La loi El Khomri apportera, si elle est adoptée, un véritable changement dans la gestion des relations au sein de l’entreprise. Elle inversera les normes dans le processus d’adoption de nombreuses règles relative aux modalités de travail. Malgré ses imperfections et les abandons dont elle a déjà été rétrécie, il apparaît néanmoins souhaitable d’encourager à son adoption et d’aller encore plus loin.
Selon les termes mêmes du projet de loi, « L’article 2 vise à réécrire la totalité des dispositions du code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés. Plus lisible, cette réécriture donne plus de marge de manœuvre à la négociation d’entreprise, pour adapter les règles au plus proche du terrain et permettre une meilleure conciliation des performances économique et sociale. La primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun. C’est notamment le cas en matière de fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, où la priorité est donnée à l’accord d’entreprise, et non plus à l’accord de branche…»
L’idée est donc de remettre les négociations au plus près des entreprises, et non plus au niveau des branches professionnelles comme c’est le cas aujourd’hui. «Il vaut mieux le faire au niveau de l’entreprise parce qu’on sait exactement quels sont les enjeux industriels et les enjeux d’activité», expliquait François Hollande mi-mai. Une vison réaliste et pragmatique en quelques sorte, qui éloigne les relations de la pression et du conformisme des syndicats salariés ou patronaux. Cette loi instaure donc une inversion des normes, même si, pour soi disant éviter des abus, la branche professionnelle pourra une fois par an passer au crible ces accords et jouer un rôle de « sentinelle » en cas d’abus.
La crainte des directions centrales des syndicats est bien entendu de peser moins dans le débat, voire de s’en faire évincer. D’autant plus qu’en cas de blocage pour adopter un accord d’entreprise, les syndicats représentant au moins 30% des salariés pourront demander l’organisation d’un référendum alors qu’aujourd’hui, pour qu’un accord soit valide, il doit recueillir soit la signature de syndicats ayant obtenu au moins 50% des voix aux élections professionnelles, soit la signature de syndicats représentant 30% des salariés mais à condition que les syndicats majoritaires ne s’y opposent pas. Un syndicat ayant obtenu plus de 50% des voix peut donc bloquer un texte, même si la majorité des salariés y est favorable. Demain, si la loi est adoptée, le vote des salariés, à la majorité des suffrages exprimés, primera sur la décision des syndicats. C’est d’ailleurs la stratégie qu’avait choisie la direction de l’usine Smart d’Hambach, en Moselle, pour revenir sur les 35 heures malgré l’opposition de la CGT et de la CFDT. Le vote qui y avait été organisé, qui n’a aujourd’hui aucune valeur, s’imposerait alors à tous. Pour l’instant, ces référendums ne pourraient porter que sur certains dossiers (durée du travail, des repos et des congés). Mais les syndicats craignent que la méthode fasse tache d’huile.
Le pire est que certaines organisations patronale sont également contre cette évolution car elles craignent de perdre le pouvoir transféré aux entreprises et à leurs salariés. Comme FO, l’Union professionnelle artisanale (UPA) par exemple milite pour conserver la priorité aux accords de branche.
Pourtant, la loi El Khomri est en réalité une loi intéressante et favorable à la décrispation, au déblocage sur le long terme des relations salariales. En délocalisant les négociations, elle empêche d’en faire des enjeux nationaux. C’est sans doute bien pourquoi la CGT y est hostile. A l’inverse, la CFDT est réaliste et favorable à une telle évolution parce qu’elle espère pouvoir donner ainsi plus de pouvoir aux représentants syndicaux dans l’entreprise. «Soit on considère que le dialogue social dans notre pays est mature et on fait confiance aux acteurs de terrain pour prendre les bonnes dispositions, soit on n’y croit pas et on ne le fait pas. Nous, on y croit (et pensons) donc qu’il faut laisser l’article 2 comme il est», a expliqué à Reuters Véronique Descacq, numéro 2 de la CFDT.
Curieusement, la CGT et les autres syndicats hostiles au changement de méthode (FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL) appellent à déployer, dès cette semaine du 30 mai « la votation citoyenne dans les entreprises, les administrations et les lieux d’étude » pour le retrait de la « loi travail ». Ils attendent du vote des salariés qu’ils votent contre le fait de pouvoir voter ! S’ils y arrivent, c’est que l’embrigadement est bien assuré.
Malgré les imperfections de cette loi et les abandons dont elle a déjà été rétrécie, il apparaît souhaitable désormais d’encourager à son adoption et d’aller plus loin pour que d’une manière générale, l’inversion des normes qu’elle esquisse soit généralisée. En dehors de quelques règles d’ordre public fixées par la loi, ainsi d’ailleurs que le pratique la loi El Khomri, les parties pourraient toujours et partout déroger à la loi et faire leur affaire de la gestion de leurs relations. La créativité de tous serait libérée et avec elle la dynamique à la base de toute croissance et de tout progrès. Certes cette loi contient aussi des mesures exagérément protectrice des syndicats et limitatives de la liberté des parties dans la négociation. Mais elle est une étape permettant de faire évoluer les mentalités. Il serait sans doute dommage de ne pas la conduire jusqu’au bout.
5 commentaires
CGT
La CGT a tout simplement un siecle de retard et son comportement irresponsable fait penser au communisme du temps de Georges Marchais qui refusait de voir ce qui se passait réellement en URSS
La droite parlementaire…
…aurait été bien inspirée de laisser passer cette loi à l'Assemblée (il lui aurait suffi de s'abstenir, ce qui aurait signifié qu'elle approuvait les quelques points positifs qu'elle contient, tout en restant très en retrait de ce qu'il faudrait faire… pas de 49-3, et il serait apparu comme une évidence que ceux qui refusent un assouplissement du droit du travail sont complètement marginaux dans le représentation nationale, marquant ainsi un premier jalon pour une nouvelle loi bien plus ambitieuse après l'alternance de 2017). Le Sénat serait d'ailleurs bien inspiré de l'adopter, soit dans sa forme actuelle (ce qui aurait l'avantage d'éviter un retour à l'Assemblée et de couper l'herbe sous le pied des ultraconservateurs de tout poil ("frondeurs", CGT, FN,…), soit dans sa forme initiale.
un bon côté
Un bon côté, c'est qu'on a enfin compris qu'Elcomri
n'est qu'un pantin.
L'Elkomri commence d'ailleurs à en avoir marre qu'on continue de croire qu'elle est l'auteur de la loi sur le travail. Pourtant, elle est payée pour faire semblant.
Avec Lanaja, elle devrait fonder un syndicat des pantins marocains.
Déniaisement
Les policiers ont maintenant compris que les casseurs sont des employés de Valls.