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Taxe exceptionnelle de 10 % sur les plus riches : les nouvelles élucubrations de Thomas Piketty

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L’économiste d’extrême gauche Thomas Piketty était l’invité de Darius Rochebin sur LCI le 23 octobre dans le contexte de la discussion du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale et à l’occasion de la sortie de ses deux derniers ouvrages, dont l’un au titre sans ambiguïté Le Socialisme écologique.

Nous avons récemment consacré un article à Thomas Piketty (14 octobre) et notamment à sa proposition de taxation exceptionnelle des plus riches. L’entretien donné sur LCI a essentiellement porté sur cette proposition. Comme Thomas Piketty a pu largement s’exprimer, nous considérerons qu’il est superfétatoire de se référer à ses travaux ou autres publications. Or, force est de constater que ses propos ont été gravement incohérents, pour ne pas dire incompréhensibles. Par égard pour nos lecteurs, nous mettrons en gras dans le texte la signification en français clair (nous allions écrire : la traduction…) des propos de celui qui est présenté depuis des années comme un futur « Prix Nobel d’économie ».

Une taxe sur les plus riches ? Non, une vente d’actions

L’économiste a d’abord jugé que les mesures voulues par Michel Barnier pour taxer les plus riches n’auraient aucun effet sur les milliardaires pour la simple et bonne raison que leur revenu fiscal ne correspond qu’à une part infinitésimale de leur fortune. Il a donc, du haut de ses larges compétences en la matière, martelé que seul un impôt sur les grandes fortunes permettrait de « faire contribuer les personnes par rapport à leurs capacités contributives ». Autrement dit, Thomas Piketty comprend cette dernière expression comme signifiant la nécessité absolue, non pas de la proportionnalité de l’impôt, mais de sa progressivité, plus encore : d’une progressivité très élevée.

Il a ensuite justifié la nécessité de sa proposition par la « justice fiscale ». « Comment voulez-vous entraîner ce pays à faire des efforts si on ne demande pas un effort significatif au sommet ? », s’est-il benoîtement interrogé. Autrement dit, il considère que les « riches » ne contribuent que d’une manière dérisoire aux charges du pays, ce point étant relié au précédent relatif à l’indispensable progressivité de l’impôt.

Il a ensuite développé sa proposition : le total des 500 plus grosses fortunes de France s’élevait à 200 milliards d’euros en 2010 et à 1.200 milliards en 2024, soit 1.000 milliards de plus. Si on taxait à 10 % de manière « exceptionnelle » (l’exception devant sans doute se répéter chaque année…) cet enrichissement, la taxe rapporterait 100 milliards d’euros, a-t-il calculé avec un sourire triomphateur au terme de ce raisonnement novateur et ô combien brillant ! Il a cependant concédé : « Si tout le monde avait progressé au même rythme, pourquoi pas ? ». Il considère que l’enrichissement des plus riches est injuste, sans dire expressément qu’il provient de l’exploitation des plus pauvres, mais il étale son égalitarisme en énonçant que, au pire, seul un accroissement au même rythme des richesses de chacun -compétent ou incompétent, courageux ou paresseux, ingénieux ou stupides, peu importe- justifierait la multiplication par 6 des richesses des plus riches.

Le journaliste Darius Rochebin, qui ne l’a pas ménagé, au grand agacement d’ailleurs de notre sommité, a souligné à plusieurs reprises que les plus riches ne possédaient pas matériellement de telles richesses, mais que celles-ci tenaient pour l’essentiel à la valorisation des actions de leur entreprise. Nous prions nos lecteurs de prêter toute leur attention aux propos qui vont suivre car nous confessons, du haut de notre abyssale ignorance, que nous n’avons pas compris le raisonnement de Thomas Piketty. En effet, nous pensions savoir ce qu’était une taxe, plus encore une taxe présentée comme exceptionnelle, mais manifestement nous nous trompions et nous l’admettons, toute honte bue.

Selon Thomas Piketty, « il faudrait vendre 10 % de son portefeuille ». « On pourrait le vendre, a-t-il ajouté, aux salariés par exemple ». Autrement dit, il ne s’agirait pas d’une taxe, mais d’une cession forcée d’actions. Il va de soi que Thomas Piketty, qui ne connaît manifestement rien à la sphère juridique, ne s’y connaît pas plus en droit constitutionnel. Car ce type d’opération serait tout simplement anticonstitutionnel. Il ne s’agit en effet ni d’une nationalisation, qui au demeurant se doit d’être indemnisée, et de manière préalable et juste, en vertu de la grande décision du Conseil constitutionnel de 1982 ; ni d’une expropriation, qui se doit d’être indemnisée également. Serait-ce donc une réquisition d’une nouvelle mouture ? Là encore, nous extrapolons car Thomas Piketty n’en a dit mot, les grands hommes ne s’occupant pas des contingences. Pas plus qu’il n’a donné la moindre indication sur ce point : comment les salariés, a priori ceux des entreprises concernées, trouveraient 100 milliards pour acheter les actions !

