Areva, le premier groupe nucléaire mondial, vient de publier ses résultats annuels, qui annoncent des pertes nettes record de 4,8 milliards d’euros sur l’exercice 2014. Pour expliquer cette situation gravissime, le groupe évoque notamment une baisse durable de l’activité économique dans le domaine du nucléaire, un manque de compétitivité et la problématique de la gestion des risques dans les projets de grande envergure.
On peut effectivement remarquer dans le tableau ci-dessous que l’essentiel de la baisse du chiffre d’affaires provient presque exclusivement de ses activités nucléaires, dans la mesure où les activités d’Areva dans le secteur des énergies renouvelables restent toujours extrêmement limitées. On observe également un recul important de l’excédent brut d’exploitation, ce qui signifie que la société souffre d’une baisse de performance industrielle et commerciale, notamment par la faute de contrats non-renouvelés en 2014 dans les activités minières (BG Mines) et les activités de recyclage des déchets nucléaires (BG Aval), ainsi que de la baisse de l’activité.
Pourtant, l’activité d’Areva pourrait laisser augurer d’un horizon économique favorable, dans la mesure où le carnet de commandes s’est accru de 5,4 milliards d’euros par rapport à 2013 et que les prises de commandes sont passées de 7,6 milliards d’euros en 2013 à 13,4 milliards d’euros en 2014. Mais comme on peut l’observer dans le rapport de gestion 2014, les pertes se concentrent, notamment, dans les activités minières (BG Mines, – 419 millions d’euros), les activités de traitement et de recyclage des combustibles utilisés dans les réacteurs nucléaires (BG Aval, – 210 millions d’euros) et les activités de production de réacteurs de type EPR et REB (BG Réacteurs et services, – 174 millions d’euros). Finalement, le résultat courant avant impôts du groupe, qui permet d’évaluer en termes d’exploitation et de financement sa capacité à dégager des profits sur ses activités principales, est de moins 5,3 milliards d’euros, alors qu’il était de moins 103 millions d’euros en 2013 ! Cette baisse importante du résultat courant est à attribuer aux importantes charges que le groupe a subies, notamment en termes de dotation aux amortissements, dépréciations et provisions (plus de 5 milliards d’euros).
Très mauvaise gestion et incapacité de prévoir l’avenir
La société multinationale a dû inclure à son compte de résultat des dotations gigantesques, qui sont essentiellement liées à la dépréciation de divers actifs, aux pertes à terminaison dans les contrats de long terme et aux provisions pour pertes et risques : réévaluation des coûts de production et des risques pour le chantier de l’EPR d’Olkiluoto, en Finlande ; modernisation d’un réacteur européen ; allongement des délais de production pour le réacteur de Cadarache ; pertes considérables sur les contrats dans les activités renouvelables, etc.
Un provisionnement aussi important indique que le groupe nucléaire est conscient que les perspectives des activités nucléaires ne sont pas rassurantes, malgré un carnet de commandes rempli, et que le chiffre d’affaires ne devrait pas progresser dans les années à venir. Areva paie les conséquences de la montée en puissance du gaz et du pétrole de schiste ; du rallongement des délais de construction des réacteurs ; de la transition énergétique, même si Areva subit également des pertes importantes dans le secteur des énergies renouvelables ; de la baisse des cours de l’uranium, qui a atteint son plus bas niveau depuis 2005 ; et des craintes en matière de sûreté nucléaire après l’accident de Fukushima, qui a notamment entraîné la sortie progressive du nucléaire civil en Allemagne.
Les pertes considérables d’Areva, qui est détenue à environ 87 % par l’État, sont donc essentiellement dues aux conséquences désastreuses des mauvais investissements, faits par Anne Lauvergeon, ex-présidente du groupe, qui ont conduit à son limogeage ; à une gestion calamiteuse des délais de production ; à un mauvais provisionnement et à une mauvaise évaluation des dotations dans les années précédant l’exercice 2014 ; à la sous-évaluation durable de l’essor du gaz et du pétrole de schiste, de la transition énergétique et donc de l’essor des énergies renouvelables ; et également à une stratégie d’entreprise publique, qui, concentrée sur un nombre limité de clients, a mal anticipé l’essor du nucléaire dans les pays asiatiques.
