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Pourquoi la compétitivité européenne n’est pas au rendez-vous

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La productivité du travail par tête représente la quantité de richesses créées par heure et par salarié. Elle est un bon indicateur de la dynamique d’une société. Son amélioration est due en grande partie à la technique et à son usage. Quand la personne humaine peut, grâce à la technologie, produire plus en travaillant moins, elle réduit son temps de travail tout en obtenant une rémunération plus importante.

L’amélioration de la productivité a été le facteur déterminant du progrès social et économique dans le monde depuis la révolution industrielle du XIXème siècle. L’arrivée de métiers à tisser beaucoup plus efficaces a provoqué la rébellion des luddites en Angleterre (1811-1816) et des canuts à Lyon (1831-1834). Mais dans le temps, elle a aussi, non sans luttes syndicales, permis l’amélioration du sort des ouvriers. Les gains de productivité sont toujours plus ou moins répartis entre les différentes parties prenantes de l’entreprise : les clients, les fournisseurs, les actionnaires, les dirigeants, les salariés, sans négliger l’Etat qui en profite aussi en améliorant le produit de ses impôts.

A l’inverse, la régression de la productivité, c’est aussi celle de la société. Parce que si le rendement du travail est moindre, soit il faut travailler plus pour la même rémunération du travail et du capital, soit il faut réduire les rémunérations, soit accroître les prix ce qui revient au même. La baisse de la productivité augmente souvent les inégalités en faisant peser l’effort à consentir sur les salariés les moins qualifiés qui peuvent être les premiers licenciés.

La différence de productivité Etats-Unis/Europe

Après les années difficiles de la Covid, le PIB américain par heure travaillée était à la fin de l’année 2023 en hausse de 6 % par rapport à son niveau du quatrième trimestre 2019. Les Etats-Unis ont retrouvé leur rythme de progression qui, selon le cabinet McKinsey (étude de février 2023), a été de 2,2 % par an depuis 1945, entraînant une hausse de salaire annuelle de 1,9 %. Le même cabinet a noté (juillet 2023) qu’entre 2010 et 2020, l’Union européenne a enregistré une croissance annuelle moyenne du PIB par habitant de 0,8 %, soit moitié moins que celle des Etats-Unis (,7 %).

En France, au 3e trimestre 2022, observe la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), la productivité par tête des branches marchandes non agricoles est bien en deçà de son niveau pré-crise (-3,0 % par rapport au 4e trimestre 2019). Elle est également nettement inférieure à la tendance qui prévalait avant la crise (-6,4 %). La productivité s’est également repliée de 2,2 % en Espagne entre 2019 et 2022 et de 0,4 % en Allemagne.

Selon la Dares (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques), la baisse de la productivité française s’expliquerait, à hauteur de 1,4 point, par la croissance très forte des emplois en alternance/apprentissage qui ont une très faible productivité. Mais ça n’explique pas tout.

La croissance a besoin de liberté

Depuis 2010, les entreprises américaines ont augmenté sensiblement les sommes consacrées à la R&D (recherche et développement expérimental) et en technologie qui sont deux fois plus importantes que celles des entreprises européennes en pourcentage de PIB. Elles trouvent plus facilement des capitaux, notamment en faisant appel aux fonds de pension.  Elles gèrent aussi plus facilement leurs effectifs.

Yann Coatanlem observe, dans le Financial du 27 février dernier, que la mise en œuvre de plans de restructuration aux Etats-Unis prend 4 à 8 mois au plus quand en Europe elle exige un ou deux ans. Les coûts d’adaptation aux évolutions du marché sont en Europe dix fois supérieurs à ce qu’ils sont Etats-Unis. Ce pourquoi les firmes américaines ont plus de capacités et d’agilité pour investir dans l’IA et y adapter sans délai leurs modèles de développement.

