Si l’absence de repreneur pour l’aciérie Ascoval serait un drame social, il serait encore plus catastrophique de mettre l’usine de Saint-Saulve sous perfusion de subventions.
Une douche froide pour les 281 salariés. Une « tromperie » selon Bercy. Le groupe Altifort, le repreneur désigné par le tribunal, n’a pas réussi à rassembler les fonds nécessaires pour sauver l’aciérie Ascoval située à Saint-Saulve dans le département du Nord.
Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, a affirmé ne pas vouloir jeter l’éponge. Le gouvernement doit-il s’acharner à sauver cette entreprise et éviter ainsi un drame social ?
Chronique d’un échec industriel
Créée en 1975 et détenue jusqu’en 2016 par le groupe parapétrolier Vallourec, l’aciérie de Saint-Saulve produit des ronds de coulée continue notamment pour l’industrie pétrolière et gazière.
Face à la chute du baril, Vallourec s’accorde avec Ascométal, spécialiste français des aciers longs spéciaux, pour reprendre l’aciérie en créant Ascoval, une coentreprise, début 2017.
Mais quelques mois plus tard, en novembre 2017, Ascométal, à son tour en difficulté, est placé en redressement judiciaire.
Début 2018, le sidérurgiste suisse Schmolz-Bickenbach est désigné par le tribunal comme le repreneur d’Ascometal, mais le groupe ne veut pas conserver Ascoval. Il ne reste alors plus qu’une année de commandes en attendant de trouver un repreneur pour l’aciérie.
En juillet, le groupe franco-belge Altifort se porte candidate à la reprise. Vallourec refuse d’investir pour soutenir ce repreneur, car il ne croit pas à la viabilité du projet. L’État décide de s’impliquer.
Fin décembre, le financement du plan de reprise, validé par le tribunal, prévoit 152 millions d’euros :
• 47 millions d’euros de fonds publics sous forme de prêt : 25 millions de l’État, 12 de la région Hauts-de-France et 10 de Valenciennes-Métropole,
• 35 millions d’apports d’Altifort : 10 millions en fonds propres et 25 millions via un emprunt obligataire,
• 40 millions d’euros de crédit-bail pour le financement d’un futur train à fil,
• 30 millions d’euros d’affacturage.
Le 21 février dernier, retournement de situation. Altifort annonce qu’il n’a pas réussi à obtenir les financements externes prévus, et ce, malgré le soutien massif de l’État et des collectivités locales. Le gouvernement se donne encore un mois pour trouver un autre repreneur.
Ascoval doit-elle être sauvée à tout prix ?
Schmolz-Bickenbach n’en veut pas, Vallourec n’y croit plus, Altifort perd ses investisseurs : Ascoval a-t-il toujours sa place sur le marché ? L’aciérie est devenue en quelques mois une entreprise à l’agonie qui ne survit plus qu’avec le soutien de l’État.
Le gouvernement ne veut pas de drame social. Peu importe si cela nécessite le renfort de millions d’euros du contribuable. Peu importe s’il pourrait être plus profitable d’investir ces millions dans une autre entreprise. Peu importe s’il pourrait être moins coûteux de financer la reconversion professionnelle des salariés.
La situation est une impasse politique. Il y a trois ans déjà, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, fait la promesse aussi irresponsable qu’électoraliste qu’il n’y aura « aucune fermeture et aucun départ contraint ». Le discours de vérité est devenu politiquement impossible.
Mais le marché de la sidérurgie ne se plie pas aux bonnes intentions des politiciens, pas même à la volonté du leader suprême de la Startup Nation. Redresser une aciérie est une opération d’une grande complexité qui nécessite un capitaine d’industrie chevronné. Seule une telle personne pourrait juger de la viabilité d’Ascoval. Pas une brochette d’énarques aussi irresponsables qu’incompétents. Et visiblement, personne ne se bouscule au portillon.
La perte d’emploi industriel ne crée pas de chômage
Qu’une usine ferme est dramatique pour les salariés licenciés, mais n’est pas anormal. Les produits ne sont pas éternels. Ils deviennent tous un jour obsolètes et leur production n’a plus lieu d’être. C’est le cycle de vie classique d’une industrie.
La plupart du temps, les usines mises sous perfusion de subventions vivotent quelques années avant de fermer, même si des exceptions existent.
L’important n’est pas que les usines ferment, mais que d’autres puissent les remplacer. Malheureusement, la France ne brille pas en termes de productivité, d’innovation et, surtout, d’environnement réglementaire, véritable fléau dans notre pays (Eurostat).
Le patron de Safran a d’ailleurs récemment poussé un « coup de gueule » à ce sujet. Il dénonce la bureaucratie et le mille-feuille administratif qui l’empêchent d’ouvrir deux usines en France.
L’industrie n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de la lutte contre le chômage. Comme les exemples allemands et anglais le montrent, une baisse de l’emploi industriel ne s’accompagne pas forcément d’une hausse du chômage. Comme le rappelle une récente étude de l’IREF, l’industrie doit surtout se libérer de l’interventionnisme de l’État.
Le temps, l’argent et l’énergie dépensés à sauver en vain des entreprises à l’agonie pourraient être alloués à de la reconversion professionnelle ou à d’autres investissements profitables. Le gouvernement devrait se concentrer sur l’inclusion du marché du travail, une fiscalité moins spoliatrice, la réduction de la bureaucratie et la levée des réglementations corporatistes. Vouloir passer pour le sapeur-pompier de l’industrie est politiquement profitable, mais dévastateur pour la compétitivité nationale.
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Est-ce la vraie question ?
La vraie question qu'il faut se poser est la raison qui fait que les entreprises sont majoritairement à l'agonie en France et que d'autres quittent le pays pour s'installer sous des cieux plus cléments. Être le pays le plus taxé au monde, être le pays avec des contraintes stupides parmi les premiers au monde, être dans un pays avec une visibilité politique parmi les plus pourries au monde à un COÛT.