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Justice : une autorité en souffrance, méprisée par le politique

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L’autorité judiciaire est la parente pauvre du budget français, 11ème poste de dépenses de l’Etat derrière les ministères de l’Ecologie, de la Cohésion des territoires et de la Santé et des solidarités. La méfiance du pouvoir politique envers le système judiciaire ne date pas d’hier, tout comme le sous-investissement chronique qui l’affecte. En 2014, l’IREF publiait une note de recherche sur ses moyens, ses effectifs et son efficacité, en se basant sur les données de 2010. Une dizaine d’années plus tard et après diverses réformes, la situation n’a guère évolué.

En 2018, on comptait 10.9 juges professionnels pour 100 000 habitants contre 24,5 en Allemagne

La justice souffre de dysfonctionnements et d’un sous-investissement. Elle reste enfermée dans un corporatisme étroit induit par la formation homogène des magistrats, issus en grande partie de l’ENM. Ils accèdent à des postes de la magistrature dès la sortie de l’école sans autre expérience que celle qu’ils ont acquise lors de stages. Malgré le passage obligé par l’ENM, certains postes ont été ouverts à des candidats extérieurs ensuite titularisés, et qui avaient déjà au moins huit ans d’expérience dans le monde judiciaire, mais la grande majorité sont réservés à ceux qui ont suivi la filière classique.

Un système judiciaire efficace et fonctionnel nécessite des effectifs en adéquation avec la population du pays. Pour la France, en 2010, le Conseil de l’Europe a constaté le nombre de 10,7 juges professionnels pour 100 000 habitants. En 2018, ce nombre atteignait 10,9. A titre de comparaison la médiane des pays membres du Conseil était de 17. Quant à l’Allemagne, elle se démarquait avec 24,5 juges professionnels pour 100 000 habitants, un chiffre stable depuis 2010. En d’autres termes, Les effectif n’ont que très peu évolué en regard de l’augmentation de la population et les manques déjà criants au cours des décennies précédentes n’ont pas été comblés.

Le retard de la France est encore plus manifeste au regard du nombre de procureur similaire à celui de 2010, soit 3 pour 100 000 habitants. Signe du sous-effectif français, la médiane s’élevait, en 2018, à 11, 2 procureurs pour 100 000 habitants au sein des pays membres du Conseil de l’Europe. En Allemagne, leur nombre pour 100 000 habitants a augmenté de 0,6, passant de 6,5 à 7,1 entre 2010 et 2018.

Le budget de la justice en France est seulement le 23ème budget des pays du Conseil de l’Europe

Sans moyens pour la justice, l’état de droit est fragile. Le rapport de la Commission européenne sur l’efficacité de la justice est terrible pour la France. Question budget, elle traîne en queue de peloton. Notons qu’il ne cesse d’évoluer, de 7,3 milliards de crédits de paiement en 2012 à 10, 06 milliards programmés pour l’année 2021. Malgré ces hausses, les dépenses de notre Etat destinées à la justice demeurent bien en deçà de celles de nos voisins européens. D’après le rapport de la CEPEJ, la France a dépensé 69,5 euros par habitant en 2018, soit 3,6 euros de plus qu’en 2016. L’Allemagne dépense 131,2 €/ hab et l’Autriche, 129,4€/ hab (chiffres 2018), soit le double de la France. Idem lorsque l’on compare avec un pays de culture juridique latine proche de la nôtre : l’Italie par exemple dépense 83,17€ / hab. La faiblesse structurelle des fonds alloués à la justice a une conséquence directe et visible sur son fonctionnement. La France souffre de gros retards dans le traitement des dossiers. La durée estimée d’une affaire poursuivie devant une juridiction civile en première instance est de 420 jours. Alors que, selon le rapport de la CEPEJ, au moins 50% des pays européens bouclent la résolution des affaires civiles de première instance en 194 jours…

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En France en 2018, si l’on fait la moyenne des trois juridictions, on obtient un résultat de 367 jours pour la résolution d’une affaire devant une juridiction de seconde instance, contre 322 en 2012. Malgré une Hausse des moyens, le nombre d’affaires portées devant la justice a aussi augmenté. Cet élément conjugué avec la stagnation des effectifs a entraîné une augmentation des temps de résolution. Il était donc inévitable que le service se dégrade.