Dans une conférence donnée à Florence le 16 février 2024, Isabel Schnabel, membre du bureau exécutif de la Banque centrale européenne, a souligné que les firmes européennes grandissent plus difficilement en Europe qu’aux Etats-Unis parce que les effets de seuil freinent leur développement : 60% des employés travaillent dans des entreprises de plus de 250 employés aux USA, mais seulement 12 à 37%, selon les pays, en Europe. En outre, constate-t-elle, dans de nombreux pays européens les contraintes administratives qui pèsent sur les startups, plus innovantes, sont plus importantes que dans les autres économies avancées.

L’Europe préfère taxer et multiplier les normes plutôt que de favoriser l’innovation : l’Union européenne vient de réduire de 2,1Md€ les ressources d’Horizon Europe, son principal programme de financement de la recherche et l’innovation. Elle est obsédée par les risques climatiques et écologiques dont ses dirigeants se complaisent à augmenter l’importance pour faire grandir leur propre pouvoir. Dans l’intérêt de la planète qui surpasse de loin celui des personnes humaines, elle administre tous les domaines ! Et alors même qu’elle se dit prête à entendre les agriculteurs qui demandent à être libérés d’un excès de charges administratives, le Parlement européen vient de voter, le 27 février, avec les voix des eurodéputés macronistes de Renew, un règlement sur « la restauration de la nature » qui, malgré quelques atténuations par rapport au texte initial, dicte aux agriculteurs des obligations coercitives pour augmenter la part des haies, des pollinisateurs ou l’agroforesterie, remettre en état d’ici 2030 au moins 30 % (et de plus en plus jusqu’à 90% en 2050) des forêts et des tourbières drainées, et plus généralement les écosystèmes agricoles, marins ou côtiers dégradés de chaque État membre.

Pour retrouver la croissance et la prospérité, il suffit sans doute de renoncer à la folie normative qui s’est emparée de l’Europe. Mais cette folie est peut-être moins folle que politique, voire idéologique de la part des doctrinaires de la décroissance qui y renouvellent leur marxisme déchu.

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11 commentaires

louis 4 mars 2024 - 9:28

a propos des salariés en europe l’union a décider de faire venir 50 millions d’africains le medef en france demande 5 millions de migrants en plus est ce uniquement pour des problemes démographiques ? nous prendraient vraiment pour des blaireaux ?😂

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Dr Guy-André Pelouze 7 mars 2024 - 3:33

Il faut lire et relire Gary Becker sur l’immigration en effet.

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Marsaudon 4 mars 2024 - 10:34

oui..mais si on retravaillait tous un peu plus, en supprimant dans le même temps une partie des emplois parasites inutiles ?

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Laurent46 4 mars 2024 - 5:28

OUI vous avez un peu raison mais je prendrais les choses à l’envers en supprimant tout d’abord les emplois parasites inutiles et en particuliers la moitié des inutiles de la politique et refermer la porte à « la Démocratie a un coût » qui en venu en même temps que les 35 h et qui a ouvert tous les robinets des Etats de l’Europe et en particulier de la France qui en a donné l’exemple.

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Jean-Aymar de Sékonla 4 mars 2024 - 12:10

Pour retrouver la prospérité il faudrait surtout se débarrasser des profiteurs parasites stériles qui prospèrent. Je parle de ceux qui, incapables de créer, inventent des idéologies imbéciles pour se donner des rôles de défenseurs de l’humanité (c’est plus valorisant qu’avouer son imbécilité stérile). Ces baratino-litteraires qui se disent « progressistes! » en seraient encore à l’age des cavernes sans les technico-scientifiques, véritables responsables du progrès et bienfaiteurs de l’humanité.
Ce sont eux qui sont à la base du véritable progrès:
– Santé (bientôt 10 milliards d’humains sur la planète).
– Alimentation (conservation des aliments par le froid, plus de famines)
– Mobilité (Automobile, trains, navires, avions: échanges commerciaux.
– etc.
Aujourd’hui la richesse créée est spoliée par une caste de technocrates fonctionnaires malfaisants… 2/3 du PIB français captés par la fonction publique!
Revenons à 1/3 et tout ira mieux… si les baratino-litteraires stériles veulent bien se mettre à créer, plutôt qu’au chômage… et là c’est pas gagné.

