L’unité de l’Eglise s’impose dans le domaine spirituel, mais une certaine diversité des opinions a toujours prévalu dans les aspects sociaux et politiques. L’IREF n’est évidemment pas confessionnel, mais il nous a paru important et intéressant de relayer la vision libérale de Joseph Ratzinger/ Benoît XVI qui permet aussi d’expliquer et conforter notre analyse critique à l’encontre de certaines positions économiques et parfois politiques du pape François, très éloignées de celles de son prédécesseur.
Cet ouvrage réunit quelques remarquables textes du pape Benoît XVI pour expliquer le lien entre foi et politique, mais surtout entre liberté et foi, entre le libéralisme et le catholicisme. « Dieu demeure encore pour les grands libéraux quelque chose à quoi on ne peut renoncer, écrit-il en introduction à son propos. […] Le concept de Dieu implique le concept fondamental de l’homme comme sujet de droit ; il fonde et limite en même temps par-là l’idée des droits de l’homme […] La multiplication des droits conduit finalement à la destruction du concept de droit et s’achève dans un « droit » nihiliste de l’homme de se nier lui-même : avortement, suicide, production de l’homme comme une chose deviennent des droits de l’homme qui en même temps le nient » (p. 17). Mais sans droit, il n’y plus d’Etat digne de ce nom. « Enlève le droit, a dit un jour saint Augustin, et alors qu’est-ce qui distingue l’Etat d’une grosse bande de brigands ? » (Cité de Dieu, IV,4, 1).
En référence à Augustin d’Hippone justement, Benoît XVI rappelle que le Christ est venu pour éliminer le culte politique opposé à la vérité, car « l’Absolu se situe hors du monde, non pas dans le monde » (p.63) et le remplacer « par l’unique, l’universel service de la vérité, qui est la liberté » (p.61).
Mais la liberté ne consiste pas dans la seule possibilité d’assouvir ses besoins. Elle « ne garde sa dignité que si elle reste reliée à son fondement et à sa mission éthiques » (p.89). Elle a besoin « d’un contenu communautaire » (ibidem) dit-il en ce sens qu’elle doit être considérée comme la garantie des droits humains et à ce titre complétée par les deux concepts du droit et du bien. C’est pourquoi on ne peut pas « vouloir la liberté pour soi seul » (p.90) mais pour sa communauté, voire pour l’humanité. Il ne saurait non plus y avoir de liberté sans obéissance à la vérité. Certes, qui connaît la vérité ? Mais notre devoir est de la chercher et de la reconnaître. En ce sens la liberté est ordonnée à la vérité. C’est dire que Socrate fut un homme véritable en acceptant de sacrifier sa vie à la vérité, ce qui bien entendu est aussi la marque de tous les martyrs.
Il reste que la grande difficulté est sans doute de savoir jusqu’où va la liberté et si elle doit être limitée. Sur ce sujet, Benoît XVI est d’une grande clarté. En s’appuyant sur le travail du cardinal Newman, il souligne le rôle de la conscience personnelle de chacun, non pas comme l’expression d’une liberté subjective, mais comme « la couche ontologique… un souvenir originel du bien et du vrai » (p.109), une sorte d’aptitude au divin qui existerait chez tout être humain créé à la ressemblance de Dieu et qui fait que l’homme est spontanément en harmonie avec certaines choses et en contradiction avec d’autres. Il y aurait ainsi une anamnèse des origines qui aurait imprimé le bon en nous. Et l’Eglise a vocation à développer cette mémoire chrétienne et la défendre. Elle en marque l’histoire et à ce titre le christianisme peut et doit rester, sans confusion entre temporel et spirituel, une « source de connaissance précédant et éclairant l’action politique [].Cette source de vérité pour la politique n’est pas le christianisme en tant que religion révélée, mais en tant que levain dans la pâte , comme un style de vie éprouvé dans l’histoire : la vérité sur le bien, issue de la tradition chrétienne, est également reconnue par la raison, devenant ainsi principe rationnel ; elle ne viole en rien la raison ni la politique par un quelconque dogmatisme » (p.127). Mais l’Eglise n’a pas à nous dicter un choix politique et pas plus des modèles économiques et sociaux sinon pour recommander les principes qu’ils doivent suivre selon elle. Et à cet égard le message de Benoît XVI est clair.
Pourquoi l’Etat s’interroge Benoît XVI. Et sa réponse est celle d’un libéral : « Le devoir de l’Etat, c’est de maintenir l’ordre dans la communauté humaine, de créer un équilibre tel entre les biens et la liberté que chacun puisse mener une vie digne de son humanité […]L’Etat garantit le droit comme condition de la liberté et du bien-être commun […]Cependant, il n’est pas du rôle de l’Etat de réaliser le bonheur de l’humanité ; il n’est pas non plus chargé de créer des hommes nouveaux. Il n’est pas davantage de son rôle de transformer le monde en paradis, et il en est du reste incapable. S’il s’y essaie malgré tout, il se pose comme absolu et dépasse ses limites » (p.122). En effet ce message aurait besoin d’être mieux entendu aujourd’hui.
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"La Liberté c'est l'esclavage" …
Dans notre monde d'asservis Benoît XVI, obstacle lumineux, a été rapidement mis à l'écart.