Le salaire minimum est la plus faible rémunération horaire, quotidienne ou mensuelle, que les employeurs sont légalement obligés de verser à leurs salariés. Il s’agit d’un instrument à la fois économique et politique dont la définition exacte et le montant dépendent des juridictions considérées.
En tant qu’instrument économique, c’est l’un de ceux ayant fait l’objet du plus grand nombre d’études théoriques aussi bien qu’empiriques. Mais aussi de controverses entre spécialistes, les désaccords portant d’abord sur les effets de ses variations sur l’emploi et ensuite sur son utilité en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté.
Les désaccords se retrouvent également dans la sphère politique. Aux États-Unis ils reflètent ceux qui divisent les économistes professionnels. En France, la nécessité sociale d’un salaire minimum paraît aller de soi avec des controverses récurrentes sur les bienfaits à attendre d’un salaire minimum réduit (ou SMIC-jeunes).
Les adeptes du salaire minimum prétendent qu’il garantit aux salariés de « justes revenus » et leur assure un niveau de vie acceptable. À ce titre, il représente une « avancée sociale » dont l’abrogation ou même la réduction constituerait une grave injustice. Par ailleurs, il maintiendrait une « concurrence loyale » aussi bien entre employés qu’entre employeurs qu’il empêcherait de se concurrencer en « sous-payant » leurs salariés et en pratiquant le « dumping social ». Du même point de vue, le salaire minimum faciliterait la cohésion sociale et rendrait plus juste la distribution des revenus en protégeant les travailleurs et leurs enfants de la précarité. Un salaire minimum, forcément égal pour les hommes et les femmes, participerait à la lutte contre les discriminations. In fine, ce serait donc un puissant instrument de « justice sociale » 1.
Ses opposants sont convaincus qu’il a pour conséquence une hausse du chômage surtout chez les jeunes sans expérience ni formation et que des aides directes seraient plus efficaces pour sortir les gens de la pauvreté. Ils fondent leur argumentation tant sur la théorie économique que sur un grand nombre d’études empiriques (mais, comme nous le verrons, tous les économistes ne sont pas d’accord sur l’interprétation de certaines de ces études). Ces mêmes opposants estiment qu’un salaire minimum réduit pour les jeunes sans formation (comme cela se pratique aux Pays-Bas, par exemple) faciliterait l’intégration de ces derniers dans le monde du travail.
Qui a raison ? Faut-il oui ou non imposer des salaires minimums ? La réponse à cette question est difficile à donner dans la mesure où les pertes d’emplois (s’ils ont lieu) d’un côté et des gains pécuniaires et les satisfactions de justice sociale de l’autre ne sont pas commensurables. Difficile aussi parce que la preuve de l’existence de pertes d’emplois entraînées par l’introduction (ou la hausse) d’un salaire minimum est sujette à des interprétations économétriques contradictoires et que les partisans du salaire minimum avancent souvent des arguments idéologiques. Ajoutons que la question du salaire minimum ne se réduit pas à savoir s’il doit exister ou ne pas exister. Son niveau par rapport au salaire médian (ou moyen), son mode de réévaluation ou les éventuelles réductions accordées pour l’emploi des jeunes sans formation (ou des chômeurs longue durée) font partie de sa problématique.
Récemment, les partisans du salaire minimum ont marqué des points. Aux États-Unis où le salaire minimum fédéral n’a pas été ajusté depuis 2009, le président Obama a exprimé le souhait que le Congrès vote son augmentation de 7,25 à 10,10 $/ heure.
Sans attendre un tel vote, nombre d’États fédérés et de municipalités ont décidé d’augmenter, parfois considérablement, les salaires minimums locaux. En Allemagne, où Madame Merkel, obligée faute d’une majorité au Bundestag de former un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates, a du concéder à ces derniers l’introduction d’un salaire minimum national en 2015 (en remplacement des nombreux salaires minimums par branche négociés dans le passé entre patronat et syndicats). En Grande-Bretagne, le ministre de l’économie d’un gouvernement conservateur préconise un relèvement conséquent du salaire minimum de son pays.
Le présent ouvrage se divise en deux parties. La première est consacrée à la description de ce que sont les salaires minimums dans le monde en détaillant surtout la situation française et celle des États-Unis et de ses différents États fédérés. Elle est essentiellement factuelle et descriptive.
La seconde partie porte sur les justifications théoriques et empiriques du salaire minimum. Elle est davantage analytique. In fine sont tirées les principales conclusions concernant les effets du salaire minimum et ses applications.
Prévenons d’emblée nos lecteurs que la seconde partie de ce livre, présentant et analysant des résultats de recherches, est de nature technique. Elle est cependant nécessaire dans la perspective d’un panorama complet du sujet et de la compréhension des effets réels du salaire minimum, en laissant de côté les argumentaires idéologiques. Le lecteur non intéressé par cette section pourra se contenter d’en lire les principales conclusions.
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