Le ridicule ne tue pas. Cela évite une hécatombe dans la profession de journaliste spécialisé sur les États-Unis. En dépit d’un budget de campagne alimenté par la gauche caviar des côtes est et ouest, trois fois plus élevé que celui de Donald Trump, Kamala Harris a subi une très sévère défaite.
Bien entendu, tout le monde peut se tromper. Les sondages ont, eux aussi, tellement fait croire que le résultat de l’élection présidentielle serait serré, qu’il était possible d’être de bonne foi et penser que les journalistes, tellement sûrs d’eux, étaient dans le vrai.
Leur bonne foi est cependant peu probable. D’abord parce qu’ils se trompent régulièrement et toujours dans le même sens : les candidats républicains ne sont jamais censés gagner, si l’on en croit leurs puissantes analyses.
George W. Bush avait « volé son élection ». Donald Trump en 2016 était « mal élu ». Ronald Reagan était un usurpateur manipulé par le complexe militaro-industriel désireux de déclencher une guerre avec l’URSS. En gros, si le républicain surprend et gagne, ce n’est pas que les journalistes ont mal compris les courants d’opinion. C’est que le peuple s’est trompé.
Les journalistes français suivent la vie américaine à travers des journaux et chaînes de télévision acquis au Parti démocrate
Que personne n’en doute : le peuple américain est toujours avec le (ou la) candidate démocrate. Les racistes, misogynes, réactionnaires, fascisants et autres sous-développés mentaux, eux, votent républicains. Le discours est connu. Il est la norme aux États-Unis, dans tous les médias, dans les universités et partout où l’on pense. Les seules exceptions, dans la presse traditionnelle, sont le Wall Street Journal et le New York Post.
En France, vilipender les républicains est aussi la norme. L’explication est simple: les journalistes français suivent la vie américaine à travers des journaux et chaînes de télévision acquis au Parti démocrate. Ils amalgament à cette matière première partisane leur valeur ajoutée gauchisée. Les inégalités sociales, raciales et géographiques sont toujours mises en avant. Pour interroger des électeurs républicains, ils traquent des abrutis venus applaudir les orateurs de meetings électoraux républicains. Jamais il ne leur traverse l’esprit que l’électeur démocrate ou républicain ne ressemble pas du tout au fanatique qui va dans un meeting. Et comme ces brillants journalistes vivent à New York ou Washington, ils n’ont jamais l’occasion de rencontrer des républicains. Dans ces métropoles archi-bleues, ils sont en effet introuvables.
Il faut aussi comprendre ce qui guide en priorité le journalisme français aux États-Unis : le lecteur, ou le téléspectateur, auquel il s’adresse en France ne s’intéresse pas directement à l’Amérique. Ce qu’il recherche est d’abord la confirmation que le modèle américain ne marche pas, et que le modèle français est meilleur. Tout ce qui le conforte dans la caricature qu’on lui présente de l’Amérique est bon à prendre par les journalistes correspondants aux Etats-Unis, car bien vu par leurs chefs dans les rédactions parisiennes. L’Amérique, c’est l’anti-France. Pour se racheter, l’Amérique doit copier le modèle français. C’est exactement le programme démocrate.
Souvent de mauvaise foi mais jamais de mea culpa : ainsi fonctionnent tant de journalistes
L’important est de se rendre compte que ce biais systématique et partisan est le même dans de nombreux autres domaines : l’écologie, l’éducation, la fiscalité, la culture… Une très grande partie ce que les Français lisent ou regardent dans les médias est en grande partie écrit par des journalistes formatés par des écoles anti-capitalistes, pro-syndicales, où la liberté de pensée et d’expression ne se conçoit que si elle sert la cause de la gauche.
Le journaliste français sort rarement de Paris. Il parle de « la France profonde » avec un mépris et une condescendance équivalente au ton qu’il adopte pour parler de « l’Amérique profonde ». Des bouseux, des gilets jaunes, des incultes, des méchants, voilà comment on traite la moitié du pays qui ne vit pas dans des grandes villes. La meilleure preuve de la mauvaise foi de tant de journalistes est que jamais ils ne font leur mea culpa. Aucun regret d’avoir fait croire pendant au moins deux ans que Joe Biden, pourtant sénile, était en pleine possession de ses moyens. Aucun regret d’avoir présenté Kamala Harris comme la candidate idéale de l’Amérique de demain. Jean-Éric Branaa résume ce credo dans le titre de son ouvrage à côté de la plaque, au titre hilarant : « Kamala Harris : L’Amérique du futur ».
Comment ne pas avoir senti monter la vague anti-woke ? Comment ne pas avoir compris que ce n’est pas simplement l’inflation ou l’immigration incontrôlée qui mettait en colère les Américains, mais le déni depuis trois ans de l’existence même de ces maux, causés par les politiques de Joe Biden et Kamala Harris ? Il faut être aveuglé par l’esprit partisan pour rater de telles évidences. Nous avons ici souligné les tristes travers de Donald Trump dans sa campagne et le danger de son nationalisme isolationniste et protectionniste. Il n’était pas difficile de signaler à quel point Kamala Harris était creuse et sans vision. Le prétendu génie de Barack Obama et Nancy Pelosi en adoubant leur apparatchik californienne pour en  faire une championne, paraît bien court. Mais critiquer Barack Obama, le président qui n’a rien fait quand Poutine a envahi la Crimée, est interdit. Mon Dieu, si Trump avait agi de même… !
Quelqu’un va-t-il se lever dans le camp du bien et enfin reconnaître, à regret mais avec lucidité, que Donald Trump n’est peut-être pas si nul ? Existe-t-il un journaliste honnête dans la presse bien pensante qui admettra avoir sous-estimé la colère de plus de 72 millions d’Américains qui ont refusé de suivre les ordres de l’establishment, de prix Nobel, d’acteurs riches de Hollywood, de chanteurs mégalos et autres doctrinaires privilégiés ? Pas vraiment. Au contraire, les mêmes « experts » qui se sont si lourdement trompés et qui ont si délibérément voulu tromper, sont ceux qui aujourd’hui expliquent dans le détail comment Donald Trump va purger Washington et instaurer un régime autoritaire. On pardonnera aux journalistes français de tomber dans ce panneau-là : ils sont habitués au système français où, lorsqu’un candidat de droite gagne, il est urgent qu’il commence au nom de l’ouverture, par mettre en oeuvre la politique de son opposant. Ceux qui se félicitent des hausses d’impôts de Michel Barnier, ne peuvent pas comprendre Donald Trump.
La démocratie américaine est malade ! Très largement élu, soutenu par le Congrès, le candidat républicain entend tenir ses promesses ! Quelle horreur ! La résistance commence.