Les innovations des dernières années sont innombrables dans des domaines très divers : voitures électriques, énergie hydrogène, impression 3D, ordinateurs quantiques, réalité virtuelle, économie collaborative et überisation, big data, progrès médicaux, robotique, intelligence artificielle, nanotechnologies, etc. La France a-t-elle pris la mesure des changements profonds qui vont secouer la société dans les décennies à venir ? D’une manière générale, quel rôle joue l’innovation dans la croissance économique ? Et quel système d’incitations devrait mettre en place la France pour encourager l’innovation ?
Ces innovations majeures que nous avons citées devraient considérablement modifier les comportements du consommateur, les méthodes de production des entreprises et redéfinir les habitudes, les règles et les pratiques de la vie en société. Les changements profonds de la société par l’innovation se font à travers le processus de la destruction créatrice, qui est au centre de la dynamique des marchés. Idée originellement développée par l’économiste autrichien Joseph Schumpeter[[Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique – Recherches sur le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la conjoncture, Paris, Dalloz, 1999]], la destruction créatrice est le mécanisme à l’œuvre dans l’économie de marché qui explique comment l’innovation détruit une partie de l’économie existante pour créer et encourager les viviers de croissance de demain. Pour que la croissance économique soit durable, l’économie doit détruire une partie des technologies, des méthodes de production et des emplois actuels pour les remplacer par des technologies plus innovantes, des méthodes de production adaptées à ces évolutions et des emplois plus qualifiés. La destruction de l’industrie des disquettes informatiques a par exemple laissé la place à l’industrie des clefs USB, qui répondaient au même besoin de stockage des données informatiques. Au fur et à mesure, les marges des entreprises du secteur de la disquette se sont réduites et les consommateurs ont arrêté d’acheter des disquettes au profit des clefs USB. La dynamique du marché est donc fondée sur ce processus évolutionnaire d’adaptation permanente de l’économie aux changements technologiques et aux innovations des ingénieurs, des scientifiques et des entrepreneurs.
Les États-Unis ont particulièrement bien compris que le système institutionnel doit être favorable à ce processus d’innovation entrepreneuriale, à cette destruction créatrice et aux changements adaptatifs et évolutifs majeurs que doit connaître l’économie pour déployer les secteurs à forte croissance. Les emplois d’hier doivent être détruits pour permettre aux emplois de demain de produire une plus forte valeur ajoutée[[Lire à ce titre l’ouvrage de Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le chômage, fatalité ou nécessité ? (Paris, Flammarion, 2009), où on apprend notamment que chaque jour, 10 000 emplois sont détruits et créés en France.]]. Les États-Unis ont mis en place un système institutionnel particulièrement incitatif qui donne une liberté phénoménale de création et d’innovation aux entrepreneurs. Par ailleurs, une emphase est mise sur les facilités de financement des entreprises, sur l’attraction des ingénieurs étrangers, sur un régime flexible en matière de droit du travail, et sur des dépenses colossales en recherche et développement (R&D). Comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous, les dépenses en R&D représentent entre 2,5 % et 2,8 % de la production nationale aux États-Unis et ont connu une croissance importante entre 2004 et 2012. De la même manière, les dépenses brutes de R&D en Allemagne sont passées de 2,45 % en 2007 à 3 % en 2013. La France reste au-dessous de la moyenne de l’OCDE, oscillant entre 2 % et 2,25 % entre 2007 et 2013.
La France accumule ainsi un retard important dans ses dépenses en R&D par rapport aux autres pays de l’OCDE, alors que la R&D joue un rôle fondamental pour l’innovation et donc la croissance économique. En augmentant les dépenses de R&D, les entreprises peuvent gagner des parts de marché en améliorant la productivité des facteurs, en augmentant leur compétitivité et en modernisant leur appareil de production. Selon la Commission européenne, la France fait partie du groupe des « suiveurs de l’innovation » selon son Tableau de bord de l’innovation 2014[[http://www.sophia-antipolis.org/images/news/2014/ius-2014_en.pdf]] : ses performances en termes d’innovation sont moindres que celles de pays comme l’Autriche, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas ou le Luxembourg, et c’est le seul pays de cette catégorie à se situer en dessous de la moyenne européenne. Les pays européens considérés par la Commission comme les « champions de l’innovation » sont la Finlande, l’Allemagne, le Danemark et la Suède.
Les dépenses d’innovation hors R&D, telles que les dépenses d’investissement en biens d’équipement, en machines et en acquisition de brevets et de licences, sont également très faibles en France et ont connu un important recul en 2014 (- 4 %). La France investit également peu dans les marques communautaires et exporte peu dans les services à forte intensité de connaissances, qui contribuent pourtant considérablement à l’innovation et à la croissance économique dans les économies modernes. Le retard est donc manifeste et la France doit rattraper son retard en mettant en place un système réglementaire et fiscal favorable et incitatif, qui pousse les entreprises à investir massivement dans la R&D, les dépenses d’innovation hors R&D et les entreprises des secteurs technologiques à forte valeur ajoutée. Il faut libérer le financement de l’économie, en promouvant l’investissement en capital-risque (structurellement plus faible en France que dans les pays anglo-saxons) par une fiscalité attractive du capital et une réglementation flexible.
