Les Irlandais ont été durement touchés par la crise, mais aujourd’hui ils sont en mesure de rembourser les aides internationales qu’ils ont reçues et ils peuvent se financer sur les marchés. Le secret ? Ils ont refusé d’augmenter leur taux d’IS comme l’exigeaient les prêteurs et ils ont diminué les dépenses publiques avec une véritable austérité pour le gouvernement et les fonctionnaires.
L’Irlande a été l’un des pays les plus touchés par la crise de 2008. Les dépenses publiques et le chômage ont explosé, par l’effet direct de l’écroulement du secteur immobilier et des faillites bancaires. Fin 2010, l’économie du pays était à l’agonie, dont la dette et les déficits récurrents le prédestinaient à un avenir toujours plus morose. Dès 2011, le Fonds monétaire international et l’Union européenne venaient à son secours et débloquaient 85 Md€ d’aides financières, soit plus de la moitié de son PIB.
Dès 2011, le Fonds monétaire international et l’Union européenne venaient à son secours et débloquaient 85 Milliards d’euros d’aides financières, soit plus de la moitié de son PIB.
Le chantage au « dumping fiscal »
Les aides étaient assorties d’une condition : l’Irlande devait renoncer à son taux d’impôt sur les sociétés de 12,5 %, la « Triade » (FMI, UE, BCE) considérant d’une part que des taux supérieurs amèneraient plus de rentrées fiscales (ignorance de l’effet Laffer) d’autre part que ce taux constituait un scandaleux « dumping fiscal » puisque des capitaux affluent de tous côtés pour s’investir en Irlande sans subir des prélèvements spoliateurs.
Les Irlandais ont refusé ce chantage et étaient prêts à renoncer à l’aide internationale, mais ils ont eu le courage de garder leur taux de 12,5 %.
Trois années ont passé et l’Irlande s’affranchit enfin de ses créditeurs. Pour y parvenir, le pays n’a pas hésité à réduire drastiquement ses dépenses publiques. C’est au prix de ces sacrifices que l’Irlande a renoué avec la croissance et l’emploi.
Une « austérité » inimaginable en France
Bien évidemment, l’économie irlandaise n’est pas complètement remise. Sa dette, qui a été multipliée par 6 en 5 ans, pèse lourdement sur son budget (Graphique 1).
Mais l’effort consenti sur la baisse des dépenses publiques a permis de contenir un effet de « boule de neige » qui aurait été bien plus dramatique. Pour mesurer l’ampleur des restrictions budgétaires, comparons-les à ce qu’elles auraient représenté pour notre économie. En 2010, l’Irlande décidait de réduire sont budget de 10 Md€, soit 6 % du PIB. Par comparaison, c’est l’équivalent d’une réduction de la dépense publique de l’ordre de 120 Md€ en France. Alors que les gouvernements successifs peinent à économiser quelques milliards de-ci de-là, il est difficile d’imaginer en France une telle dose d’austérité. Pour y parvenir, l’Irlande sabre dans les services publics, et réduit de 20 % les traitements de ses fonctionnaires, ainsi que les pensions de retraites.
C’est ainsi que l’Irlande est revenue à un niveau de dépenses beaucoup plus sain (Graphique 2). En France, en revanche, on continue de dépenser plus de la moitié du PIB par an, tout en se rapprochant d’un niveau de dette inquiétant.
Distinguer la bonne « austérité » de la mauvaise
L’Irlande a en réalité privilégié une baisse des dépenses sur une hausse de ses prélèvements obligatoires (bien que ceux-ci aient légèrement augmenté). Et le gouvernement travailliste en place depuis 2011 n’a que très peu infléchi la cure d’austérité du pays, en prévoyant encore 3,4 Md€ d’économies en 2014 ; contrairement à la France- où l’on taxe à tout va ! En étudiant le cas irlandais et en comparant les grands agrégats macroéconomiques, on peut donc distinguer la bonne austérité de la mauvaise. Car en Irlande, l’investissement repart. Grâce à des taux d’imposition attractifs sur les sociétés, les multinationales accroissent leurs opérations- et participent ainsi à la baisse du chômage. Il y a trois ans, le marché de l’emploi détruisait 7 000 emplois par mois. Aujourd’hui, on assiste à une création nette mensuelle de 5 000 postes. Il est vrai cependant que le taux d’emploi y est inférieur à la moyenne européenne et que le taux de chômage reste élevé (autour de 14 %), il n’empêche : l’Irlande va mieux. En effet, la confiance des investisseurs revient, et cela permet au pays de se financer à des taux raisonnables (Graphique 3).
Bien que les ménages n’aient pas encore retrouvé leur pouvoir d’achat d’avant la crise, celui-ci repart à la hausse. Un pouvoir d’achat, soit dit en passant, qui est plus élevé qu’en France, de l’ordre de 5 000 euros par habitant (Graphique 4), et ce malgré les années de crise qui ont durement touché l’Irlande.
En conclusion, lorsqu’il s’agit d’ajustements budgétaires, soit l’on augmente les impôts, soit l’on baisse les dépenses, soit les deux. Le redressement de l’Irlande confirme les travaux de l’économiste Alberto Alesina[[Voir notamment : Alesina A., Favero C. and Giavazzi F., The output e?ect of ?scal consolidations, NBER, August 2012. Et Alesina A. and Ardagna S., The design of ?scal adjustments, NBER, September 2012. Pour les critiques, voir : Perotti R., The « Austerity Myth »: Gain Without Pain?, NBER, June 2011.]]. Car la manière dont est conduite une politique d’austérité influe grandement sur les capacités productives. Les politiques publiques qui facilitent la baisse des dépenses n’ont pas d’impact négatif sur la croissance, voire même peuvent se révéler bénéfiques, au contraire des augmentations inconsidérées des prélèvements obligatoires. Le gouvernement français aurait tant à apprendre du cas irlandais !