A quoi joue Boris Johnson ? C’est la question que posait l’Iref il y a quelques mois, soulignant les ambiguïtés du Premier ministre britannique en matière de politique économique dans le contexte du Brexit. Alors que le gouvernement conservateur a présenté son premier budget post-covid, les ambiguïtés persistent.
I – Des mesures fortes de court terme pour relancer l’économie
L’économie britannique est très gravement impactée par la crise. Le PIB a chuté de 10,4% en 2020, c’est la plus grosse récession des 30 dernières années. L’État s’est endetté à hauteur de 16,9% du PIB sur l’année 2020-2021. Seul l’endettement au cours des deux guerres mondiales fut plus élevé dans l’histoire du pays. Ce niveau record devrait se maintenir en 2021-2022.
La crise va fragiliser l’économie pendant encore un long moment : la production devrait se maintenir à -3% des prédictions d’avant covid pendant au moins 5 ans.
La croissance devrait, elle, ralentir de 1,7% par an pendant quelques années.
Des initiatives vigoureuses de relance étaient donc attendues par les Britanniques. Le plan dévoilé par le ministre du budget Rishi Sunak pour les deux prochaines années est à la hauteur des espérances. Parmi les plus fortes mesures on peut noter une déduction de taxe de 130% pour les investissements de trésorerie des entreprises qui, au total, vont bénéficier d’une baisse des taxes à hauteur de 25 milliards de livres. De plus, un certain nombre de taxes propres à des secteurs d’activité particulièrement touchés par la crise vont être gelées ou diminuées. C’est le cas pour l’hôtellerie, le tourisme, et pour des produits comme la bière et l’essence.
En parallèle, Boris Johnson a annoncé la création de huit ports francs, qui permettront une baisse de la fiscalité et une simplification des réglementations douanières.
Le tout s’inscrit dans le projet « Global Britain » des conservateurs, qui veulent faire du Royaume-Uni une place centrale de la mondialisation.
II – Des mesures menacées par une hausse des taxes sur le long terme
Les annonces évoquées ci-dessus sont complétées par d’autres à plus long terme, notamment une hausse de l’impôt sur le revenu qui va rentrer en vigueur l’année prochaine et devrait représenter 18 milliards de livres. Une autre hausse d’impôt, très contestée, vise les grandes entreprises : elles seront taxés à 25% (contre 19% actuellement) à partir de 2023, ce qui devrait rapporter à l’État 17 milliards de livres supplémentaires. Ce sera la première fois depuis 40 ans que la taxe sur les entreprises augmentera au Royaume-Uni, portant leur taux d’imposition au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE alors qu’il était bien en-dessous auparavant. Il y a là une contradiction avec les objectifs du projet « Global Britain » qui entendait réserver une place de choix aux investissements internationaux. C’est aussi une stratégie à l’opposé de celle qu’avait mise en œuvre David Cameron après la crise de 2008, quand il avait baissé ces taxes de 28 à 19%.
En définitive, le produit de l’impôt par rapport au PIB devrait atteindre 35% en 2026, soit son plus haut niveau depuis 1969.
Ces hausses d’impôts ont des motivations compréhensibles. Le gouvernement ne veut pas laisser filer le déficit public et tente de retrouver un équilibre budgétaire le plus rapidement possible. Boris Johnson et Rishi Sunak font preuve de responsabilité. Selon les prévisions du gouvernement, cet équilibre devrait être quasi atteint en 2026 – nous aimerions, en France, avoir une telle visibilité sur le sujet ! Cependant des hausses d’impôts survenant deux ans seulement après la crise risquent de casser la dynamique de relance, et plus généralement de mettre en danger l’attractivité économique du pays. D’autant que certaines dépenses auraient pu être évitées. C’est le cas du chômage partiel qui va être poursuivi jusqu’en septembre, pour un coût de 6.9 milliards de livres, alors que tout va rouvrir au mois de juin. De plus, l’Etat va intervenir de manière significative dans le nord du pays avec la création d’un fonds d’investissement de 4 milliards de livres qui aura pour but de financer des projets. Il est permis de soupçonner là une intention plus politique – donner des gages aux électeurs du nord qui ont exceptionnellement voté pour les conservateurs en 2019 – qu’économique.
Le Royaume Uni ne risque-t-il pas de dépasser le seuil au-delà duquel trop d’impôt tue l’impôt ?
Sources :
https://www.ft.com/content/a6e1d89e-6ccc-4362-84dd-3b735a782942
https://www.ft.com/content/694a1c40-e12d-4625-8203-28e72a9717f6
https://www.wsj.com/articles/britain-pays-for-covidand-pays-and-pays-11614813780