Comme chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac (31 mai), Santé Publique France, bras armé du gouvernement en matière de santé, a publié les chiffres du tabagisme pour l’année 2020. Ils ne sont pas bons ! En cause, selon les autorités publiques, la pandémie de Covid-19. Et si c’était plutôt la politique actuelle faite d’interdictions, de taxation et de culpabilisation qui échouait ?
Davantage de fumeurs en 2020
En 2020, la France comptait davantage de fumeurs qu’en 2019. Les chiffres publiés par Santé Publique France ne laissent place à aucun doute. Les fumeurs quotidiens représentaient, en effet, 25,5 % de la population âgée de 18 à 75 ans en 2020, contre 24 % en 2019, dépassant légèrement le chiffre de 2018 (25,4 %). Si l’on y ajoute les fumeurs occasionnels, la prévalence du tabagisme atteint 31,8 %, contre 30,4 % en 2019.
Pour Santé Publique France, ces hausses ne sont pas significatives. Pourtant, elles sont de 5,8 % s’agissant de la prévalence du tabagisme quotidien, et de 4,6 % pour le tabagisme régulier et occasionnel. Des hausses qui concernent presque tous les segments de la population : hommes, femmes, non diplômés, bacheliers, faibles revenus, revenus intermédiaires, chômeurs, travailleurs, tous fument davantage en 2020 qu’en 2019. La prévalence du tabagisme a baissé, en revanche, chez les titulaires d’un diplôme d’études supérieures, les personnes qui ont les revenus les plus élevés, les étudiants et les inactifs.
Les hausses les plus fortes concernent les personnes n’ayant pas de diplôme supérieur au bac (prévalence en hausse de 20 %), les personnes sans diplôme (+ 11,9 %) et les personnes ayant les plus faibles revenus (+ 11,7 %).
Autre chiffre pour le moins significatif sur lequel Santé Publique France garde un silence qui dit son embarras, celui des personnes n’ayant jamais fumé. Entre 2019 et 2020, la part de la population française âgée de 18 à 75 ans n’ayant jamais fumé a baissé de 5,8 %, passant de 37,7 % à 35,5 %. Cela signifie que les personnes qui n’ont jamais fumé sont moins nombreuses en 2020 qu’en 2019. Il est probable que cette baisse soit due à l’arrivée des nouveaux jeunes majeurs (ceux qui avaient 17 ans en 2019 et donc n’étaient pas pris en considération) qui fumeraient donc énormément pour pouvoir faire varier les chiffres si nettement.
Malheureusement, les chiffres fournis par Santé Publique France ne font pas état de l’âge des fumeurs, ce qui ne permet pas de vérifier cette hypothèse. L’organisme public note cependant que cette « baisse de la proportion de personnes de 18-75 ans déclarant n’avoir jamais fumé n’est pas cohérente avec les derniers indicateurs disponibles auprès des jeunes. Parmi les lycéens en 2018, 53 % déclaraient avoir expérimenté le tabac, en baisse par rapport à 2015 (60,9%) ». Il faudra donc attendre les prochaines éditions des enquêtes chez les jeunes pour en savoir plus. Notons au passage que Santé Publique France n’exclue pas que « des initiations plus tardives (après la majorité) » au tabagisme soient également possibles.
Autre chiffre inquiétant, celui de la baisse des tentatives d’arrêt du tabac. En 2020, 29,9 % des fumeurs avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours de l’année. En 2019, ils étaient 33,4 %, soit une baisse de 13 %.
La faute au Covid
Comment expliquer ces mauvais chiffres ?
Santé Publique France n’en démord pas : la politique menée jusqu’à présent est la bonne. L’organisme gouvernemental écrit en effet : « En 2020, on peut considérer qu’une partie des mesures phares du PNLT [Plan national de lutte contre le tabac] ont été mises en place, avec un paquet de cigarettes qui a atteint 10 €, et le remboursement à 65 % par l’Assurance maladie de traitements nicotiniques de substitution (TNS) sur ordonnance, […] mesures qui ont montré leur efficacité pour réduire le tabagisme ».
Il faut quand même un sacré aplomb pour affirmer de telles choses.
Alors que les fumeurs ayant fait une tentative d’arrêt sont en baisse de 13 % en 2020 par rapport à 2019, Santé Publique France affirme que le remboursement à 65 % des traitements nicotiniques de substitution est efficace !
Alors que la prévalence tabagique a augmenté de près de 12 % chez les personnes ayant les plus faibles revenus, et qu’elle a légèrement baissé (- 1 %) chez les plus hauts revenus, les moins sensibles au prix, Santé Publique France affirme que le paquet de cigarettes à 10 € est efficace !
Pour Santé Publique France, ces hausses ne seraient qu’un accident de parcours dû à la pandémie. En effet, le confinement « a provoqué un bouleversement des modes de vie, avec des répercussions psychologiques, économiques, sanitaires et sociales et un impact sur la santé mentale et les comportements de santé ».
Certes, il est plausible que la crise économique, sociale et sanitaire ait été source de stress et d’ennui, incitant notamment les plus défavorisés à fumer davantage encore. Des ex-fumeurs ou des non-fumeurs ayant perdu leur emploi ou inquiets de ce que l’avenir leur réserve ont peut-être replongé ou se sont laissé séduire par le tabac. Tout cela est fort possible.
L’ennui est que les hausses constatées en 2020 dans certaines catégories de la population ne datent pas de la crise pandémique. En 2019 déjà , la prévalence tabagique progressait de 8,4 % par rapport à 2018 chez les non diplômés, de 7 % chez les chômeurs, et de 29,7 % chez les étudiants et inactifs.
Expliquer les mauvais chiffres de 2020 par le seul Covid-19 est quand même un peu court. Si l’organisme Santé Publique France faisait correctement son travail, il pousserait davantage les investigations pour tenter de comprendre pourquoi la France reste un des pays où la prévalence du tabagisme est la plus forte en Europe alors qu’elle aussi un de ceux qui réglementent et taxent le plus.
Suggérons-lui de s’intéresser à l’étude de l’IREF « Repenser la fiscalité des nouveaux produits du tabac et de la nicotine pour lutter contre le tabagisme ».