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Farid 4 mars 2024 - 12:12

Telle la lente et inéluctable décroissance d’une économie communiste

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Dr Guy-André Pelouze 7 mars 2024 - 3:31

En effet notre dépense publique est Brejnévienne.

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Laurent46 4 mars 2024 - 5:25

On ne peut pas se mêler des guerres à travers le monde entier, donner des Millions à qui veut, entretenir toute la misère du monde pour cela taxer et piller la population tout en leur imposant des contraintes sorties des centres psychiatriques et vouloir une compétitivité, c’est contraire à toutes les lois mathématiques mais demander un tel raisonnement à toute cette formation musicale administrative relève de l’impossible et comme ils sont de plus en plus nombreux (ses) la nouvelle musique des billes n’est pas encore terminée.

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Jean Guicheteau 7 mars 2024 - 1:22

La productivité est due à 2 facteurs ce me semble : une énergie abondante et pas trop chère, des innovations, pas forcément techniques mais surtout managériales. Les USA ont cela et pas l’Europe surtout depuis la crise du gaz. Mais attention : le PIB qui mesure essentiellement l’évolution en volume et monétaire de l’économie rend de moins en moins compte de la vraie croissance des économies qui est surtout qualitative et fait baisser les coûts.

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Dr Guy-André Pelouze 7 mars 2024 - 3:30

Excellent article.
La France cumule les handicaps en Europe et dans l’UE. Mais cette fois c’est au moins toute la zone euro qui est en difficulté. Deux points:
1/ Comme la BCE a une règle sur l’inflation, dans un équilibre économique elle devrait avoir un impératif de croissance économique. Or ce n’est pas le cas. Son approche de la politique monétaire est donc biaisée.
Pourquoi l’objectif d’une croissance économique est encore plus important en Europe?
Parce que nos économies sont très différentes mais leurs dépenses publiques sont élevées. Or à ce niveau de dépense publique il ne peut y avoir de compétitivité concurrentielle avec les pays de l’OCDE hors UE. La dépense publique provoque un crowding out effect sur l’offre privée et surtout marchande.
2/ La R&D de l’UE est bien inférieure à celle des USA mais aussi de la Chine, non seulement en argent investi mais aussi en résultats.
Les causes sont complexes s’agissant d’une activité de très haute valeur ajoutée quand la R&D est menée du début à la fin par une exigence de solutions mais au contraire un terrible gaspillage de capital si la chaine est interrompue.
Je voudrais insister sur le rôle des universités en concurrence aux USA comme en UK. Ce facteur est ignoré en France car il n’y a que des universités d’état qui cultivent la conformité plutôt que la R&D. Or très souvent les aventures commencent là. Le vivier universitaire des STEM existe mais il est beaucoup plus stérile. Le sang nouveau ne peut venir que d’universités privées et le plus tôt sera le mieux.
Parlons argent. Il est illusoire de croire qu’un pays qui a 46% de PO avec 36% du PIB en dépenses sociales et moins de 5% pour la R&D d’état puisse concurrencer les autres pays développés. Les fonds d’investissement à risque n’ouvrent aucune officine dans un pays aussi fiscalisé. Investir 100k euros, 1000K euros ou plus au risque de les perdre ne se conçoit que si quand il y a des fruits ils puissent être récoltés. Pour avoir du capital risque qui s’investit il faut accepter le profit et la déduction des pertes. C’est un peu différent de la gestion d’actifs dans un fond de pension. Enfin, s’agissant de la R&D nous ne tirons pas en France le meilleur du statut d’auto-entrepreneur. Il est urgent (comme prévu initialement) de laisser les AE s’assurer pour la maladie et la retraite auprès d’assureurs étatiques ou privés européens. En effet le CDI est devenu dans les activités à risque un épouvantail. En maintenant le poids des prélèvements sociaux sur les AE nous perdons des milliards de PIB. Combien? Personne n’a eu le courage de le modéliser…

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nanard 9 mars 2024 - 12:02

oui, la croissance a besoin de liberté et d’énergie !

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