Une petite communauté de lumières dans un immense enfer de ténèbres, tel est le dernier beau récit d’Andreï Makine qui laisse derrière lui, malgré toute sa poésie, un sentiment de tristesse infinie.
Il faudra du temps au jeune narrateur pour comprendre la raison d’être de Vardan, son petit protégé caucasien, bouc émissaire d’une bande de voyous soviétiques mais ange tombé du ciel d’Arménie : il relève la prostituée enivrée, remarque ce que nul autre ne prend le temps de voir, la beauté d’un envol d’oies sauvages ou la main d’un prisonnier touchant le ciel à travers des barreaux. Pourquoi Vardan si fragile ou Sarven le vieux sage, Gulizar l’amoureuse ou Chamiram la généreuse, tous d’origine arménienne, se retrouvent-ils en Sibérie centrale, au milieu de nulle part, dans un quartier dénommé « le Bout du diable » ?
C’est ce que va apprendre peu à peu le jeune Makine et ses découvertes sont loin d’être finies. Il lui faudra toute une vie pour réaliser l’héroïsme de cette communauté venue s’installer près de ses proches, prisonniers politiques dont elle attend les jugements dans le plus grand dénuement. Par la sobriété du style qui creuse l’abîme entre la bêtise et la bonté humaines, par le point de vue d’un enfant qui ouvre la voie à « une autre dimension d’existence », ce livre est une leçon d’Histoire autant que d’espoir : Vardan, persuadé que le ciel est autant « sous nos semelles » qu’au-dessus de nos têtes, symbolise par son courage silencieux les nombreux sacrifiés qu’Andreï Makine ne peut et ne veut oublier. Inconditionnels de Makine, ce livre vous enchantera !
L’ami arménien par Andreï Makine
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