« Prenez l’argent et sauvez l’Europe ! » C’est ce que les membres de l’Union Européenne ont dit aux Irlandais, qui ne voulaient absolument pas de cette aide. Car ils savaient ce qu’on va désormais exiger d’eux : augmenter un taux d’imposition aujourd’hui le plus faible d’Europe, mais qui a fait la prospérité du pays depuis 10 ans. Avec un taux d’impôt sur les sociétés de seulement 12.5 %, l’Etat irlandais encaisse 3.9 % du PIB contre 3 % en France et 2.1 en Allemagne qui imposent les sociétés presque trois fois plus que les Irlandais. Le chantage européen est expliqué par Nicolas Lecaussin, directeur du développement de l’IREF.
Sous la pression de l’Union européenne, le gouvernement irlandais a dû accepter une aide financière. Cette situation incroyable de voir un ministre des Finances, Brian Lenihan, se faire prier d’accepter plusieurs dizaines de milliards d’euros a inspiré le Wall Street Journal qui a titré un de ses articles : « Prenez l’argent et sauvez l’Europe ! ». En effet, les insistances européennes ne sont pas innocentes. En injectant de l’argent dans le système bancaire irlandais, on évite une contagion d’une grande ampleur qui aurait pu faire chavirer l’euro. Plus encore, l’Union profite de cette aide pour faire pression sur Dublin afin de revoir à la hausse la fiscalité sur les entreprises. Ce sont surtout la chancelière allemande et le président français qui mènent la campagne. C’est là que le bât blesse ! Le gouvernement irlandais ne veut pas en entendre parler. Et il sait pourquoi.
Avec un taux d’impôt trois fois moins élevé, l’Etat irlandais encaisse beaucoup plus
Le taux de l’impôt sur les sociétés en Irlande est de 12.5 %. Depuis qu’il a été mis en place dans les années 1990, ce pays n’a cessé d’attirer les entreprises. De plus, les rentrées fiscales à travers cet impôt ont augmenté et sont plus élevées qu’en France ou en Allemagne où les taux d’imposition des entreprises sont largement plus élevés qu’en Irlande. La France a l’un de taux les plus élevés en Europe (34.4 %), seule Malte fait mieux avec 35 % et l’Allemagne a un taux à 29.8 %. Avec une imposition des sociétés trois fois plus importante qu’en Irlande, les rentrées fiscales pour l’Etat français ne représentent que 3 % du PIB contre 3.9 % dans le pays celte. En Allemagne, c’est 2.1 % du PIB. L’Irlande fait même mieux que la moyenne européenne (EU 15) qui se situe à 3.4 % du PIB. Les dirigeants allemands et français, ainsi que les hauts fonctionnaires européens ont-ils eu connaissance de ces chiffres ?
Irlande | France | Allemagne | Union européenne (15) | |
Taux d’impôt sur les sociétés | 12.5 % | 34.4 % | 29.8 % | 23.2 % |
Rentrées fiscales (en % du PIB) | 3.9 % | 3 % | 2.1 % | 3.4 % |
OCDE (2007 – 2010) |
L’Irlande a connu une croissance moyenne du PIB de 6,8 % par an entre 1986 et 2000 contre 2,4 % pour celui de l’ensemble de l’Union européenne. Les raisons ? En 1987, le PIB par habitant de l’Irlande ne représentait que 63 % de celui du Royaume-Uni, aujourd’hui il est de 25 500 $ et dépasse de 3 200 $ celui des Anglais (et aussi le PIB français). On préfère attribuer les succès économiques de l’Irlande aux aides européennes. En réalité, la croissance économique irlandaise a été plus forte au fur et à mesure que les aides ont baissé. Attribuées dès 1973, année de l’entrée de l’Irlande dans la Communauté européenne, les aides en provenance de Bruxelles ont représenté 4 % du PIB entre 1973 et 1986 et 3 % entre 1990 et 2000 lorsque le pays a connu la plus forte croissance de son histoire : plus de 8 % en moyenne, un taux asiatique. Durant ces dix années, la contribution de l’Irlande au budget européen est passée de 359 millions d’euros en 1990 à 1,5 Mds d’euros en 2000. Si les aides européennes sont à l’origine du boom économique celtique, pourquoi d’autres Etats ayant reçu encore plus d’aides n’ont-ils pas connu le même essor ? La Grèce et le Portugal reçoivent en moyenne des aides qui s’élèvent à 3,8 – 4 % de leur PIB. Sans pour autant connaître les mêmes succès…
Fiscalité : laissez l’Irlande tranquille !
