Mikhail Khodorkovski est un dissident russe, condamné à dix ans de Goulag en 2003 par le pouvoir poutinien suite à ses opinions pro-démocratie et anti-corruption. Au début des années 2000, il était l’homme le plus riche de Russie à la tête du géant pétrolier Ioukos. Après sa libération en 2013, il s’est réfugié en Suisse puis au Royaume-Uni où il est classé par la revue The Economist comme « le principal critique en exil du Kremlin ». Dans cet ouvrage, il nous livre son témoignage sur la Russie de Poutine, le système politique et économique en place, la corruption endémique au profit du chef du Kremlin, et propose des solutions pour en finir tout en prônant une réconciliation entre la Russie et l’Occident.
Dans les premières pages de ce livre, Mikhail Khodorkovski nous explique comment il a profité de la perestroïka mise en place par Mikhail Gorbatchev, ouvrant une légère dose de liberté économique aux russes, pour débuter sa carrière entrepreneuriale. Il raconte ses souvenirs de cette époque, notamment de l’interview libre de Margaret Thatcher à la télévision russe, regardé par 100 millions de téléspectateurs soviétiques, de l’admiration qu’elle avait suscitée. Il a été tour à tour conseiller du premier ministre communiste Ivan Silaïev (favorable aux réformes « libérales »), sur les barricades lors du coup d’État d’Août 1991, avant d’être conseiller du gouvernement d’Eltsine puis de démissionner. Il se consacre ensuite exclusivement aux affaires et profite des privatisations industrielles pour se lancer dans le pétrole, ce qui fera sa richesse. Il explique également comment la crise économique de 1998 a été un élément de la défiance russe vis-à-vis de l’Occident et aide ainsi à comprendre le contexte de l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.
Il décrit comment ce dernier a nommé et placé auprès de lui des proches du FSB – les services secrets russes – faisant monter en puissance cette agence. Selon Khodorkovski, le FSB sous Poutine est devenu plus puissant que le KGB en URSS. Fondateur d’Open Russia, Khodorkovski souhaitait prôner avec cette association un capitalisme de libre entreprise et une démocratie de libre marché. Dénonçant à visage découvert les agissements du régime de Poutine, sa corruption et son caractère mafieux, et souhaitant que son entreprise se rapproche de partenaires américains, il fut arrêté en octobre 2003 lors d’un voyage d’affaires, et condamné à une peine décidée par Poutine lui-même après un procès qui « n’était qu’une farce à grand spectacle menée pour des raisons politiques ». Il a ensuite été envoyé dans une colonie pénale (camp de travail) en Sibérie. Alors qu’il restait encore quelques libéraux dans le cercle proche du Kremlin, ces derniers ont tous soit démissionnés, soit démis de leur fonction. Son arrestation a été la marque d’un tournant définitivement autoritaire et anti-occidental du régime.
Khodorkovski raconte sa vie dans ce camp de travail et révèle le système mis en place par l’administration pénitentiaire pour rendre la vie dure à certains prisonniers. Libéré en décembre 2013 suite à la pression internationale, quelques mois avant les JO d’hiver de Sotchi, il est parti vivre à Londres en sachant qu’il ne reverra pas son « pays natal de sitôt ». Il explique comment Poutine fabrique et colporte de fausses informations et remodèle l’histoire pour lui complaire, notamment en faisant de la réhabilitation du régime soviétique et de Staline une politique officielle du Kremlin. Ce révisionnisme historique a eu les effets escomptés sur les russes et la jeunesse : en 2017, un sondage classant « les plus grands russes de l’histoire » hissa Vladimir Poutine en deuxième position, derrière Staline.
Examinant l’impérialisme poutinien, la guerre d’agression en Ukraine et le traitement des opposants, Mikhail Khodorkovski termine son livre par un souhait, celui de voir un avenir plus radieux en Russie, que le régime mafieux tombe, que l’isolement envers l’Occident cesse, que des réformes d’envergure voient le jour afin qu’émerge en Russie, enfin, une véritable démocratie libérale. La tâche sera rude. Mais Khodorkovski, ses alliés, et de nombreux opposants à Poutine s’y emploient.