Très peu de diversification de ses clients
En effet, les dix clients les plus importants de l’entreprise représentaient, au 31 décembre 2014, 60 % de son chiffre d’affaires, dont 30 % rien que pour EDF, soit environ 2,5 milliards d’euros en 2014. Dans son rapport annuel, Areva rappelle que « la perte par le groupe de l’un de ses principaux clients, une baisse de leurs achats ou une dégradation des conditions contractuelles pourraient avoir un impact négatif significatif sur les activités et la situation financière du groupe. »
Certes, Areva jouit d’une bonne visibilité jusqu’à 2020, avec des contractualisations pluriannuelles régulières. Mais précisément, cette visibilité n’incite pas le groupe à démarcher de nouveaux clients et peut s’avérer dangereuse pour Areva. Ce type de contrats en effet est une véritable épée de Damoclès pour la rentabilité du groupe. En fait, Areva s’engage avec ses clients sur des prestations déterminées pour un prix forfaitaire. Pourtant, les variations provenant « notamment de l’augmentation inattendue de certains coûts, de la survenance de problèmes techniques, de la défaillance de sous-traitants ou encore d’une organisation non optimale du groupe », ne peuvent être recouvrées. La mauvaise gestion entraine des pertes colossales sur les contrats préalablement signés. Et cela représente un cercle vicieux qui s’entretient lui-même, puisque à son tour, « l’exécution de contrats de ce type est (…) susceptible d’entraîner une diminution de la rentabilité escomptée par le groupe, voire une exploitation déficitaire. »
L’Etat ne doit plus prendre en charge Areva
Si le carnet de commandes est bien rempli, c’est grâce aux besoins de modernisation des équipements existants et non au lancement de nouveaux projets… Par ailleurs, les restrictions budgétaires au niveau européen limitent l’investissement public dans ce secteur. Face à cette double contrainte exogène, le groupe doit anticiper au mieux la conjoncture économique, afin de mieux appréhender les risques liés à son activité. Et ils sont nombreux, au point que l’on se demande dans quelle mesure le modèle économique d’Areva est pérenne…
De surcroît, le sort d’Areva se trouve également entre les mains des États et de leurs décisions en matière énergétique. Par exemple, la sortie du nucléaire de l’Allemagne ne fait rien pour arranger les affaires d’Areva, tandis que le drame de Fukushima a refroidi les gouvernements dans le lancement de nouveaux projets concernant cette énergie. De l’autre côté de l’Atlantique, la révolution des gaz et de l’huile de schiste a changé la donne du marché de l’énergie. Pour toutes ces raisons, l’avenir radieux promis par les anciens dirigeants s’est quelque peu assombri.
Mais la vraie question n’est jamais posée : AREVA doit-il encore être détenu majoritairement par l’Etat français ? Est-ce le meilleur moyen de permettre à AREVA de disposer d’une bonne gestion ? Nous ne le croyons pas.
5 commentaires
Un oubli ?
Sauf erreur de ma part vous ne parlez pas de la possibilité que le nouveau Pdt ait chargé la barque 2014 pour 1_ justifier la casse à venir en personnel et 2_ améliorer "ses" résultats 2015 par avance. Et personne ne pourra rien dire de cette "triche", habituelle dans les métiers de travaux, sur les encours où l'on peut bien faire dire ce que l'on veut aux résultats _dans une certaine mesure_
Toujours le virus !
Mettez des technocrates à la tête d'AREVA et vous avez, comme pour les gouvernements de la France le résultat depuis 35 ans. Des trous, toujours des trous et ces crétins vous demandent ensuite de nouveaux impôts pour réparer leur incompétence, boucher les trous et ainsi de suite…! Le comble, ces dirigeants incapables seront promus, félicités; au besoin l'état leur confiera un nouveau poste encore mieux rémunéré avec retraite ad hoc au bout du chemin.
Seul, le secteur privé est en mesure d'assurer une gestion correcte car lui subira une sanction, en cas d'échec, JAMAIS L'ÉTAT ??
Si les Français veulent finir ruinés, qu'ils continuent à les soutenir par leur vote et nous crèverons tous socialobolchéviques.
Le jour où le Français réfléchira…???!! il comprendra que c'est à nous de dicter à l'état ce qu'il doit faire avec notre argent (fonctions régaliennes uniquement) et non l'inverse, au lieu de continuer à se laisser plumer béatement..!
Bilan Anne Lauvergeon
On lui a confié un iamant elle en a fait un presque tas de cendres.
cherchez l'erreur.
Qui a géré le programme finlandais?
Quelle est sa fonction aujourdhui?
Cherchez l'erreur.
Bon courage !
AREVA: les vrais causes de la débâcle
Le problème de cette société, qui fut également celui du Crédit Lyonnais en son temps, est l'impéritie des pouvoirs publics. L'état pourtant présent au conseil d'administration n'a rien vu ni rien fait !
C'est normal entre haut fonctionnaires issus des mêmes écoles on se coopte, on se renvoi la balle, on dilapide l'argent public.
Qui paiera ?
Certainement pas ceux qui sont à l'origine de cette situation mais, comme d'habitude, le contribuable.
L'Etat ne peut se désintéresser d'une entreprise qui détient un savoir faire qui doit être protégé. Il faut simplement revoir la législation sur la responsabilité civile et pénale des dirigeants.
Où sont les responsables de cette catastrophe ? Toujours en poste chez AREVA où dans une autre entreprise publique. Dans une entreprise privée, le dirigeant est au mieux viré, au pire poursuivit.
Public et privé
Dans le public on gère un budget et dans le privé des bénéfices..
Dans l'administration et les grands groupes la logique qui prévaut est celle du "pouvoir" ,
dans le privé celle du "résultat".
Anne Lauvergeon est elle vraiment seule responsable et coupable ??