Non, les raisons qui ont fait que l’Irlande a pu vaincre un chômage à 17 %, un déficit public à 14 % du PIB et une dette publique à 129 % du PIB (en 1987) tiennent aux mesures structurelles prises par les autorités. Après sa victoire électorale de 1987, le nouveau gouvernement dirigé par le centriste (Fianna Fail) Charles Haughey lance le « Program for National Recovery » et, sous l’impulsion du ministre des Finances, Ray McSharry, décide de faire des coupes considérables dans les dépenses publiques qui passent de 52 % du PIB en 1987 à 40 % en 1989 (elles sont à 35 % en 2004). Douze points de moins en deux ans ! Pour cela, on a baissé les impôts et le nombre de fonctionnaires tout en libéralisant le plus possible l’économie. Un symbole de cette libéralisation (qui a continué sous le gouvernement de gauche de Mary Robinson élue en 1990) est que les aides publiques au développement économique gérées par l’institution étatique IDA (Industrial Development Agency) ont diminué régulièrement durant cette période. En même temps, les prélèvements obligatoires sont passés de 45 % à 29 % du PIB (contre 45,4 % en France) et le chômage de 17 % à 4 % (contre bientôt 10 % en France). Avant la crise de 2008, le PIB/habitant de l’Irlande était deuxième au niveau européen après le Luxembourg (la France était douzième sur quinze). Le succès du miracle irlandais n’est plus à démontrer. Il ne reste qu’à laisser ce pays tranquille à défaut de suivre son exemple.
Déficits publics : ils rembourseront
Mais demeure le déficit public, qui a atteint l’an dernier le pourcentage astronomique de 32 % du PIB (soit dix fois plus que la norme d’Amsterdam qui prescrit 3 %). Il a eu pour origine le sauvetage des banques irlandaises, notamment l’Anglo Irish Bank. Comme les banques américaines, elles se sont lancées dans des prêts immobiliers déraisonnables. Le gouvernement a donc pris sur le budget de quoi boucher les trous. Mais les irlandais ne sont ni les Grecs ni même les Portugais. Ils ont déjà diminué leur dépense publique et ils comptent bien sur le dynamisme de leur économie pour compenser à moyen terme la dette des finances publiques. Ils ne croient pas qu’une hausse des impôts soit la solution, bien au contraire. Leur fierté nationale est atteinte : ils sont sûrs de pouvoir rembourser, et ils n’acceptent que très difficilement l’ingérence des Européens, d’autant plus que leur adhésion dans l’Union a été pour le moins hésitante !
9 commentaires
Remarque
Exelente article, dont certains éléments vont beaucoup m’aider au cours de certains débats avec mes amis socialiste 🙂
Par contre je regrette que l’argumentation en faveur d’un taux d’IS bas se limite toujours à la question de la compétitivité fiscal.
En effet si tout les pays s’alignaient sur ce taux alors on pourrait pensser que cette politique n’aurait plus aucun effet positif sur la croissance, ce qui est évidament faux.
En réalité il permet également d’encourager la croissance d’origine endogéne.
Il libére en effet plus de capacités d’investissement, permétant aux entreprises de réinvestire une plus grande part de leurs bénéfices.
Et comme l’a montré Mises, l’impot sur les sociétés représente une protection pour les grosses entreprises contre les nouveaux concurents feusant une utilisation plus éficace de leurs ressources.
Ainsi la baisse de cette impot permet de stimuler les création d’emplois et la productivité, relevant les recettes tirés des autres sources fiscale (cotisation, impot sur le revenu, TVA…).
taux d’Is faible
Je trouve très opportune votre remarque très perspicace. En effet, au delà de la concurrence entre les enfers et les paradis fiscaux, un faible taux d’imposition entraine plusieurs conséquences:
La concurrence n’est pas faussée par le protectionnisme de fait qui s’exerce au profit des grandes entreprises. (elles ont facilement les moyens techniques et politiques de « s’acheter » des exemptions de taxes)
Les déclarations de travail et de revenus sont plus sincères car la fraude est moins rémunératrice.
