C’est peu dire que le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, examiné le 10 juin par l’Assemblée nationale avant de l’être par le Sénat le 8 juillet prochain, apparaît en complet décalage avec l’ampleur alarmante des chiffres du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3), qui a vocation à être définitivement adopté à la fin du mois de juillet. Ainsi, le déficit public, qui s’élevait à 3 % du PIB à la fin de l’année 2019, devrait s’établir à 11,4 % fin 2020 selon le PLFR 3. L’endettement public, qui s’élevait à 98,1 % du PIB en 2019, devrait dépasser les 120 % à l’issue de l’année 2020. Quant aux recettes fiscales, si elles étaient en 2019 supérieures aux prévisions initiales, elles devraient cette année leur être inférieures d’environ 65 milliards d’euros.
L’exécutif a été incapable d’infléchir la trajectoire d’endettement et de redresser les comptes publics du pays
Malgré son anachronisme, l’examen du résultat 2019 mérite une attention particulière, tant il en dit long sur l’indiscipline financière structurelle de la France. Car à bien y regarder, l’étroitesse de nos marges de manœuvre budgétaires actuelles réside, non pas dans la diminution passée des prélèvements obligatoires, contrairement à ce que laisse accroire une large part de la majorité présidentielle, mais bien dans l’absence totale de maîtrise – et à fortiori de réduction – de la dépense publique depuis le début de la mandature. Si l’on retranche l’effet de la bascule du CICE en baisses de charges, la part des prélèvements obligatoires dans le PIB demeure ainsi identique en 2019 à ce qu’elle était en 2018, avec un taux de prélèvements constant de 44,8 %.
Côté dépense publique, en revanche, l’envolée atteint 1,8 %, soit un niveau trois fois supérieur à celui attendu initialement (+ 0,6 % du PIB), et une augmentation à un rythme inédit depuis la crise des subprimes de 2008. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, fait même remarquer dans son rapport que l’effort de maîtrise de la dépense sur les trois premières années du quinquennat d’Emmanuel Macron est inférieur à celui, déjà inexistant, engagé sous le quinquennat de François Hollande…
« L’austérité » est complètement « fantasmée ».
En dépit d’un contexte extrêmement favorable depuis 2017, avec en particulier un taux d’intérêt moyen payé sur la dette inférieur à la croissance nominale du PIB – fait tout simplement inédit depuis trente ans… –, l’exécutif a été incapable d’infléchir la trajectoire d’endettement et de redresser les comptes publics du pays. De 98,0 % du PIB en 2016, c’est-à-dire avant le début du quinquennat, le niveau de la dette publique s’est établi à 98,1 % en 2019, un niveau là encore identique à celui de 2018. La France est ainsi, avec l’Italie, l’unique grand pays de la zone euro à ne pas avoir réduit son endettement public. À titre de comparaison, le Portugal a réduit son ratio d’endettement public de 4,3 points de PIB, les Pays-Bas de 3,8 points, l’Autriche de 3,6 points, l’Allemagne et l’Espagne de 2,1 points. Il est significatif que nous ayons abordé la pandémie de Covid-19 avec dette publique tutoyant les 100 % du PIB, soit un écart de 40 points avec l’Allemagne, alors même que nous étions avant la précédente déflagration de 2008 au même niveau d’endettement que notre voisin allemand.
Ce rapide tour d’horizon suffit à confirmer la singulière incapacité des gouvernements français à profiter des périodes économiques favorables pour reconstituer les équilibres financiers de l’appareil d’État. Plus dramatique encore est, dans ces conditions, la perpétuelle litanie de complaintes sur une « austérité » que l’on a d’autre choix que de qualifier de « fantasmée ».