C’est en 1948 que le législateur pérennise l’impôt sur les sociétés (IS) en France, avec un taux proportionnel établi à 21 % ;
En France, l’impôt implicite sur les sociétés ou sur le capital figurent, en 2012, parmi les plus élevés d’Europe, soit 28,1 % et 46,9 % respectivement ;
Le rendement de l’impôt sur les sociétés est plus faible dans les pays où son taux nominal est élevé. Une augmentation de 1 % de l’IS se traduit par une réduction de son rendement d’environ 0,0319 point de PIB ;
Lorsqu’on compare les taux d’IS, c’est le taux effectif et non le taux nominal qui importe, et la différence entre les deux taux peut être significative. En effet, la décision d’investir est étroitement liée à ce que l’entreprise paie implicitement comme impôt ;
L’hétérogénéité de la fiscalité des entreprises des pays de l’UE rend l’harmonisation des taux d’IS au niveau européen difficile. Dans ce contexte, la Commission européenne a opté pour une harmonisation de l’assiette (projet ACCIS), beaucoup plus acceptable politiquement ;
Si ACCIS est un projet ambitieux, il n’est pas sans défauts. D’une part, il s’agit d’un régime fiscal optionnel, rien ne garantit que les entreprises internationales implantées en Europe le choisissent. D’autre part, la concurrence fiscale ne jouera plus que sur les taux, diluant un peu plus la souveraineté des Etats sur leurs politiques fiscales ;
Selon une étude économétrique récente, l’impact du projet ACCIS serait négatif pour le PIB de l’Union européenne, de l’ordre de -0,15 % ;
En réalité, la concurrence fiscale et la baisse des taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés ont plutôt contribué à augmenter le produit de l’impôt de ceux qui l’ont pratiquée ;
Au contraire, l’harmonisation tendrait à réduire les flux de capitaux en direction des pays européens ;
Enfin, il faut bien comprendre que l’impôt des sociétés n’est jamais payé directement par l’entreprise. Les économistes ont montré qu’il pèse le plus souvent sur les salaires, qui supportent de 45 % à 75 % des augmentations de l’IS. Conserver la concurrence fiscale bénéficierait aussi au pouvoir d’achat.
Résumé
La Commission européenne souhaite uniformiser les bases d’assujettissement des sociétés à l’impôt sur les bénéfices dans tous les pays de l’Union. Son projet, dénommé ACCIS, se présente comme une option offerte aux sociétés qui pourraient par ailleurs conserver le régime propre à leur pays d’implantation. Après un rappel du contexte historique dans lequel l’impôt sur les sociétés a été institué, la présente note analyse les avantages et les inconvénients qu’offrirait l’ACCIS. L’uniformisation des bases imposables pourrait simplifier l’administration des entreprises implantées dans plusieurs pays d’Europe. Elle permettrait également une meilleure comparaison des taux effectifs d’imposition entre les différents pays d’Europe. Toutefois, un tel régime ne serait pas sans inconvénient car il renforcerait les pouvoirs de l’Union Européenne au détriment des pays membres et il risquerait d’obliger la Commission Européenne à multiplier les textes d’application et à créer une nouvelle administration pléthorique pour gérer ce nouveau régime d’imposition.
Plus fondamentalement, il ressort de notre Etude que la Commission Européenne procède en réalité à une approche faussée de la notion de concurrence entre les Etats membres. L’existence d’assiettes et de régimes fiscaux différents pour l’imposition des entreprises dans chaque pays d’Europe favorise une saine concurrence entre eux plutôt que d’entraver leurs relations. La concurrence fiscale est aussi bonne entre les Etats, au profit des contribuables, qu’elle l’est entre les entreprises, au profit des consommateurs. D’ailleurs, l’impôt sur les bénéfices des sociétés est toujours répercuté par lesdites sociétés sur des tiers : actionnaires, clients, salariés… Les salariés sont même ceux qui pâtissent le plus de toute hausse d’impôt sur les sociétés.
Plutôt que de vouloir uniformiser les assiettes fiscales, il vaudrait peut-être mieux imposer au niveau européen que les taux d’impôt sur les revenus des particuliers ne soient pas supérieurs aux taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés de façon à favoriser la neutralité de l’impôt.