Enfin la charge administrative de contrôle peut s’alléger car le gain serait faible.
Enfin pour une raison morale déjà évoquée par Juvenal sous l’empire Romain: « qui va contrôler le contrôleur? »
isf
la part de la va consacrée aux investissements n’a cessé de baisser en France au profit de la rémunération des actionnaires. C’est bien là le problème !les entreprises investissent de moins en moins.
On le voit d’ailleurs quand certaines entreprises bien que bénéficiaires ferment leur portes poussées par la rapacité des actionnaires qui espèrent encore plus de dividendes.Donc baisser l’isf n’induira pas forcément une politique d’investissement.
Endétement
Aussi il serait interessant d’annalysé les causes de la crise Irelandaise.
Il me cemble que cette crise est largement dut à l’intégration de ce pays dans la zone euro, et non à la libéralisation de son économie.
En fait l’Irelande a plus tot soufére d’un manque de libéralisme en matiére monaitére.
Il était suissidaire d’avoir ce pays dont le taux de croissance atteignait 7% + 5% d’inflation dans une zone monaitére avec des taux d’intéret BCE à 5% au plus haut.
S’en est suivie une bulle comme l’aurait prévu n’importe quel économiste libéral qu’il soit autrichien ou monaitariste.
IRLANDE
Si des reproches sont à faire sur le comportement financier de ce pays, on ne peut que le féliciter d’avoir utilisé une rentabilité accrue ces dernières années pour assainir sa gestion, le pays étant rongé par une admnistration pléthorique avec les dépenses énormes qui en découlaient.
Si notre pays arrive à « s’enrichir » un jour…? saurons-nous prendre des mesures de gestion intelligente ?
Sinon, cherchez les freins !
Eole22
Réponse
C’est l’inverse, depuis 10 ans les dépensses publiques ont explosés en irelande, les politiques profitant de la prospérité et de l’argent facil.
irlande
D’exemple de réussite européenne, ce pays est relégué à la place de bonnet d’âne. Et si la cause sérieuse était liée à la structure européenne?
L’euro est l’europe favorisent la bureaucratie et l’absence de responsabilité des décideurs; nous payons, et paierons de plus en plus les incompétences de ceux ci.
La seule solution, pour les irlandais, les espagnols, les portugais, les français, les grecs et autres PIGS, est de sortir vite de cette galère et de ne plus verser un kopec à ce pizzo moderne.
La mafia écologiste et européenne, telle est l’ennemie !
FEDSER.CENTERBLOG.NET
quelques précisions
Avant 2008 le PIB/habitant était en effet le deuxième au niveau européen avec plus de 20% de la population vivant sous le seuil de pauvreté!
Le taux effectif d’imposition des entreprises n’est pas révélateur de la fiscalité, le taux nominal qui prend en compte les différentes exonérations fiscales place la France en 3ème position derrière l’Irelande et l’angleterre et devant l’allemagne.
Quant à penser que la fiscalité d’un pays est le critère principal pour attirer les entreprises, l’enquete réalisée par Ernst and young auprès des chefs d’enteprises démontrent que ce critère arrive loin derrière d’autres (infrastructure, productivité, démographie, qualité de vie…)
quelques questions
A quoi servent de tels niveaux de croissance quand 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté y compris avant la crise de 2008?
Pourquoi les banques ont elles prété inconsidéremment (notamment des prêts hypothécaires) si ce n’est à cause de l’inflation surtout dans le domaine du logement devenu inabordable pour une bonne partie de la population? Pourquoi laissez vous croire que le taux de chomage est toujours de 4% en le comparant au taux actuel en France alors qu’il atteint en Irlande 15% en 2010? Cette explosion du taux de chomage n’est-elle pas due aux délocalisations des multinationales qui après s’être goinfrées en Irlande préfèrent maintenant s’expatrier en Europe de l’est ou en asie (exemple de DELL en pologne)? Qui recapitalise ou nationalise aujourd’hui les banques sinon l’état privé de recettes fiscales et donc grace au prêt européen? Mais n’essayez pas de faire croire que seule la fierté Irlandaise permettra de rembourser. Le taux d’imposition des sociétés restera le même. En revanche les impots des ménages vont augmenter fortement et les salaires fortement baissés. Une fois de plus, les salariés paieront pour la cupidité des banques et des sociétés pratiquant le dumping social.