Il est politiquement correct de dénoncer l’avidité des financiers qui, il est vrai, est parfois indécente. Mais ce sont les Etats et leurs institutions qui alimentent cette finance folle en pratiquant des taux artificiellement bas, en créant trop de monnaie, en favorisant l’endettement public… et en faisant grossir des bulles tour à tour financières et immobilières (Japon, 1992/93), immobilières et monétaires (Asie du Sud-Est, 1997/98), sur les actions (USA, 2000), immobilières (en Europe, années 2000), sur les marchés de l’immobilier (subprime) et plus généralement financiers avec la grande crise qui coure depuis 2008.
Ces bulles sont généralement le fait d’une augmentation trop importante de la masse monétaire et du crédit bon marché, notamment par rapport à la croissance du PIB, qui crée un emballement haussier spéculatif de plus en plus fragile et susceptible de provoquer des défauts en cascade le jour où la défiance s’installe à l’égard de cette « exubérance irrationnelle ».
Il faut craindre que les leçons du passé n’aient pas été entendues et que les politiques de création monétaire (Quantitative Easing) des banques centrales et particulièrement de la BCE génèrent de nouveaux risques susceptibles de se réaliser dans un avenir plus ou moins proche sur les marchés des actions et des obligations.
En Europe, en rachetant désormais 60 Md€ par mois de créances et surtout des obligations d’Etat, représentant environ 7% du PIB de la zone euro, la BCE va être obligée d’acquérir sur le marché secondaire non seulement des emprunts émis par les Etats pour financer leur dette courante, mais également des titres du stock existant. Ce faisant, elle assèchera les valeurs sécurisées disponibles sur le marché et contraindra les emprunteurs à souscrire des titres plus douteux dont le risque de défaut sera au plus haut lorsque les premières tensions se feront jour, et c’est aussi comme ça que les bulles éclatent. Surtout que dans le même temps la politique de rachat de la dette publique peut être considérée comme une incitation des Etats à emprunter plutôt que de mettre en œuvre des mesures de restructuration plus douloureuses. Et que les taux d’emprunt artificiellement bas incitent à de mauvais achats et maintiennent en vie de manière tout aussi artificielle des entreprises bancales. Et que les contraintes imposées aux banques en termes de ratios de capitalisation notamment rendront plus difficiles leur intervention le jour au secours des établissements défaillants le jour où il le faudra.
Ce jour est peut-être proche car dans le même temps, sur le marché boursier, le PER (Price Earning Ratio, soit le cours sur bénéfice des actions) aux Etats Unis a atteint le niveau, déjà déraisonnable, indice annonciateur des bulles, de plus de 26 en fin d’année 2014, et les cours européens sont en train de le rattraper. Une euphorie maladive a atteint les bourses européennes dopées par le Quantitative Easing, tandis que le maintien de taux très inférieur aux marchés favorise en fait la déflation dans laquelle l’Europe peut s’enliser, comme le Japon depuis 20 ans, à défaut de réformes structurelles.
La conception même de la monnaie unique est viciée à la base en Europe. Les ratios à respecter initialement fixés pour rester dans la zone euro, soit pour chaque pays de ne pas dépasser un endettement de plus de 60% et un déficit public de plus de 3% du PIB, ne sont plus respectés par beaucoup. Désormais la seule exigence, dont l’échéance est reportée d’année en année pour certains pays, est de faire revenir le déficit à 3% alors même que lorsque la croissance est inférieure à ce seuil, celui-ci suppose que la dette continue à croître. Et un jour ces dettes ne seront plus supportables, comme en Grèce. Or parallèlement l’Europe a désormais admis qu’il fallait sauver les Etats membres par tous les moyens. Depuis 2008, plus de 1 000Md€ ont été consacrés au sauvetage des pays du sud de l’Europe, dont plus de 200Md€ (plus de 120% de son PIB !) pour la Grèce, la dette grecque étant à ce jour pour plus de 80% dans les mains des Etats et Institutions financières publiques (BCE, FMI…).
Cette attitude est insensée et l’Europe ferait mieux de s’inspirer des règles que suivent les grands Etats fédéraux ou confédéraux. Aux USA comme en Suisse, l’Etat central, fédéral ou confédéral, n’a aucune obligation de venir au secours des états ou des cantons en difficulté. Les villes américaines peuvent faire faillite comme Détroit en a fait l’expérience. Chaque année, les banques des états membres du système fédéral de réserve doivent apurer leurs comptes entre elles par transferts d’actifs. C’est ce qui fait que les taux d’emprunt des états sont différents et les électeurs en jugent. Si l’Europe qui n’est pas même une Fédération respectait ses traités fondateurs et s’interdisait tous transferts financiers entre ses membres, ou du moins imposait un règlement régulier des soldes, elle éviterait la situation de risque dans laquelle elle est aujourd’hui.
Car la question des politiques d’austérité a été mal posée. Ce dont les acteurs de l’économie, entrepreneurs et consommateurs, ont besoin, c’est de plus de liberté. Il faut les obliger à mieux assumer leur responsabilité en arrêtant de les prendre en charge pour tout. S’obliger à réduire la dépense publique permet tout à la fois de supprimer des milliers de normes inutiles et de retrouver de l’efficacité génératrice d’économies autant que d’éviter les hausses d’impôt, voire de favoriser une réduction de la charge fiscale. Manuel Valls a reconnu que la hausse des impôts depuis trois ans avait « étouffé l’économie française ». D’autres mesures auraient permis d’y remédier : suppression du statut de la fonction publique, sauf pour quelques fonctions régaliennes, et de certains monopoles syndicaux, allègement des contraintes administratives pour licencier, mettre des produits sur le marché, construire, ouvrir un établissement au public…, consolidation des retraites par le développement de la capitalisation, mise ne place d’impôts proportionnels et suppression des niches fiscales…
Le Portugal a retrouvé la confiance des investisseurs ainsi qu’en témoigne l’emprunt sur deux ans à taux négatif qu’il a émis ces dernières semaines. L’Irlande a connu une hausse de 4,6% de son PIB en 2014. Ces pays ont fait d’immenses efforts pour réduire leurs dépenses publiques, moins 20% en Irlande, et pour garder une politique fiscale mesurée à l’intérieure et attractive à l’égard de l’extérieur. Tout n’y est pas parfait et la situation y est encore fragile. Mais c’est néanmoins un exemple à suivre.
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L'escroquerie légale des états !
Le Q.E. ou planche à billets consiste à fabriquer dans la cave des banques centrales (USA, Japon, Pays d'Europe) des faux billets, sans la création d'aucune richesse tangible, à l'inverse de l'économie réelle.
Ces faux billets vont alimenter uniquement les marchés financiers mais jamais l'économie réelle, puisque l'économie réelle ne fonctionne pas selon les méthodes des escrocs mais celles du bon sens et de la raison.
Regardez les scores du CAC 40, entre autres indices mondiaux, il se porte très bien depuis le début de l'année date à laquelle "super Mario" et la B.C.E. ont relancé la fabrication de billets de monopoly ?!
Ceux qui jouent en bourse feraient bien de réfléchir…. avant l'explosion de la bulle artificielle !
A bon entendeur…!