L’Iref s’est fait l’écho du discours de Javier Milei sur la réforme « des institutions de la gouvernance mondiale » prononcé le 18 novembre au sommet du G20 à Rio. Le Président argentin a finalement signé la déclaration des présidents, mais, selon le communiqué officiel argentin, avec une double réserve relative à la limitation de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux et à l’intervention de l’État pour lutter contre la faim dans le monde.
Nous souhaiterions ici, non pas nous focaliser sur les relations internationales, mais scruter la philosophie des droits de l’homme de Javier Milei telle qu’elle exsude du texte. Précisons en liminaire que la déclaration est inévitablement brève et qu’elle ne pouvait prendre la forme d’une leçon de philosophie ou d’économie (encore que beaucoup de participants en eussent eu bien besoin…). Cela signifie qu’elle doit être comprise parfois de manière explicite, parfois de manière implicite.
Le Président argentin part de la première phrase de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), qui énonce que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », pour des motifs tactiques évidents. En effet, il s’agit d’une rencontre internationale et le texte, adopté à l’assemblée générale des Nations-Unies en 1948, est l’un des plus célèbres qui soient. Mais Javier Milei se contente d’une phrase, certes essentielle et conforme à la pensée libérale, sans se référer au reste du texte qui n’est autre qu’un compromis entre des conceptions divergentes sur les droits de l’homme, conception marxiste incluse (contrairement à une confusion souvent commise, la DUDH ne se confond pas avec notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et ce n’est pas parce qu’elle se proclame « universelle » qu’elle est pour autant impeccable, loin de là ).
Immédiatement après, le Président argentin oublie implicitement la Déclaration pour donner un concentré de la conception libérale des droits de l’homme. Le point essentiel est qu’il entérine entre les lignes la pensée du philosophe anglais de la fin du XVIIe siècle John Locke, selon lequel tout homme est détenteur d’une propriety, mot qu’il comprend dans une triple dimension, reprise par Javier Milei : « vie, liberté et propriété (au sens de l’appropriation, par définition privée) ».
Le Président argentin déclare ensuite que lorsque cette conception n’est pas respectée, il n’existe qu’une alternative : la soumission, autrement dit l’esclavage, ou la rébellion, là encore dans une conception congruente à celle de Locke.
Si l’on relie les différentes parties de son discours, on peut séparer, d’une part, la conjugaison des droits de l’homme cités sur la base du triptyque « vie, liberté, propriété » et, d’autre part et par contrecoup, les termes ou les idéologies qui s’y opposent :
- Javier Milei défend la liberté d’opinion ou d’expression et il lui oppose la censure ;
- Il défend la propriété privée, et il lui oppose les impôts et la réglementation qui la minent ;
- Il défend l’égalité devant la loi et il lui oppose tout à la fois les « privilèges de sexe, de race, de classe ou de toute minorité », autrement dit le féminisme, le socialisme et le communisme, comme toutes les formes de wokisme.
Ajoutons qu’il parle du « droit des pays à exploiter librement leurs ressources naturelles » et il faut comprendre par là qu’il vise en contrepoint l’écologisme politique.
Enfin, il rejette les « barrières à la production et au commerce » (Emmanuel Macron a dû apprécier en pleine crise de l’accord du Mercosur…), donc le protectionnisme, et « une plus grande intervention de l’État dans l’économie » et ce, sous couvert de « gouvernance mondiale », objet de l’allocution.
Par ce discours, Javier Milei confirme qu’il est l’un des très rares dirigeants dans le monde à défendre les principes du libéralisme. Il le fait par surcroît avec talent et conséquence.