Alstom, l’un des leaders mondiaux dans le transport ferroviaire, vient d’annoncer la fermeture, d’ici à 2018, d’un de ses site de production, situé à Belfort. Depuis, on assiste à une nouvelle polémique politico-médiatique dans le contexte de la campagne présidentielle, jusqu’à prôner la nationalisation d’Alstom au Front de gauche. Pourtant, la simple logique économique nous prouve que ce choix est nécessaire et permettra de rapatrier la main d’oeuvre sur d’autres sites plus rentables.
Si, Alstom, fleuron de l’industrie française est en bonne santé économique, la fermeture du site de Belfort n’est ni un plan social, ni un nouveau symbole de la désindustrialisation, mais tout simplement un arrêt de la production et un redéploiement des emplois vers le site de Reichschoffen dans le Bas-Rhin.
Cette fermeture est donc une décision cohérente et prévisible de la direction du groupe, puisque le site fait face depuis longtemps à la baisse des commandes de locomotives, que l’usine souffre d’un problème de charge, et que les commandes ne sont pas suffisantes pour assurer le maintien de la production de l’usine.
Un groupe en bonne santé, mais un site de Belfort en perte croissante de marchés
Comme on l’observe sur le tableau ci-après, le bénéfice d’Alstom a été multiplié par 4 entre 2015 et 2016, tandis que le carnet de commandes est passé de 28,4 Md€ à 30,4 €, soit 2 Md€ de plus de commandes. Le flux de trésorerie de l’entreprise a également augmenté d’environ 2 Md€, ce qui laisse une marge de manœuvre importante à l’entreprise pour d’éventuelles futures opérations d’investissement. Le groupe est donc dans une excellente santé financière, malgré un ralentissement du nombre de commandes depuis le début de l’année 2016, même si l’activité commerciale récente devrait se traduire par des commandes importantes au second trimestre.
Le groupe souhaite donc se séparer des branches production et études du site de Belfort, non pas pour licencier du personnel afin d’accroître le résultat net, ou pour redynamiser son cours de Bourse, mais parce que le site de Belfort perd régulièrement des parts de marché en raison de la forte baisse des commandes des entreprises françaises du fret ferroviaire ou du transport de voyageurs comme la SNCF, la RATP ou Veolia. Ainsi, sur les 480 employés sur le site, Alstom veut proposer un reclassement à 400 salariés, notamment sur le site de Reichschoffen en Alsace, tandis que les 80 restants resteraient opérationnels sur le site pour les tâches de maintenance. On a vu pire, comme plan social !
La politique ne peut rien faire contre les aléas du marché
Alstom France, qui emploie 9000 personnes sur le territoire, est implanté sur une douzaine de sites en France (La Rochelle, Creusot, Reichshoffen, Belfort, Ornans, etc.) et fait face à une concurrence mondiale de plus en plus rude, notamment face à l’émergence du groupe chinois CRRC (issu de la fusion entre CSR et CNR) dont le chiffre d’affaires (près de 20 Md€) est supérieur à celui d’Alstom, de Siemens et de Bombardier réunis, mais aussi face à d’autres concurrents européens comme CAF, Pesa ou Stadler. On comprend que l’État, dont la participation au sein du capital du groupe Alstom est de 20 %, tient à ne pas répéter le fiasco qu’a constitué l’affaire de l’usine Arcelor-Mittal de Florange, devenu depuis le symbole de l’impuissance politique en matière industrielle. Mais la fermeture prévue du site semble une décision stratégique nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise dans un contexte de compétition internationale, puisque le maintien de la production de trains sur le site de Belfort est devenu impossible à cause de l’effondrement des commandes, d’un problème chronique de charges et du manque de visibilité pour l’avenir. L’ensemble des salariés, qui sont depuis longtemps confrontés au chômage partiel, se retrouveraient rapidement au chômage technique, sans qu’aucune solution alternative n’ait pu être trouvée par la direction.
L’éventualité d’une nationalisation de l’entreprise proposée par une partie de la gauche est idiote, car cela ne ferait pas augmenter le nombre de commandes, et car les commandes prises par les entreprises étrangères auprès d’Alstom doivent être réalisées sur les sites étrangers : les commandes internationales ne pourraient donc pas être rapatriées sur le site de Belfort et fournir du travail aux salariés implantés sur le site. Du reste, le cash-flow opérationnel de l’entreprise est largement positif, ce qui signale à la fois la rentabilité du groupe et les réserves de trésorerie pour faire face à de futurs investissements. La prise de contrôle par l’État ne pourrait que retarder l’inévitable, sans l’empêcher.
La seule solution efficace sur le moyen terme semble donc d’adapter l’outil industriel à la charge des usines, afin d’améliorer la compétitivité, la rentabilité et l’efficacité du groupe, ce qui revient à terme à fermer le site de Belfort et à rapatrier la main d’œuvre sur des sites qui doivent répondre à un carnet de commandes abondant.