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Radical Markets : Déraciner le capitalisme et la démocratie pour une société juste (Radical Markets : Déraciner le capitalisme et la démocratie pour une société juste)

Cet article a été publié dans le Journal des libertés n°25 (été 2024)

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A propos de l’ouvrage de Eric A. Posner et E. Glen Weyl

Les libéraux américains ne cessent pas de nous étonner à la fois par la richesse de leurs débats et par la nature parfois révolutionnaire de leurs propositions. Le livre d’Eric A. Posner et Glen Weyl, Radical Markets : Déraciner le capitalisme et la démocratie pour une société juste en est un bon exemple[1].

Les deux auteurs se placent dans une tradition anticapitaliste mais libre échangiste. Éric Posner est le fils du célèbre économiste, Richard Posner, l’un des fondateurs de l’économie du droit. Il est Professeur à la Chicago Law School et a prolongé les travaux de son père. Glen Weyl est docteur en sciences économiques et économiste chez Microsoft. Il est présenté dans une interview au journal Le Point comme le héraut du libéralisme sans individualisme[2] et comme l’héritier de Mises et Hayek dans le magazine Pour l’Eco[3]. Leur livre, écrit à la mémoire de l’économiste prix Nobel et spécialiste des enchères, William S. Vickrey, débute par une introduction consacrée à la crise de l’ordre libéral la suite étant organisée autour de cinq chapitres : propriété et monopole (Chapitre 1, pp. 30-79), démocratie radicale (Chapitre 2 pp. 80-126), unir les travailleurs du monde entier (Chapitre 3 pp. 127-167), démembrer la pieuvre (Chapitre 4 pp.168-204), et penser les données comme du travail (Chapitre 5, pp.205-249, Data as labor).

L’originalité de ce livre est de diagnostiquer à chaque chapitre l’un des maux contemporains et de proposer une solution. Ils débutent avec les maux sociaux et économiques (Chapitre 1), puis les maux de la démocratie (Chapitre 2), les maux des sociétés qui se ferment sur leurs frontières (Chapitre 3), les maux de la concentration financière (Chapitre 4) et les maux inhérents à la gratuité des données sur le web (Chapitre 5). Si donc clairement les pays occidentaux sont en crise (stagnation et croissance des inégalités, ou encore stagnequality), pour en sortir il faut renforcer la concurrence à tous les niveaux. Les maux économiques, l’inefficience, seraient la conséquence du monopole que garantit la propriété privée : la solution est un impôt sur la propriété commune autoévaluée (COST) (Chapitre 1). Le principal mal de la démocratie est le bulletin unique qui empêche d’exprimer l’intensité de ses préférences : la solution est la distribution à chacun de crédits de vote (quadratic voting). L’immigration a un bénéfice social qui est sous-exploitée par les pays riches à cause de l’hostilité des bas revenus : la solution est le “Visas between individuals program.” Les maux du capitalisme sont la concentration du capital et de l’actionnariat : la solution est d’interdire aux investisseurs institutionnels d’acheter des entreprises du même secteur. La gratuité des données sur le web est source d’injustice et d’efficience : la solution consiste à rendre les usagers du web propriétaires des données qu’ils livrent sur la toile.

De toutes ces propositions, celle qui consiste à voir la propriété comme un monopole qu’il faudrait abroger pour étendre le marché est probablement la plus originale. C’est aussi la proposition qui a été la plus débattue [4]. On peut alors présenter succinctement les quatre autres propositions et revenir à la fin plus longuement sur les arguments avancés par les deux auteurs dans leur chapitre 1.

Quadratic voting (Chapitre 2)

Posner et Weyl soutiennent que la crise de la démocratie trouve ses origines dans l’existence de choix binaires du type « je vote pour A et non pour B ». La solution est de se rapprocher de l’économie de marché et de la manière dont les prix informent sur la disposition que chacun est prêt à payer. Ils proposent un nouveau mode de scrutin : le quadratic voting. Les électeurs sont dotés du même nombre de crédits de vote. Ils peuvent ensuite répartir ces crédits sur chaque vote comme ils le souhaitent. Ils peuvent, si telle est leur volonté, mettre tout leur crédit sur une seule votation. Ils révèlent ainsi la valeur qu’il lui accorde. L’intérêt d’un tel système est de donner un pouvoir de véto à des minorités bien organisées qui pourraient bloquer des réformes pourtant voulues par des majorités moins mobilisées. Un tel système ne fait que mimer le marché, mais n’est pas un marché. Comme tout le monde a le même nombre de crédit, le paradoxe du vote reste prégnant. Le nombre des crédits de chacun ne permet pas de se rapprocher d’une situation où l’électeur est quasi certain de pouvoir obtenir ce qu’il veut.

Visas between individuals program” (Chapitre 3)

Le Chapitre 3 porte en fait sur la question de l’immigration. Les deux auteurs s’accordent avec Somin (2020)[5] sur les bénéfices d’un monde ouvert, sans frontière. Comment dès lors donner la possibilité aux citoyens des pays pauvres de bénéficier de la mobilité ? En levant la principale barrière à une société sans frontière : les coûts que doit supporter l’immigré à faible revenu. Ils proposent donc un « Visas Between Individuals Program ». Ce visa permet à chacun de sponsoriser un migrant. L’immigré est alors accueilli par une famille qui en tire un bénéfice car le visa prévoit que l’immigré verse une partie de son revenu à son « sponsor ».

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