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Réforme de l’apprentissage : le bon, le moins bon et le mauvais

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Pour le Premier ministre, Edouard Philippe, il s’agirait d’une « révolution copernicienne ». C’est la réforme de l’apprentissage bâtie autour d’une vingtaine de mesures. Celles-ci ne feront pas une « révolution » et risquent même de rendre le système difficilement gérable à terme. Et la réforme proposée est encore loin de ressembler à celles des pays qui ont le mieux réussi dans ce domaine.

Un peu plus de liberté et un peu moins d’étatisme

Pourtant, l’intention est louable. Déjà, en ne considérant plus l’apprenti comme la « victime » désigné du patron. Ce dernier ne risquera plus de se retrouver devant les prud’hommes s’il rompt le contrat au-delà de la période d’essai. Faciliter l’ouverture des centres d’apprentissage représente aussi une avancée. Jusqu’à cette réforme, les régions devaient accorder leur autorisation (et elles le faisaient beaucoup plus en fonction du personnel enseignant que des besoins en apprentis). Il y aura plus de liberté même si les régions auront leur mot à dire sur les conventions d’objectifs et de moyens. D’un autre côté, les CFA (centre de formation des apprentis) seront financés en fonction des contrats obtenus et des propositions de formations. Rendre l’apprentissage moins dépendant du secteur public est une bonne chose pourvu que le gouvernement tienne bon sur cet aspect.

Néanmoins, les grands bouleversements dont aurait eu besoin le système français n’ont pas eu lieu. Le chômage des jeunes est plus de trois fois plus élevé en France qu’en Allemagne (23 % contre 7 %) et pourtant il y a quatre fois moins d’apprentis ici que de l’autre côté du Rhin (400 000 contre 1 600 000). En France, le rôle de l’Education nationale est trop important dans l’apprentissage, surtout dans l’attribution des diplômes professionnels. Nous avons les CFA mais aussi les lycées professionnels. Il faudrait rapprocher les deux.
La réforme française de l’apprentissage confère aussi plus de pouvoirs aux branches surtout en termes de financement. Pas plus que pour la réforme du marché du travail, ce n’est la bonne solution. Les branches ont une représentativité territoriale assez faible et les syndicats peuvent en profiter. Avec le nouveau système – la contribution unique de 0.85 % de la masse salariale – les petites entreprises de moins de 11 salariés subiront une hausse des prélèvements.

L’entreprise devrait être au cœur du système

En fait, en s’inspirant des modèles qui marchent, ce sont les entreprises elles-mêmes qui devraient prendre en charge l’apprentissage. La réforme va dans ce sens, mais toujours sous le contrôle de l’Etat et des régions. En Allemagne, le système fonctionne selon le principe de subsidiarité : les Allemands considèrent qu’il appartient logiquement aux entreprises de gérer leurs besoins en termes de nouvelles compétences. La responsabilisation naturelle de l’entreprise donne à cette dernière la latitude de gérer au mieux ses besoins, qu’ils soient quantitatifs (nombre de nouveaux apprentis nécessaires) ou qualitatifs (contenu des compétences). Les PME allemandes sont à l’avant-garde en la matière : un quart des 3,5 millions d’entreprises investissent dans l’apprentissage. Les organisations professionnelles participent, par exemple en leur fournissant des locaux de formation. Les entreprises ont, elles, la connaissance directe évidente de leurs besoins, mais aussi du terrain. Dans ce contexte, un système « décentralisé » reposant sur les entreprises a toutes les chances de s’avérer supérieur à un système « centralisé » chapeauté par l’État et les régions. Les entreprises étant au cœur du système, elles en financent 92%. En France, la taxe d’apprentissage n’en couvre que 50%. La différence pour le contribuable est très importante.

En Suisse, deux tiers des jeunes optent pour une formation professionnelle initiale (apprentissage) et acquièrent par ce biais de solides connaissances professionnelles de base. Ils ont le choix entre près de 230 formations proposées par les entreprises en fonction des besoins. A partir de 15 ans, le jeune a la possibilité d’alterner l’étude théorique à l’école et les stages en entreprise. Les grandes caractéristiques de l’apprentissage suisse sont la flexibilité (temps d’essai, liberté signer un contrat, résiliation d’un commun accord, ou motivée, possible à tout moment) et la rentabilité pour les entreprises (rémunération non réglementée, qui dépendra de la région, du secteur, de la taille de l’entreprise, etc.). Ce n’est donc pas étonnant que plus de 40 % des entreprises suisses prennent des apprentis en formation et que le taux de chômage des jeunes soit à 6.4 %.

Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout dans cette réforme tellement nécessaire ? Les chiffres sur les jeunes qui travaillent en Suisse et en Allemagne auraient dû inciter les pouvoirs publics à plus d’audace au moins dans ce domaine. Loin d’une « révolution copernicienne », on peut craindre que la réforme de l’apprentissage ne soit déjà une occasion manquée.

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