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Un plan de libération plutôt qu’un plan Marshall pour l’après coronavirus

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Dans le cadre du plan Marshall, les Américains accordèrent des prêts de16,5 milliards de dollars (soit moins de 200 milliards d’aujourd’hui) aux Etats européens pour les aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées. En échange, les Etats bénéficiaires devaient importer pour un montant équivalent d’équipements et de produits américains. Les deux parties s’entraidaient ainsi intelligemment. Mais le Covid 19 n’a pas été une guerre.

Nous avons subi une épidémie importante sans être catastrophique. La seconde guerre mondiale représentait un autre bouleversement, considérable et dévastateur. Il y avait une Europe presque toute entière à reconstruire. Partout dans le monde, l’épidémie a laissé intacts les usines et les bureaux. Certes nous avons vécu un traumatisme, amplifié par les gouvernements et les médias, mais il n’est ressenti comme important qu’à la mesure de l’affaiblissement des mentalités biberonnées à l’Etat prévoyance depuis des décennies. En 1918, le monde a relativisé la grippe espagnole, sans doute plus meurtrière que le coronavirus, parce qu’il sortait de la Grande Guerre.

Nos pays riches ont l’impression d’avoir subi un tsunami parce qu’on leur a fait croire qu’ils vivaient désormais dans un monde définitivement protégé par la technique, le progrès et l’Etat. Ils se croyaient capables de tout prévoir, et beaucoup n’ont rien anticipé. Et voilà que l’homme demeure l’homme de toujours, mortel, dans sa faiblesse face à l’impondérable et l’inattendu. C’est peut-être une chance parce que l’homme peut se ressouvenir qu’il a aussi toujours cette capacité de se redresser s’il le veut, qu’il lui appartient de réagir, de résister aux seules conséquences funestes de la mort pour en faire une renaissance.

Nous n’avons pas besoin d’un plan Marshall parce que les sommes d’ores et déjà engagées pour financer le confinement sont infiniment plus considérables que celles de l’aide à élastique des Américains à l’époque, ce qui prouve d’ailleurs que depuis la dernière guerre nos pays se sont tant enrichis que nous avons changé d’échelle. Et même si cette aide devait être plus importante, nous n’en voudrions pas parce que nous savons que qui paye commande et que nous ne voulons pas être commandés par un quelconque impérialisme, même ami. Mais en plus et surtout, nous n’en avons pas besoin parce que l’épidémie a essentiellement atteint nos esprits, créé de l’appréhension, suscité des peurs, réduit l’envie de travailler peut-être, ce qui ne se reconstruit pas avec de l’argent. Face au drame, le seul moyen de repartir est de retrouver le goût de la vie comme la Renaissance italienne après le fléau d’un siècle de grandes pestes, comme le XIXème siècle du progrès industriel après la Révolution et les guerres napoléoniennes ravageuses, comme la France mobilisée pour payer en deux ans sa dette de guerre à la Prusse après la défaite de 1870… L’Allemagne elle-même ne s’est pas relevée après 1945 grâce à l’argent américain, même s’il a pu y concourir, mais par l’énergie et la rage des Allemands d’oublier et de rebâtir.

La France serait-elle repue désormais, trop gâtée pour en avoir encore envie ? Elle pense à la décroissance et en même temps, elle attend tout de l’Etat pour qu’il lui donne ce qu’elle a perdu de confort et de rémunération, simplement peut-être parce que l’Etat lui-même lui a donné l’habitude de tendre sa sébile. Elle ne retrouvera pourtant sa prospérité que par l’effort. Les Trente Glorieuses ont été d’abord l’expression de la volonté commune de travailler, d’innover, de développer… pour sortir de la pauvreté et du manque de logement, pour s’acheter une voiture, partir en vacances… La France s’est retroussé les manches, elle a travaillé sans souci des 35 heures.

L’Allemagne d’Adenauer et Erhard elle-même n’a pas retrouvé sa santé mentale et économique en se vautrant dans l’argent américain. Elle a mis en œuvre une politique ordo-libérale concoctée avant guerre et repensée pendant la guerre par ses économistes exilés pour fuir le nazisme. Elle a gagné la partie en libérant la société.

Au-delà des réponses monétaires qu’il fallait peut-être faire dans l’urgence, l’Europe mourra du coronavirus si elle se repaît dans des crédits sans limites de la BCE, parce qu’elle perdra définitivement le goût de se sauver par elle-même. Il y a toujours un jour où il faut payer ses dettes, et ce jour là sera une catastrophe si l’Europe continue de s’endetter aux frais d’un avenir sans espoir. Pour l’éviter, la BCE doit réduire progressivement sa création monétaire artificielle par le rachat d’obligations d’Etat et d’obligations privées dégradées. Il serait possible d’imaginer qu’avant de cesser complètement ces rachats, elle les consente aux Etats surendettés et dépensiers à proportion seulement de leurs efforts pour réduire leurs dépenses et leurs dettes publiques. L’important est que les Etats comme les individus retrouvent le sens de leur responsabilité.

Notre plus grande ressource n’est pas le trésor de la BCE, ce sont les hommes avec leurs immenses et inestimables capacités de réaction et d’inventivité, avec leurs propres et prodigieuses richesses intellectuelles, affectives, spirituelles… C’est pourquoi, pour gagner cette bataille contre l’adversité, il faut rendre à tous les libertés fondamentales d’entreprendre, d’innover, d’embaucher et débaucher, de prendre et donner à bail, de vendre et d’acheter, d’importer et d’exporter. Il faut empêcher que le travail, l’effort, la créativité, l’investissement, l’épargne soient entravés et démobilisés par des charges fiscales sociales ou réglementaires excessives. C’est ce plan de libération qui peut seul permettre rapidement à la France de terrasser les effets économiques et sociaux du virus et du confinement, et de transformer cette adversité en victoire.

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