Même les leaders républicains du Sénat n’en croient pas leurs oreilles. Donald Trump accuse l’Ukraine d’avoir attaqué la Russie ! Et ils réagissent.
« La Russie est l’agresseur, il n’y a pas d’ambiguïté là -dessus. [Le Président] peut s’exprimer comme il l’entend, mais de mon point de vue, il n’y a pas d’incertitude sur la question de qui a commencé la guerre » déclare John Thune, leader de la majorité républicaine dans la chambre haute.
Contre l’anathème lancé par Donald Trump, selon lequel  Volodymyr Zelensky « est un dictateur », Thom Tillis, sénateur républicain de Caroline du nord, ose rétorquer : « Zelenskiy a été le bon chef d’État, je pense, pour préserver l’intégrité de son pays face à l’occupant russe… tandis que Poutine est un meurtrier qu’il faut stopper. »
Trahison, soumission, calcul ? Les explications se bousculent
Dans le camp démocrate, naturellement, les condamnations sont encore plus explicites. Le sénateur Richard Blumenthal, du Connecticut, qualifie de « trahison dégoûtante » le lâchage apparent de l’Ukraine par le nouveau président. Son collègue de l’Illinois, Dick Durbin, ne mâche pas ses mots non plus : « Le président Trump ne fait rien d’autre que de répéter comme un perroquet la propagande du Kremlin et de répandre les mensonges que Poutine lui chuchote à l’oreille. »
Il reste que certaines voix républicaines, plus rationnelles que celle des élus trumpiens, cherchent à relativiser la gravité des accusations proférées par Donald Trump. « Je pense qu’il veut fixer des objectifs et qu’il se positionne pour une solution au conflit conforme à sa stratégie de l’Amérique d’abord. […]  Il négocie en fait à haute voix, comme cela lui arrive souvent. » tempère Kevin Cramer, sénateur républicain du Dakota du nord.
Les insultes de Donald Trump au régime de Kiev ne seraient donc qu’une manière de choquer les Ukrainiens pour qu’ils acceptent de céder une partie de leur territoire à la Russie, en échange d’une paix garantie par les États-Unis et les Européens ?
L’hypothèse de la stratégie
Le raisonnement implicite de la Maison-Blanche serait le suivant : la guerre en Ukraine est une distraction coûteuse pour les États-Unis et une cause romantique perdue d’avance, alors que l’urgence est de se renforcer face à la menace chinoise. L’Ukraine est de facto dans la sphère naturelle d’influence de la Russie. Il faut concéder cela à Poutine et faire payer le plus possible aux Européens le prix de la garantie d’un cessez-le-feu. Si la crédibilité de l’OTAN en souffre, tant pis. Si le peuple ukrainien et sa souveraineté en pâtissent, ce n’est qu’un prix modeste à payer en échange de l’arrêt de la destruction de leur pays.
Que Donald Trump l’ait délibérément envisagé ou non, cette froide intention supposée, qui ferait les affaires de Moscou, marquerait la fin d’un engagement essentiel des États-Unis à l’égard de l’Europe. Au mépris des promesses de tous ses prédécesseurs depuis F.D. Roosevelt pour contenir l’impérialisme de Moscou, Donald Trump validerait une conquête territoriale des forces russes aux dépens d’un pays démocratique et souverain.
Le « roi du deal » roulé dans la farine ?
L’énorme faiblesse dans ce raisonnement en apparence pragmatique, et digne d’un président qui se vante d’être « le roi du deal » », est qu’il encourage Moscou à aller plus loin. Ceux qui le connaissent savent que la parole de Vladimir Poutine et sa signature au bas d’un papier décrivant les conditions d’une paix de circonstance, ne valent rien. Cet ancien agent du KGB, devenu dictateur corrompu et richissime, est maître dans l’art de déguiser son impérialisme derrière la quête d’une sécurisation de la Mère Russie. Et il est fort possible que Donald Trump, fasciné par les « hommes forts », soit en train de se faire rouler dans la farine.
Réinstallé à la Maison-Blanche depuis un mois, le président américain se montre prêt, publiquement du moins, à jeter à la poubelle quatre-vingts ans de diplomatie américaine. Dégoûté, hélas non sans raison, de la faiblesse et de la décadence européenne, il déconstruit l’Alliance atlantique pour renouer avec la Russie.
On redoute cependant qu’il tombe dans le piège de Vladimir Poutine : dans l’espoir de contrats importants pour les entreprises américaines, notamment dans les secteurs du pétrole, Donald Trump semble prêt à sacrifier l’Ukraine, laissant pour l’essentiel à des gouvernements européens politiquement fragilisés, militairement limités, et diplomatiquement désunis, la responsabilité de défendre leur vieux continent.
La presse américaine, outrée par le lâchage de l’Ukraine, note en effet que Kirill Dmitriev, membre de la délégation russe qui négociait à Riyadh les conditions d’une fin des hostilités, a fait miroiter aux Américains l’attrait de formidables contrats si les sanctions occidentales handicapant la Russie étaient levées. Des géants des services pétroliers comme SLB, Baker Hughes et Halliburton, par exemple, contraints de vendre leurs activités russes à des opérateurs locaux en 2022, auraient beaucoup à gagner à une normalisation des relations entre Washington et Moscou. « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons » disait Lénine.
2 commentaires
Il faut peut être rappeler à feu Lenine que son régime a fait long feu -contrairement aux régimes capitalistes- et que tout régime mené par des dirigeants aveuglés par le gain immédiat court à sa perte , comme l’a si bien mis en fable le bon La Fontaine . Il faut aussi rappeler que si un dirigeant est aveuglé par la richesse et la grandeur, c’est Poutine. Poutine qui mène ses 140 millions de moujiks à la démographie en berne, assis sur le plus grand territoire au monde, dans une guerre pour en avoir plus … nous avons un gigantisme territorial de Poutine aligné sur un gigantisme économique américain. Pendant ce temps l’ami Xi se frotte les mains et encaissera les mises (territoriales et économiques ) , et l Europe affolée sera toujours en train de chercher sa boussole -option optimiste- .
Comme toujours le business reprend après la guerre et chacun veut sa part, les morts n’étant qu’un dégât collatéral. Un mort, c’est tragique, 1 million de morts c’est une statistique, Joseph Staline.