Montrer l’évolution spirituelle de Rainer Maria Rilke est le but de ce recueil de Gérard Pfister. Cinq correspondances de Rilke présentées par ordre chronologique permettent de mieux comprendre la pensée de ce poète marqué par la Grande Guerre, révolté par « ce Dieu déchaîné qui dévore les peuples ». « Et pourtant, pourtant …dans l’individu, que d’espoir, toujours et encore, que de réalité, de bonne volonté, de richesse ! » Alors Rilke tâtonne, sans guide intellectuel, réticent à la bigoterie maternelle et à une éducation sclérosante. « Nos lois sont restées en arrière pendant que la vie courait. » Le solitaire se réveille, « Nous sommes gens de labeur… ». A nous de « bâtir Dieu » ! Mais bien vite la religion du devoir et du renoncement n’a pas sa place. Il faut plutôt « Prendre bien en mains l’Ici-Bas », ne pas exclure l’amour charnel de l’amour spirituel, ni la mort de la vie, ni la fragilité de la beauté, ni la présence de l’absence. Car Dieu est un Dieu d’ici. Quelle stupidité de vouloir nous détourner vers un au-delà !
La  cité des papes d’ Avignon comme bien des cathédrales ne reposent elles pas sur l’effigie de divinités grecques ? Les vieilles églises n ‘ont-elles pas comme décoration le laid et le beau, l’ange et le diable, au milieu desquels réside l’homme,  » le seul vrai et le seul réel » ? Car « abeilles de l’Invisible, nous butinons éperdument le miel du visible, pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’Invisible ». Texte magnifique où la foi prend la direction du cÅ“ur, de la vie, du Tout en Un et de l’Un dans le Tout.