Il est aussi intéressant de constater que la France a des dépenses d’investissement extrêmement faibles dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), à l’instar de l’Allemagne dont l’investissement n’a cessé de décroître dans ce domaine depuis une dizaine d’années, comme on peut l’observer sur le graphique ci-après. Depuis 2001, l’investissement français dans les TIC a décru d’environ 20 % à presque 16 % ; alors que les États-Unis ont accru leurs dépenses d’investissement de 26,5 % à 32 % entre 2008 et 2010. Cela pourrait expliquer la croissance à long terme du secteur technologique américain et le déclin progressif de la France en matière d’innovation et de croissance de ces secteurs à haute valeur ajoutée. La France était pourtant le 3ème pays mondial en 1970 pour sa part de recherche scientifique dans la production.
Comme on le constate sur le graphique ci-dessous, le secteur des TIC ne représente que 5 % de la valeur ajoutée totale en France, alors qu’il représente 6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, 7 % aux États-Unis, 7,5 % au Royaume-Uni, 8 % au Japon et 9,5 % en Corée du Sud. Seuls le Canada et l’Allemagne, parmi les pays les plus développés du monde, se situent à un niveau similaire à celui de la France. La France devrait donc chercher à mettre en place les conditions fiscales et réglementaires d’un accroissement des dépenses d’investissement dans ce domaine, notamment en abaissant la fiscalité sur les entreprises (IS) et sur les particuliers (IRPP, FCIP et FIP), et en assouplissant la réglementation issue de Bâle III et Solvabilité II qui imposent aux banques et aux assurances un ratio élevé de fonds propres élevés sur les actifs risqués.
Conclusion
La relation entre l’innovation, le progrès technologique, le processus de destruction créatrice et la croissance économique a depuis longtemps été démontrée par la communauté des économistes[[Voir notamment Philippe Aghion, Peter Howitt, « A Model of Growth Through Creative Destruction », NBER Working Paper No. 3223, Janvier 1990]]. Les modèles de croissance endogène mettent l’accent sur la nécessité de l’abandon des anciennes technologies au profit des innovations industrielles, commerciales, technologiques, de produit, de procédé et d’organisation.
Les Français doivent donc abandonner cette vision archaïque du marché où il faudrait sauvegarder les vieux emplois industriels, empêcher les plans sociaux (alors qu’ils ne représentent que 0,5 % de la destruction totale des emplois), interdire les délocalisations ou mettre un frein à la mondialisation. L’innovation ne va pas forcément contre l’emploi et n’est pas nécessairement créatrice de chômage. Au contraire, elle favorise la création de richesses nouvelles et de valeur ajoutée, et est donc la condition première de la création de nouveaux emplois mieux rémunérés car plus qualifiés.
Certes, la France dispose d’un régime de crédit « Impôt-Recherche » intéressant et favorable aux entreprises. Mais cela ne suffit pas. L’essentiel n’est pas de permettre aux entreprises de tendre la main à l’Etat pour avoir des crédits d’impôt ou des subventions. C’est plutôt de créer un environnement globalement favorable à l’innovation par la création et le développement spontané d’entreprises et de produits nouveaux.
C’est pourquoi l’IREF met l’accent sur la nécessité d’une fiscalité du capital et du revenu qui soit attractive, simple, avec des taux bas et une assiette large ; sur la suppression des obstacles réglementaires à la création de nouvelles entreprises et de start-ups ; sur la nécessité de la libéralisation de la finance, par des conditions réglementaires et fiscales favorables au capital-risque et à l’investissement dans les technologies prometteuses ; enfin sur le rôle de la concurrence qui incite les entreprises à toujours plus innover afin d’augmenter leurs parts de marché.
1 commenter
Les avantages d'une faible fiscalité !
Regardez bien le tableau ci-dessus et le pourcentage de la valeur ajoutée en Corée du Sud loin devant les autres pays !
Pourquoi ?
Simplement parce que la pression fiscale est de 27 % du P.I.B. contre 58% en France.
Le jour où les crétins de socialistes qui nous gouvernent depuis plus de 35 ans et les Français bouchés jusqu'au trognon en économie auront enfin compris, la France repartira de l'avant comme sous Pompidou (pression fiscale de 30 % du P.I.B).
Pour cela, il faudrait commencer par remplacer à l'éducation nationale tous les ministres et professeurs bolchéviques qui enseignent à vos enfants, depuis tant d'années, comment recréer demain l'ex URSS, donc l'inverse des solutions intelligentes…!