On sait que la démocratie, la véritable démocratie, est un tout et que moins elle est complète, moins elle est parfaite. C’est ainsi qu’une démocratie qui ne serait que politique, sans être sociale, ni économique, ne serait pas tout à fait une véritable démocratie. Et sur ce plan, l’exemple de la France des retraites est particulièrement édifiant.
Retraites
Ce lundi 16 septembre et pour la première fois depuis longtemps, des professions libérales se sont réunies dans la capitale pour un défilé de protestation contre ce que leur promet la prochaine réforme des retraites, telle qu’esquissée dans les préconisations Delevoye. Pour leur propre régime, les professionnels libéraux ne sont pas employeurs, ils ne sont pas davantage salariés: ils sont indépendants, mais ils le sont farouchement et ils revendiquent à cor et à cri l’autonomie de leurs régimes de retraite, à laquelle ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, en refusant de se fondre dans un moule commun qui à leurs yeux n’est pas fait pour eux. Ils ne veulent pas du taux unique de cotisation de 28,12% promis par la réforme, considérant que ce costume que se partagent employeurs comme salariés n’est pas taillé pour eux qui ne sont ni l’un, ni l’autre. A l’inverse des régimes publics, ils ont toujours su préserver l’équilibre financier de leurs caisses, qui n’a été vraiment perturbé que lorsque que l’État a accolé de force et de manière insensée à la CIPAV (Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse des professions libérales) le régime des micro-entrepreneurs, dont pour la plupart les conditions et la précarité d’exercice ne correspondent en rien au mode régulier de fonctionnement des professions libérales.
La grève de la RATP voulait nous convaincre, une nouvelle fois, que les syndicats et les agents défendaient des « acquis sociaux » et protestaient contre une « réforme » de leur système de retraite. En réalité, la fameuse « réforme » a très peu de chances d’avoir lieu, comme nous l’avons montré, et les « acquis » sont d’énormes privilèges rappelés très récemment par la Cour des comptes dans son rapport du mois de juillet.
La suppression des régimes spéciaux ou l’échéance insaisissable : 2025, 2040 ou jamais ?
Avec l’instauration du système par points, la substitution annoncée d’un régime universel aux multiples régimes spéciaux en vigueur dans le secteur public est sans doute l’un des axes majeurs de la prochaine réforme des retraites, telle qu’on peut l’anticiper à partir des préconisations Delevoye rendues publiques le 18 juillet dernier. Pourtant alors que la polémique ne cesse d’enfler sur la question des carrières et des âges, curieusement chez les médias ou dans les rangs du pouvoir, personne ou presque ne pipe mot de l’obstacle majeur qui contrarie actuellement la suppression tant attendue des régimes spéciaux.
L’histoire des retraites tient pratiquement en cinq chapitres qui, tous, signalent une étape capitale dans leur évolution.
Sans vouloir discuter tous les articles du projet de réforme Delevoye, il paraît nécessaire d’en souligner d’ores et déjà les aspects les plus injustes.
I – L’information
Depuis quelques semaines, plusieurs indices laissaient à penser que le Gouvernement semblerait subitement moins empressé sur le calendrier de la prochaine réforme des retraites. Il y eut d’abord comme un signe prémonitoire avec un flottement remarqué sur la date de remise du très attendu rapport Delevoye: anticipé un temps sur juin, avant d’être discrètement rétabli sur la première quinzaine de juillet, puis finalement (ou provisoirement ?) de se retrouver décalé jusqu’au 18 juillet, le temps sans doute de laisser tranquillement passer les festivités du 14 juillet . De même, ces derniers temps, la communication du Premier Ministre évitait prudemment toute date précise sur les échéances à venir. Finalement cette valse-hésitation à trouvé son épilogue avec l’annonce dans l’édition du 26 juin des Échos (reprise depuis par plusieurs chaînes d’information dont Lci et France-Info et par la presse notamment avec le JDD, l’Obs et Mieux Vivre Votre Argent) de l’éventualité du « glissement » de fin 2019 au printemps de l’année 2020 de la réforme sans doute la plus importante et la plus sensible du quinquennat, tout simplement parce qu’elle inquiète tous les Français qui aspirent légitimement à être un jour ou l’autre retraités et que le pouvoir hésite.
Dans certains pays, les privilèges des retraites du public n’existent plus ; dans d’autres, elles sont en train de disparaître. Le Brésil en fait partie. Arrivé au pouvoir en octobre dernier, Jaïr Bolsonaro, que la presse bien-pensante considère ni plus ni moins comme un dictateur, a lancé une série de réformes économiques et fiscales de grande envergure grâce surtout aux conseils de Paulo GUEDES, un économiste reconnu, ancien de Chicago, fondateur de l’Instituto MILLENIUM, think tank libéral d’inspiration « autrichienne ».
Retraites : pour le passage à la capitalisation
Laurent Pahpy est l’invité (7 juillet) de l’émission Le Brunch de l’Info sur LCI pour débattre de la réforme des retraites. Voir l’émission.
Voici donc plus de vingt mois qu’il a commencé sa mission en vue de remettre cet été ses propositions au Président de la République pour la toute prochaine réforme de nos retraites. Voici plus de vingt mois qu’il consulte les uns et les autres, de préférence séparément. Voici plus de vingt mois que, sans rien révéler ou presque de ses projets, il a pourtant laissé opportunément fuiter tel ou tel bruit, telle ou telle rumeur, rapidement démentis ou abandonnés. Voici plus de vingt mois enfin que les quelque 29 millions d’actifs, dont le sort est présentement entre ses mains, ne savent absolument rien ce que deviendront leurs cotisations et leurs pensions d’ici cinq ans. Voire plus, puisqu’après avoir essuyé une bronca sur son intention originelle de supprimer les pensions de réversion, au point de devoir d’urgence sagement les rétablir, le Haut-Commissaire a finalement annoncé que l’affaire était si compliquée qu’il était urgent d’attendre et qu’il fallait disjoindre la réversion du reste de la réforme pour la traiter à part à partir de 2025.