En 2022, le doyen de l’école de commerce de l’université de technologie de Sydney en Australie, Carl Rhodes, avait qualifié dans une tribune les écoles de commerce de bastions d’un « néolibéralisme périmé ». « Dans un monde, écrivait-il, frappé par des inégalités grandissantes, la menace du populisme et l’urgence climatique, nous avons besoin de dirigeants qui peuvent créer un changement et un progrès pérennes. » Si l’on comprend bien, les écoles de commerce n’auraient plus vocation à apprendre à innover, à entreprendre, ou à gérer efficacement, mais à s’adapter aux principaux enjeux politico-sociaux-environnementaux qui sont ou seraient ceux de notre temps.
Ses vœux sont-ils en passe d’être exaucés ? On serait tenté de répondre oui lorsqu’on voit comment de plus en plus d’écoles de commerce américaines (sans doute suivies par leurs homologues françaises) intègrent aujourd’hui très largement les questions sociétales ou environnementales à leur programme d’études. Un article du New York Times – au titre édifiant : « Have the anticapitalists reached Harvard Business School ? – nous apprenait qu’en 2022 la quasi-totalité des cours d’introduction à la Harvard Business School faisaient la part belle à l’impact social et l’ESG. Autre fait révélateur de cette tendance : à la Tuck School of Business de l’université Dartmouth, deux tiers des étudiants considéraient en 2022 que le capitalisme doit être réformé – contre environ un tiers il y a dix ans.
Il existe aussi en France des signes montrant que l’anticapitalisme et l’antilibéralisme progressent dans les écoles de commerce. Nous rappelions dernièrement comment des étudiants d’HEC ont interrompu une conférence se tenant sur le campus de l’école, pour protester contre le « greenwashing ». Certains enseignants ne sont pas en reste : ainsi, Jean-Luc Moriceau, professeur de méthodes de recherche et de contrôle de gestion à l’Institut Mines-Télécom Business School, auteur d’un article intitulé « Du libéralisme autoritaire qui passe par l’enseignement de la gestion » (sic), a récemment déclaré lors d’une interview : « Le « néolibéralisme », c’est la licence que quelques-uns s’accordent, la licence presque sans contrepouvoirs des plus puissants pour exploiter, pour réduire en dépendance les plus précaires (…) »… « L’ultralibéralisme », poursuit-il, « c’est l’absence de limites, c’est l’absence de honte, l’absence de responsabilités, l’absence d’éthique » (sic ; NDLR : le libéralisme implique au contraire une éthique très forte de la responsabilité individuelle). Il est sidérant qu’un professeur de gestion puisse formuler un tel ramassis de poncifs. Pour le bien de nos futurs dirigeants et entrepreneurs, espérons qu’une telle incompréhension de ce qu’est le capitalisme libéral, qu’un tel niveau d’antilibéralisme primaire ne gagnent pas un jour la majorité des corps enseignants de nos écoles de commerce.