Dans une Tribune intitulée « Vers un accroissement des inégalités » publiée dans la revue « Challenges » (n°441), l’économiste Christian Saint-Etienne se réjouit du système redistributif français qui aurait réduit les inégalités dans notre pays. D’après l’INSEE, le rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres est passé de 4.6 en 1970 à 3.6 en 2012. Bien évidemment, à l’autre extrême, l’auteur donne le mauvais exemple des Etats-Unis où l’accroissement des inégalités aurait eu « un impact négatif sur la croissance ». Depuis 30 ans, la forte hausse des inégalités aux Etats-Unis aurait contribué à un « paupérisation d’une partie de la classe moyenne et des catégories populaires » tandis que le revenu médian « n’a pas augmenté depuis 1990 ».
Face à ce terrible tableau, faut-il se réjouir de la situation française ? Pas vraiment. Commençons par quelques données méconnues en France. En réalité, l’Amérique est un pays très redistributif : les transferts sociaux (social-welfare programs) représentent environ 2 300 Mds de dollars par an, ce qui équivaut à 7 300 dollars/individu. On estime qu’environ 49 % des Américains font partie d’un programme « social-welfare ». Le budget alloué à ces programmes a même été mutiplié par 100 depuis 1960. Les (relatives) inégalités au sein de la société américaine ne sont pas du tout la conséquence d’une absence de système redistributif mais plutôt de la forte immigration et, paradoxalement, de la facilité de s’enrichir. La forte mobilité sociale aux Etats-Unis permet de devenir riche très vite mais aussi de perdre sa fortune en des temps record.
Christian Saint-Etienne soutient que le revenu médian américain serait resté stable depuis 1990. C’est vrai…en partie seulement. En fait, il a augmenté de 51 000 dollars/an en 1990 à 56 000 en 2007 pour baisser ensuite à cause de la crise, alors qu’en France il est passé de 12 000 euros/an en 1990 à 20 949 euros/an en 2013. Piètre consolation dans un pays où le chômage de masse est une constante depuis plus de 30 ans.
FRANCE | ETATS UNIS | |
Taux de croissance moyenne annuelle (1984-2014) | 1.8 % | 2.6 % |
Taux de croissance annuelle moyenne (1990-2014) | 1.5 % | 2.4 % |
World Bank, 2014 |
Aux Etats-Unis, depuis 30 ans, écrit Christian Saint-Etienne, les inégalités aurait « réduit la croissance potentielle ». Ce n’est pas vraiment le cas si l’on regarde les chiffres. Entre 1984 et 2014, l’Amérique a connu une croissance moyenne de 2.6 %/an contre 1.8 %/an pour la France, pays où les inégalités ont baissé. Sur la même période le PIB/habitant a été multiplié par 3 aux Etats-Unis ! Tandis que le taux de chômage est passé de 7 % à 5.3 %. En France, on a assisté au phénomène inverse : de 8 % à 10.5 % de chômage. Si nous prenons les années 1990-2014, les résultats sont pratiquement les mêmes : la croissance du PIB américain a été de 2.4 %/an en moyenne contre 1.5 % en France.
Sur les deux périodes, comparées, la croissance du PIB américain a été en moyenne de presque 10 points plus élevée qu’en France. Contrairement à ce que soutient donc l’économiste Christian Saint-Etienne, la hausse des inégalités et la stagnation du revenu médian n’ont pas freiné la forte croissance économique américaine.
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réduction des inégalités
Un homme crée Google et un autre crée Facebook. Ils font fortune extrêmement rapidement. Ils créent des milliers d'emplois. Leurs salaires sont élevés, donc ils augmentent les inégalités.
Cent mille riches et/ou cerveaux quittent la France (exil fiscal). Formidable, on a réduit les inégalités. Mais la France s'est appauvrie.
Il est évident qu'il faut favoriser l'accroissement des inégalités, lorsqu'il s'agit d'inégalités positives, c'est-à-dire ayant un impact sur l'emploi et l'accroissement de l'appareil productif.
Si cinq Bill Gates venaient s'installer en France et avaient le même succès qu'avec le cas Microsoft, on créerait des centaines de milliers d'emplois et on aurait une "affreuse" augmentation des inégalités mais le pays serait nettement plus prospère.
Je ne connais pas de règle économique qui marcherait au plan microéconomique (faire venir 10 Steve Jobs en France et créer des richesses en aggravant les inégalités) et qui ne marcherait pas au plan macroéconomique. Christian Saint-Etienne est plus dans une posture idéologique.