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Les conducteurs de train et de métro ne sont pas les seuls à travailler le week-end

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La pénibilité est un des thèmes sur lesquels achoppent les négociations sur la réforme des retraites. A ce sujet, on entend régulièrement les représentants syndicaux, ceux des cheminots, par exemple, rappeler combien leur métier est pénible. Et cette pénibilité justifierait à elle seule qu’ils bénéficient d’un régime spécial de retraite, c’est-à-dire d’un régime hyper avantageux aux frais des clients et des contribuables.

Loin de nous l’idée de polémiquer au sujet de la pénibilité du travail des conducteurs de train. Chacun pourra d’ailleurs aisément citer des métiers autrement plus pénibles.

Mais ce qu’oublient de dire les syndicalistes de la SNCF est que cette pénibilité est déjà compensée par un temps de travail moindre.

Dans un rapport de juin 2019 sur « La gestion des ressources humaines du groupe public ferroviaire SNCF » entre 2012 et 2017, la Cour des comptes rappelle que l’accord d’entreprise fixe la durée annuelle du travail à la SNCF à 1 568 heures. Les conducteurs de train à la SNCF ne font, eux, que 6h40 en moyenne par jour nous dit la Cour des comptes et leur temps effectif de conduite n’est que de 3h40 par jour. En moyenne, explique le rapport, « un conducteur ne va conduire des trains que 664 heures dans l’année, soit 40 % de son temps de travail théorique ».

Dans l’édition 2019 du « Portrait social » de la France, l’INSEE se penche sur le temps de travail des Français depuis 1945. On y apprend ainsi que « Depuis le milieu des années 1970 jusqu’à aujourd’hui, la durée annuelle effective du travail a diminué en France de l’ordre de 17 % en moyenne, soit 350 heures, pour atteindre 1 609 heures en 2018 », soit 41 heures de plus qu’un conducteur de train. C’est-à-dire plus d’une semaine !

Cette diminution du temps du travail s’est essentiellement faite en deux étapes : la première entre 1975 et 1983 pendant laquelle le temps de travail a baissé de 145 heures ; la seconde entre 1991 et 2003 pendant laquelle la baisse est de 210 heures.

Évolution de la durée annuelle effective de travail en France depuis 1975

La généralisation du salariat a fait baisser le temps de travail

Cette baisse tendancielle s’explique en partie par l’importance prise désormais par les loisirs dans la vie quotidienne. Une aspiration à s’épanouir en dehors du travail qui a donné lieu à des dispositions législatives comme le passage de 40 à 39 heures, puis à 35 heures hebdomadaires, la cinquième semaine de congés payés, le congé de paternité, etc.

Il existe également deux autres causes. La première n’est que rarement soulignée, c’est la généralisation du salariat. En effet, dès l’après-guerre le salariat s’est imposé comme la forme dominante du travail en France. Il représente aujourd’hui 85 % des emplois. Et l’INSEE de nous expliquer que « La durée de travail des salariés étant inférieure de 25 % à 35 % à celle des non-salariés selon la période, cette expansion du salariat a mécaniquement infléchi la moyenne du temps de travail individuel ».

Pourtant, le temps de travail des non salariés a également baissé entre 1975 et 2018, de 17 % en moyenne, soit 400 heures. Un phénomène essentiellement dû à l’apparition des auto-entrepreneurs en 2009. En effet, comme nous l’avons déjà évoqué, les auto ou micro-entrepreneurs ne travaillent en moyenne que 107 heures par mois si l’on rapporte leur revenu brut moyen au Smic.

Si l’on ne tient pas compte des 1,36 million micro-entrepreneurs (dont certains travaillent largement plus que 35 heures, bien sûr), les non salariés ont donc un temps de travail encore bien supérieur à celui des salariés. Pour une rémunération moyenne de 3 440 euros par mois, soit moins qu’un conducteur de train au deuxième échelon. Et, à la retraite, les travailleurs indépendants touchent en moyenne, tous régimes confondus, environ 1 200 euros par mois contre 3 156 euros par mois en moyenne pour un conducteur de train.

