutôt élevé. Environ deux Italiens sur trois pensent que loin de les priver de leur liberté, il la renforce au contraire. Un taux qui peut paraître surprenant, mais qui s’explique par le fait que beaucoup d’Italiens considèrent ces mesures comme temporaires. Certaines données, cependant, mettent en évidence un scénario différent et moins optimiste.
Un sondage réalisé en collaboration avec l’Observatoire socio-politique Hokuto à la fin du mois de juillet (donc avant l’adoption du laissez-passer vert) montre qu’une minorité seulement de la population italienne était favorable à l’idée de prolonger de façon permanente certaines mesures restrictives adoptées pour lutter contre la COVID-19, indépendamment du risque lié à la pandémie. Il s’agit toutefois d’une minorité significative : 31% voulaient mettre en quarantaine les personnes entrant dans le pays en provenance de l’extérieur de l’Europe ; 28% soutenaient des mesures qui permettraient uniquement aux personnes vaccinées de voyager à l’étranger, même dans un monde post-COVID ; 26% approuvaient l’obligation de porter un masque à l’intérieur des bâtiments (comme c’est actuellement le cas) ; 22% accueillaient favorablement l’exigence d’un futur laissez-passer vert pour les événements publics ; et 18% étaient favorables au suivi des personnes qui vont au restaurant. Pour donner un point de repère, ces pourcentages sont inférieurs à ceux qu’ont rapportés une enquête similaire publiée dans The Economist pour la Grande-Bretagne. Ils sont toutefois loin d’être négligeables.
Quels sont les facteurs le plus fortement corrélés à la volonté de certains Italiens de rendre permanentes les limites à la liberté individuelle héritées des mois de Covid ? Pour répondre à cette question, nous avons produit une statistique que nous appelons l' »indice de PROTECTION ». Il varie entre 0 (ceux qui sont contre le maintien des restrictions signalées dans la figure 1) et 8 (ceux qui sont pour). La moyenne générale est de 1,7, c’est-à-dire qu’en moyenne les Italiens sont favorables au maintien de près de 2 mesures restrictives sur 8. Les données révèlent la présence d’un noyau dur « protectionniste » en matière de mesures restrictives, qui souhaiterait les conserver toutes ou presque, minoritaire, c’est vrai, mais qui concerne quand même environ 1 Italien sur 5.
En outre, quatre facteurs sociodémographiques semblent jouer un rôle important dans ce contexte : en général, l’indice de PROTECTION prend une valeur plus élevée chez les hommes, hautement instruits, qui vivent dans les grandes villes et sont âgés de 45 à 54 ans. Cela ne correspond guère au récit actuel sur l’électeur « populiste » typique, bouc émissaire fréquent des maladies des démocraties libérales.
Ces données attirent l’attention sur un système en vigueur dans un tout autre régime, celui de crédit social (SCS) récemment introduit en Chine, qui évalue les individus, les entreprises, les organisations sociales et les agences gouvernementales en fonction de leur « fiabilité ». Le SCS n’est pas (encore) unifié puisqu’il comprend un éventail d’initiatives gérées par des gouvernements locaux et des sociétés commerciales. Il intègre plutôt diverses sources de données qui justifient des privilèges (par exemple, des réductions d’impôts et un accès plus facile aux services gouvernementaux) et des sanctions (par exemple, un accès limité aux trains à grande vitesse et aux services financiers). Les autorités utilisent la technique de la carotte et du bâton pour orienter le comportement des citoyens, ce que les Chinois semblent apprécier : selon l’une des rares analyses à ce sujet, près de la moitié des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête nationale (49 %) ont indiqué qu’elles approuvaient fortement le SCS.
L’enquête montre notamment que les citoyens chinois ne perçoivent pas le SCS comme un instrument de surveillance de la part de l’État, mais comme un outil permettant d’améliorer la qualité de vie, de combler les lacunes institutionnelles et réglementaires et d’imposer un comportement plus honnête et respectueux de la loi dans la société. Le résultat est une plus grande confiance sociale. La seule raison solide qui semble éroder le soutien du public au SCS est « l’opacité », mais globalement, cela ne choque pas les citoyens chinois de recevoir un score officiel du gouvernement. Ils ne s’inquiètent que s’ils pensent que ces scores sont biaisés.
Il est intéressant de noter que les personnes interrogées qui approuvent le SCS sont généralement plutôt âgées, ont des revenus plutôt élevés, sont de sexe masculin, ont un bon niveau d’éducation et vivent dans des zones urbaines. Ce profil est exactement le même que celui qui caractérise les partisans d’une plus grande protection Covid en Italie. Et l’on peut le rapprocher avec une certaine inquiétude de celui des grands défenseurs historiques de la liberté dans les sociétés occidentales. Une race en voie de disparition ? Ou nous prévient-il du danger que recèle la poursuite des mesures de protection Covid qui n’étaient qu’à titre très temporaire.
3 commentaires
Le covid, fossoyeur de nos libertés ?
Les Bourgeois c’est comme les cochons plus ça devient vieux plus ça devient bête écrivait Jacques Brel ce qui à l’époque choquais celui qui se croyait bourgeois, mais avec la covid,à en croire les sondages, cette chanson devrait être réécoutée et est universelle. D’ailleurs nos compères de 68 ne sont-ils pas devenus les pourfendeurs des opposants au passe sanitaire? Il suffit par exemple d’écouter Cohn-Bendit et Luc Ferry qui insultent ceux qui contestent cet ausweis sanitaire qui nous trace et expulse de la société ceux qui refusent le vaccin qui bientôt va n’en porter que le nom puisqu’il va falloir un rappel tous les six mois, ce qui va s’apparenter à un traitement contre l’encombrement de l’hôpital en faillite totale. Alors réécoutons Brel avec ses bourgeois, Guillot qu’ils soient européens ou chinois ils se reconnaîtront pour envoyer le poète aux enfers
Le covid, fossoyeur de nos libertés ?
Pourquoi une majorité d’Italiens (et de Français) approuvent le pass sanitaire ?
Deux raisons.
L’une de circonstance : parce que ces deux populations sont soumises à un battage médiatique anxiogène permanent depuis presque deux ans. La peur de mourir domine les sentiments de la grande majorité des humains dès lors qu’ils pensent exister un risque pour eux.
L’autre fondamentale : la liberté n’a jamais été le valeur suprême pour les hommes. Seules des minorités éclairées et agissantes ont pu imposer, depuis peu dans quelques pays occidentaux, des institutions protégeant plus ou moins la liberté individuelle. Vu le succès de contrôle social à la chinoise, cette exception semble bien menacée.
Le covid, fossoyeur de nos libertés ?
En période de pandémie il n’y a pas de liberté qui vaille , il n’y a que la mise à mort du virus qui compte et si pour ça il faut réduire certaines libertés et bien soit , dans l’intérêt de la nation il faut faire ce qu’il faut et quand nous disposons de tous ce qu’il faut pour minimiser l’impact du virus (covid) il est bien normal de les imposer et que ceux qui refusent tout et n’importe quoi du moment qu’ils puissent raller, pleurnicher et bien qu’ils en subissent les conséquences !!! En France le problème c’est qu’on a trop de libertés et des qu’on en bloque une ou qu’on la supprime oh là c’est la fin du monde !!!