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Augusto Pinochet

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Certains dictateurs sont entourés de plus de mystères et d’interrogations que d’autres. Leur biographie demande aux historiens plus de travail de recherche et de documentation. Augusto Pinochet fait partie de ces tyrans-là. Il cumule au moins deux paradoxes : il a mené au Chili une politique économique libérale et il a cédé le pouvoir sans aucune effusion de sang, tout en facilitant le passage à la démocratie.

Pour comprendre cela il faut lire le remarquable livre que lui consacre le journaliste Michel Faure. Pour nous, les libéraux, c’est très important. Pinochet est un nom qu’on nous cite régulièrement car on l’associe aux économistes de l’école de Chicago. Or, c’est vrai, le général a fait appel à eux. Pourquoi ? C’est Michel Faure qui donne les réponses.

Pinochet est surtout un véritable opposant au communisme, qu’il découvre de près en 1948 : le PC chilien est alors hors la loi et lui, chef d’un camp de prisonniers communistes établi dans un village perdu, Pisagua, au nord du Chili. Il comprend rapidement le danger qu’ils peuvent représenter pour le pays et prend conscience de leur expansionnisme dans le monde.

Son anticommunisme va le conduire vers le libéralisme à partir de 1955 quand une mission d’économistes américains de Chicago vient au Chili conseiller le président de l’époque, Carlos Ibanez, qui a, avec la meilleure volonté du monde, plongé son pays dans la chimère de la préférence nationale et de l’autarcie. Cette mission nommée « Klein Saks » du nom de l’entreprise de Chicago, propose des solutions libérales.

En cette même année 1955, un accord est signé entre la faculté d’économie de l’université de Chicago et celle de l’université catholique de Santiago. Des bourses d’échanges permettent d’envoyer de jeunes chiliens à Chicago, tandis que des professeurs de cette ville se rendent à Santiago, et ainsi se diffusent, notamment avec l’aide du quotidien El Mercurio, les idées libérales de l’école de Chicago au Chili.

Plus tard, Pinochet comprendra aussi les risques d’une économie centralisée telle que la propose l’Unité populaire, la coalition de gauche – dont des communistes – soutenant le nouveau président élu en 1970, Salvador Allende. Une fois au pouvoir, il ouvre la porte aux Chicago boys pour qu’ils remettent l’économie chilienne en marche. Pinochet reçoit Milton Friedman en 1975 et instaure une thérapie de choc : libération des prix, libre-échange, réduction massive des dépenses publiques et du déficit, concentration des aides publiques vers les plus pauvres, lutte contre l’inflation, cet « impôt caché » comme le nomme Friedman …

La croissance économique se poursuit, même après la crise de 1982. A partir de 1980, José Pinera met en place une grande réforme des retraites qui accorde à tout salarié le droit de quitter le régime public et de verser une cotisation de 10 % de son salaire sur un compte individuel d’épargne retraite dans le cadre d’un régime par capitalisation.

En réalité, les Chicago boys avaient pour objectif de restaurer une démocratie prospère et moderne. Pinochet, lui, voulait restaurer une démocratie autoritaire et protégée. Il cantonnait plutôt le libéralisme à la seule sphère économique et considérait qu’avec le programme des Chicago boys, il allait améliorer l’image de la junte dans de l’opinion internationale.

La dictature de Pinochet a évité au peuple les pénuries et la pauvreté que connaît – aujourd’hui encore – la dictature communiste de Cuba. Elle a même mis le pays sur la voie du développement économique. Ce qui bien entendu ne justifie nullement la structure criminelle du régime. La biographie de Michel Faure décrit parfaitement ce personnage complexe et contradictoire, elle offre aussi des arguments solides pour contrer ceux qui citent le dictateur dans leurs discours anti-libéraux. A lire sans hésitation.

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