Pleurer sur le sort des cheminots est donc difficilement compréhensible !

De plus en plus de temps partiel

La deuxième cause de la diminution généralisée du temps de travail en France est la montée en charge du temps partiel.

En 1975, 6,6 % des salariés en France métropolitaine (hors apprentis) occupaient un emploi à temps partiel. Cette proportion a été multipliée par trois pour atteindre 18,9 % en 2018, soit 4,4 millions de personnes.

La multiplication de ces contrats conduit de fait à une diminution de la durée individuelle moyenne du travail. Cette augmentation des emplois à temps partiel s’explique par la tertiarisation de l’économie et par l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail.

Celles-ci occupent, en effet, quatre emplois à temps partiel sur cinq en 2018. Un temps partiel qui n’est pas toujours subi puisque 20 % des femmes déclarent qu’elles souhaitent disposer de temps libre.

L’INSEE souligne également que nombre de temps partiel sont le fait des politiques publiques de l’emploi : « Incitations financières aussi bien que dispositifs d’insertion ciblés ont favorisé l’offre de contrats dérogeant au modèle de l’emploi à temps complet » (TUC, CES, CUI-CAE, PEC, etc.).

Dans leur étude, les experts de l’INSEE signalent aussi que le travail du dimanche et le travail de nuit (entre minuit et cinq heures) se développent. Plus d’un quart des salariés (28 %) ont déclaré avoir travaillé le dimanche (habituellement ou occasionnellement) en 2016, contre 12 % en 1974. L’augmentation du temps consacré aux loisirs évoqué au début de cet article a pour effet d’intensifier le travail dominical dans les zones touristiques et dans les grandes agglomérations. Les professions concernées sont nombreuses : employés des centres d’appel, du dépannage, du commerce, de la santé, de la sécurité, de la restauration et de l’hébergement, et même de l’industrie. Nombreux sont également parmi ceux-ci les salariés concernés par le travail de nuit.

C’est ainsi que la part d’ouvriers travaillant habituellement la nuit a été multipliée par cinq entre 1984 et 2002, passant de 3 % en 1984 à 13 % en 2016. Quant aux employés déclarant travailler habituellement le dimanche, ils ont également augmenté. Leur proportion est passée de 5 % en 1984 à 20 % en 2016.

Les agents de la SCNF ou de la RATP ne représentent qu’une part infime de la population travaillant la nuit ou le week-end. Et ils n’ont pas le métier le plus pénible. Cela ne rend que plus scandaleuse et indécente la grève que subissent aujourd’hui les autres travailleurs.

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2 commentaires

gelé 17 janvier 2020 - 4:51 pm

les pauvres sncf
Comme cette histoire de « pénibilité », autre exception française, un concept inconnu hors de nos frontières lorsqu’il s’agit de la retraite. Dans bien d’autres pays, la pénibilité d’un métier est directement prise en compte, tout au long de la carrière : meilleur salaire, primes, jours de repos plus nombreux. En France, la notion de « pénibilité » a été lancée par les syndicats comme un rempart pour sanctuariser les privilèges des agents publics, en particulier à la RATP et à la SNCF. Tout le monde est tombé dans le piège, la droite comme la gauche, et il sera très difficile d’en sortir.

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chris 20 janvier 2020 - 7:02 pm

La FPT à la dure!
Bsr,
je travaille de nuit dans la FPT et j'ai un zéro de plus sur mon bulletin de salaire en travaillant 2 week-ends par mois!
Juste 0.12€ par heure de nuit semaine ou W-E compris.
Je suis pour cette grève car ce gouvernement de mafieux veut mettre la main basse sur tout les régimes bénéficiaires et rendre les retraites encore plus maigres!
@+

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