En 10 ans peu de réformes ont su apporter une réponse concrète aux manques de l’autorité judiciaire

En novembre dernier le ministre de la Justice a vanté l’augmentation de 8% du budget du ministère dans le projet de loi de finance 2021. Une hausse nécessaire puisque nous avons seulement le 23ème budget des pays du Conseil de l’Europe . Mais à quoi va-t-elle servir ? La question des effectifs est cruciale, si l’on veut améliorer l’efficacité de la justice. Dans notre pays, la formation des magistrats se fait obligatoirement au sein de l’ENM, soit après un cycle universitaire, soit après quelques années d’une carrière juridique. Ce système exclusif est très restrictif, il limite aussi le recours à des juges occasionnels payés à la mission pour combler les manques. La France privilégie un système de magistrats qui ont le statut de fonctionnaires et sont inamovibles. En Angleterre, le recrutement est beaucoup plus souple et beaucoup plus pragmatique : les magistrats ne sont pas fonctionnaires et nombre d’entre eux sont occasionnels, appelés pour leurs connaissances d’experts et de techniciens dont la compétence confère un plus haut degré de légitimité au système judiciaire.

Enfin, notre idéal démocratique paye le prix de ces failles. Pour l’année 2020, le journal The Economist classait la France 24ème dans son Indice des démocraties derrière des pays comme l’Ile Maurice, Taiwan ou le Costa Rica. Surtout, d’après un sondage IFOP, 62% pensent que notre justice fonctionne mal et seuls 53% lui font confiance.

Entre 2014 et 2021, la situation a peu évolué. Le budget a augmenté d’environ 30% mais reste largement insuffisant au regard de l’impératif démocratique d’un système judiciaire indépendant, bien formé et capable de juger dans des délais raisonnables. Le nôtre en est encore loin et aucun gouvernement ne semble avoir encore pris la mesure des problèmes structurels qui l’empêchent de progresser. Les ministres de la Justice qui se sont succédé étaient pour la plupart des énarques sans expérience professionnelle du monde judiciaire. Mr Dupont-Moretti, avocat dont la carrière est bien connue, fait exception. Cette expérience lui donne une certaine légitimité, d’autant qu’il a postulé des idées de réformes qui allaient dans le bon sens. Mais il sera jugé sur ses résultats !

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3 commentaires

Laurent46 30 avril 2021 - 5:23

Justice : une autorité en souffrance, méprisée par le politique
Je voudrais bien savoir ce que ne méprise pas la politique en-dehors des intérêts que cela leur procure.
Le vrai mépris va vers le peuple de France, celui qui bosse pour les payer.
Le Roi de France et les Seigneurs locaux sont de retour. Il serait grand temps qu’un nouveau Robin des Bois se montre et encore leur violence répressive sera peut-être trop forte et touchera une fois de plus toute la population.

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VIGNELLO 30 avril 2021 - 6:26

Par ce su’elle le vaut bien !
Cette Autorité est conforme à la fable de la grenouille et du boeuf. Autorité qui se veut Pouvoir en ignorant la victime et en protégeant le criminel. Et si simplement, ayant autorité sur la prison, elle demandait à ses condamnés de payer comme doivent le faire nos anciens en EHPAD dont le seul crime est la vieillesse et le service rendu à la Nation
C’est le Mur des Cons !

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Armelle 30 avril 2021 - 9:27

Justice – statut et formation des Juges
Manque de moyens certes mais le statut de Fonctionnaire n’arrange pas les choses. Il ne se justifie effectivement pas pour les Juge. Sauf erreur les tribunaux de commerce p. ex. ne fonctionnent pas avec des Juges fonctionnaires. Ajoutez au statut, l’absence de sanction, la formation visiblement pas tout à fait à la hauteur des enjeux… sans compter les syndicats et on comprend que les nécessaires investissements devront être assortis d’une sérieuse refonte de notre système judiciaire. Bon courage Monsieur le Ministre.

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