Du partage des richesses au partage du pouvoir

Thomas Piketty a ensuite livré le fond de sa pensée : « L’idée qu’il faut concentrer tout le pouvoir, au fond c’est ça le débat ». Il ne s’agit pas d’une participation à la De Gaulle : « Je veux partager le pouvoir », à l’image de la situation allemande. « Comment les milliardaires pairaient-ils leur taxe sur l’enrichissement ? Il faudrait qu’ils partagent leur pouvoir, c’est-à-dire vendent une partie de leurs actions ». Ces dernières phrases confirment l’incohérence totale des propos tenus. Il faut reconnaître à notre économiste une grande inventivité : la création d’une nouvelle forme de taxe, la taxe-cession d’actions.

« Quand on implique davantage de salariés dans les stratégies d’investissement des entreprises, on crée plus de richesses collectives ». Autrement dit, Thomas Piketty plaide en faveur d’une cogestion avec les salariés, officiellement selon l’exemple allemand, qui renvoie aux vieilles lunes de la cogestion des années 1970 à la Michel Rocard. On saluera le modernisme et la lucidité de notre économiste qui passe par pertes et profits le droit de propriété.

 « L’enrichissement exceptionnel, ça n’a servi à rien ! »

« Si le fait de multiplier par 6 la fortune des milliardaires avait permis de doper la productivité, ça se saurait ! Ca n’a servi à rien cet enrichissement exceptionnel ! », s’est exclamé Thomas Piketty. Autrement dit, le mérite personnel des entrepreneurs est notion inconnue à ses yeux. Plus encore, l’augmentation de la valeur des actions des entreprises est un phénomène injuste, une nouvelle mouture de « l’argent qui dort » et des rentes par définition injustifiées. Après la magnifique phrase de Philippe Poutou « les patrons, ça sert à rien », voici une nouvelle phrase promise à la célébrité. Mais il y a encore pire : Thomas Piketty délaisse totalement le terrain des droits de l’homme au profit de vague considérations utilitaristes teintées de moralisme sirupeux.

La nécessité des dépenses publiques

Thomas Piketty a vertement critiqué le gouvernement Barnier : « On sacrifie l’avenir aujourd’hui ». « Les restrictions de dépenses, c’est une catastrophe ». Or, « les besoins dans la formation, dans la santé vont croître ». Autrement dit, les besoins étant sans cesse croissants, aucune diminution de la dépense publique n’est envisageable, sauf peut-être, là encore nous extrapolons, celle des aides aux entreprises et les « cadeaux » faits aux plus riches par Emmanuel Macron. Plus encore, la dépense publique doit croître chaque année.

Au journaliste qui soulignait que le secteur public n’était guère reluisant et que cela ne donnait pas envie de lui donner son argent, notre économiste a rétorqué : « Si on ne met pas des ressources publiques supplémentaires, qu’est-ce qui va se passer ? Soit on ne va pas mettre de ressources du tout, soit ça va être des ressources privées », non concluantes à l’image des « indicateurs de santé publique dramatiques » aux Etats-Unis. « Quelles sont les alternatives et est-on bien sûr qu’elles vont être meilleures ? » Autrement dit, Thomas Piketty confond, pour paraphraser Frédéric Bastiat, gouvernement et société, comme tout socialiste qui se respecte. Si l’État n’agit pas lui-même, s’il ne dépense pas (car il s’agit bien de dépenses et non pas de « ressources »), personne ne le fera ou bien le privé le fera mal. Il va de soi que les secteurs de l’éduction, de la recherche et de l’enseignement ne sauraient être confiés au secteur privé…

Un vrai social-démocrate à l’ancienne

Alors que Darius Rochebin le taquinait en lui rappelant que toutes les expériences collectivistes avaient échoué et qu’il était difficile de porter le nom de socialiste depuis la chute du Mur de Berlin, Thomas Piketty s’est inscrit dans la lignée de la social-démocratie de la fin du XIXe siècle dont il a rappelé la radicalité, et dont les expériences suédoises dans l’entre-deux-guerres et travailliste dans l’Angleterre de l’après Deuxième Guerre mondiale ont été les héritières. « A l’époque, ça faisait peur aux bourgeois, a-t-il rappelé avec un sourire en coin, mais ça a été un immense succès historique. C’est cet héritage qu’il faut aujourd’hui poursuivre ». Autrement dit, Thomas Piketty loue l’un des gouvernements les plus collectivistes de l’histoire, le gouvernement anglais dirigé par Clement Attlee à partir de 1945 qui a nationalisé des pans entiers des industries et autres secteurs britanniques, accru de manière considérable le nombre des fonctionnaires et établi une progressivité exceptionnellement élevée des impôts. Thomas Piketty peut effectivement se dire le continuateur des sociaux-démocrates de la fin du XIXe siècle dont la contraction du nom cache la nature : atteindre le socialisme par des moyens démocratiques.

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