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Le Rassemblement National est-il d’extrême droite ?

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C’est une question lancinante qui agite le landerneau, les spécialistes et un certain nombre de nos lecteurs : le Rassemblement National est-il un parti d’extrême droite ? On saisit immédiatement les sous-entendus de la question, qui connaît d’ailleurs son pendant avec La France insoumise.

Une question conceptuelle

Pas plus que le socialisme ou le conservatisme, l’extrême droite n’existe dans la nature. Il s’agit d’un concept, d’une pure construction de l’esprit. Les spécialistes de l’histoire de la pensée politique ont considéré, après des décennies de réflexion, que relevait de cette catégorie un parti, un mouvement, un courant qui présentait un certain nombre de caractéristiques et qui, par contrecoup, en excluait un certain nombre d’autres. Parmi les mots qui viennent immédiatement à l’esprit, on trouvera notamment ceux de nation, de peuple, d’identité, de souveraineté, et on n’y trouvera sûrement pas ceux d’individualisme ou de libre-échange.

Comment se caractérise le RN ?

La question est d’emblée délicate car le RN est l’héritier du Front national qui avait lui-même déjà bien changé depuis ses origines particulièrement peu reluisantes dans les années 1970, un parti alors clairement anticapitaliste, antisémite, pétainisme et xénophobe. Mais on peut sans risque se référer au rejet de l’immigration, à l’importance du thème de la préférence nationale, à la promotion non seulement de la sécurité mais d’une politique sécuritaire, au rejet de la mondialisation, brocardée sous le qualificatif de « mondialisme », à la focalisation sur les frontières, a minima à la méfiance envers la défense des droits de l’homme affublée du nom de « droit-de-l’hommisme ».

Les spécialistes ne s’accordent pas bien évidemment. Toutefois, on retrouve fréquemment sous leur plume, alternativement ou cumulativement, les idées de parti national-populiste, identitaire, souverainiste, ultraconservateur ou encore illibéral.

Ceux qui refusent l’expression

Les dirigeants du RN refusent d’être catalogués à l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen tenait déjà les mêmes propos. Malgré tout, le Conseil d’État, en 2023 comme en 2024, a refusé de considérer que le ministre de l’Intérieur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en classant le RN à l’extrême droite.

On comprend l’enjeu : Marine Le Pen, loin des outrances de son père, particulièrement en ce qui concerne l’antisémitisme, a entendu « dédiaboliser » le parti. A l’inverse, des journalistes et des auteurs très orientés se font un malin plaisir de sérier le RN comme un parti d’extrême droite, voire fasciste, pour ne pas dire, compte tenu du comportement de certains de ses adhérents, nazi.

Que serait alors le RN ?

Si le RN n’est pas d’extrême droite, où se situe-t-il topographiquement ? Plusieurs vocables sont utilisés, alternativement ou cumulativement : droite de la droite, droite nationale (mais on voit qu’il existe des différences non négligeables avec l’aile droite de ce qu’on appelait ces dernières années Les Républicains), droite radicale (mais le radicalisme pose étymologiquement des difficultés), vraie droite (pour la distinguer de la fausse ou de la « droite molle » quand elle a été au pouvoir). En tout état de cause, il est difficile de faire du RN un parti modéré, et d’ailleurs ses dirigeants ne le souhaiteraient pas : nul ne contestera le fait qu’il soit le plus à droite des partis d’une certaine importance.

Le RN à gauche ?

Personne ne range le RN à gauche ou même au centre, ce qui doit tout de même signifier quelque chose. Mais plusieurs caractéristiques le distinguent des partis traditionnels d’extrême droite : sa volonté justement de « dédiabolisation », son refus de la violence pour prendre le pouvoir, son rejet officiel de l’antisémitisme.

Nonobstant, le RN se rapproche de la gauche sociologiquement, ce qui est d’autant plus normal qu’il a capté une bonne part de l’électorat dit populaire au grand dam de la gauche et de l’extrême gauche. Il se rapproche également de la gauche avec son programme économique et social, rompant ainsi avec le lepénisme des grandes années mais opérant en partie un retour aux sources du mouvement très social des années 1970. Eric Zemmour, qui voulait s’en distinguer, a même pu accuser son concurrent durant la campagne des élections européennes de verser dans le socialisme économiquement.

Une polémique identique au sujet de La France Insoumise

Si le Conseil d’État n’a rien trouvé à redire, en 2024, au classement du RN à l’extrême droite, il a estimé que LFI appartenait au bloc des gauches et non pas à l’extrême gauche. L’absence de parallélisme des formes est surprenante. La petite musique se retrouve dans la presse de gauche. Sur Alternatives économiques (5 juillet 2024), on peut ainsi lire un article sans point d’interrogation titré « Pourquoi LFI n’est pas d’extrême gauche ». Plus anciennement, Le Nouvel Obs (23 juin 2022) a publié un entretien avec le politologue Rémi Lefebvre selon lequel LFI se situerait dans l’orbe du socialisme radicalisé et non pas à l’extrême gauche, notamment parce qu’il remettrait en cause « l’ultralibéralisme », mais non le capitalisme. L’explication est assez stupéfiante. Les liens entre le mélenchonisme et le trotskisme ont été justement soulignés (Le Figaro, 18 juillet 2024, « Le trotskisme en action de Jean-Luc Mélenchon »).

Le RN, toujours extrémiste

N’en déplaise à certains, le RN demeure aujourd’hui encore un parti extrémiste. Il se trouve confronté à un écueil propre à tout mouvement de ce type : d’un côté, il entend abandonner ses oripeaux extrémistes mais, d’un autre côté, une « normalisation » trop poussée lui ferait perdre des spécificités qui provoquent certes son rejet, mais qui constituent aussi son attrait. D’aucuns souhaiteraient qu’il se recentre sans abandonner sa rhétorique anti-immigration et sécuritaire, et qu’il suive le chemin tracé par certains de ses homologues en Europe jusqu’au pouvoir, à l’exemple de l’Italie. Toutefois, tant qu’il rejettera le principe même de la mondialisation et du libre-échange, qu’il gardera son côté favorable à un Etat providence, qu’il conservera son a priori contre les Etats-Unis et son tropisme en faveur de certains régimes autoritaires, il sera difficile de le qualifier de parti de droite classique.

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