Au temps où la France était encore un grand pays, le Général de Gaulle avait clairement mis en garde le monde financier en l’assurant que “la politique de la France ne se fait pas à la corbeille” de la Bourse. Aujourd’hui où du fait de plusieurs décennies de politiques erratiques, notre pays a perdu beaucoup de sa superbe, on a l’impression que ce Gouvernement ne retient plus du pouvoir que la paille de la communication, en laissant filer le grain de l’autorité qui est l’essence même de sa responsabilité politique. Désormais en effet et on le voit bien pour la réforme des retraites, ce qui compte, ce n’est plus la volonté du Président de la République, pas plus d’ailleurs que celle du Parlement, pas davantage bien entendu l’intérêt général, non ce qui compte, ce qui pèse, ce qui détermine, c’est le pouvoir de nuisance dont disposent certains acteurs essentiellement publics (SNCF, RATP, Énergie, une partie de la fonction publique etc) et accessoirement, mais avec une force moindre, quelques rares entreprises privées (notamment transporteurs mais pas seulement).
Retraites
Pascal Perri a raison. C’est bien la dernière chance pour nos retraites. A condition que la réforme soit la bonne, sinon les conséquences seront encore plus dramatiques. A première vue, la réforme de Macron paraît juste. Elle semble « un progrès démocratique sans précédent ». Finis les dizaines de régimes différents, finis les privilèges et autres avantages dans le public. Tout le monde serait logé à la même enseigne et seuls ceux qui auraient accompli une carrière complète auraient droit à une retraite conséquente basée sur des points cumulés durant une vie de travail. Toutefois, les risques sont grands de voir cette réforme prématurément amputée d’une grande partie de ses objectifs. Lorsqu’il a écrit son livre, Pascal Perri anticipait déjà ce qui se passe aujourd’hui. Les syndicats protestent et contestent, les grèves s’accumulent et les grands « privilégiés » du public ne veulent pas (ou plutôt ne veulent pas risquer de) perdre leurs retraites payées par les contribuables.
Au moment même où l’Assemblée nationale s’apprête à cantonner à 0,3% la revalorisation pour 2020 des retraites de base, elle vient de décider en faveur de certains de ses députés une majoration tout à fait substantielle de leur indemnité d’hébergement, censée faire face au coût d’une location parisienne. En effet, on apprend tout juste que ladite indemnité mensuelle passe, d’un coup d’un seul, de € 900 à € 1 200, soit une augmentation brutale de 33,33% (1200 / 900 = 1,3333).
Pas un jour ne passe sans que les actionnaires soient conspués dans les médias. Les inégalités sociales tant honnies de nos social-démocraties modernes proviendraient d’un partage de la valeur ajoutée déséquilibré entre le travail et le capital. On se souvient des conclusions de Thomas Piketty qui, dans son ouvrage intitulé Le Capital au XXIe siècle, attribue la croissance des inégalités au fait que le rendement du capital serait supérieur à la croissance économique.
Jean-Philippe Delsol est interviewé par Le Figaro Magazine sur la réforme des retraites. Le président de l’IREF dénonce avec une très grande inquiétude la centralisation et l’étatisation complète des retraites,…
À la lecture des préconisations du rapport Delevoye, les principales innovations de la prochaine réforme tournent autour de :
– la généralisation du système par points,
– la promesse d’une suppression à terme des régimes spéciaux,
– la création d’un système universel absorbant sous l’égide d’une Caisse nationale universelle de retraite les 42 régimes distincts recensés auparavant,
– une large unification des taux de cotisation,
– et enfin la mainmise de l’État sur le pilotage et la gestion des 325 milliards annuels d’euros des retraites, ainsi qu’accessoirement sur les quelque 130 milliards et plus d’euros de provisions constituées par certains des régimes absorbés.
On sait que la démocratie, la véritable démocratie, est un tout et que moins elle est complète, moins elle est parfaite. C’est ainsi qu’une démocratie qui ne serait que politique, sans être sociale, ni économique, ne serait pas tout à fait une véritable démocratie. Et sur ce plan, l’exemple de la France des retraites est particulièrement édifiant.
Ce lundi 16 septembre et pour la première fois depuis longtemps, des professions libérales se sont réunies dans la capitale pour un défilé de protestation contre ce que leur promet la prochaine réforme des retraites, telle qu’esquissée dans les préconisations Delevoye. Pour leur propre régime, les professionnels libéraux ne sont pas employeurs, ils ne sont pas davantage salariés: ils sont indépendants, mais ils le sont farouchement et ils revendiquent à cor et à cri l’autonomie de leurs régimes de retraite, à laquelle ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, en refusant de se fondre dans un moule commun qui à leurs yeux n’est pas fait pour eux. Ils ne veulent pas du taux unique de cotisation de 28,12% promis par la réforme, considérant que ce costume que se partagent employeurs comme salariés n’est pas taillé pour eux qui ne sont ni l’un, ni l’autre. A l’inverse des régimes publics, ils ont toujours su préserver l’équilibre financier de leurs caisses, qui n’a été vraiment perturbé que lorsque que l’État a accolé de force et de manière insensée à la CIPAV (Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse des professions libérales) le régime des micro-entrepreneurs, dont pour la plupart les conditions et la précarité d’exercice ne correspondent en rien au mode régulier de fonctionnement des professions libérales.
La grève de la RATP voulait nous convaincre, une nouvelle fois, que les syndicats et les agents défendaient des « acquis sociaux » et protestaient contre une « réforme » de leur système de retraite. En réalité, la fameuse « réforme » a très peu de chances d’avoir lieu, comme nous l’avons montré, et les « acquis » sont d’énormes privilèges rappelés très récemment par la Cour des comptes dans son rapport du mois de juillet.
La suppression des régimes spéciaux ou l’échéance insaisissable : 2025, 2040 ou jamais ?
Avec l’instauration du système par points, la substitution annoncée d’un régime universel aux multiples régimes spéciaux en vigueur dans le secteur public est sans doute l’un des axes majeurs de la prochaine réforme des retraites, telle qu’on peut l’anticiper à partir des préconisations Delevoye rendues publiques le 18 juillet dernier. Pourtant alors que la polémique ne cesse d’enfler sur la question des carrières et des âges, curieusement chez les médias ou dans les rangs du pouvoir, personne ou presque ne pipe mot de l’obstacle majeur qui contrarie actuellement la suppression tant attendue des régimes spéciaux.